Publié le Lundi 2 avril 2012 à 10h52.

En campagne comme à l'usine (La Nouvelle République)

Un homme « comme tout le monde ». C'est ainsi que Philippe Poutou aime se présenter. Lui, le père de famille, qui répare des machines à l'usine Ford de Blanquefort (Gironde) pour 1.800 euros nets par mois. Lui, l'ouvrier syndicaliste, qui a voulu « s'inviter au banquet des politicards professionnels ».

Vaste projet. Mais à force de vouloir être « un anonyme parmi des millions d'anonymes », le candidat trotskiste a fini par passer inaperçu. Bloqué à 0,5 % dans les sondages depuis des mois, il s'est même fait lâcher par un pan de son parti. « Notre candidat prend le chemin de la marginalité », ont argué Pierre-François Grond, Myriam Martin et Hélène Adam, trois figures du NPA, lorsqu'ils ont appelé à voter pour Jean-Luc Mélenchon.Sauf grande surprise, Philippe Poutou ne réitérera pas les coups d'éclat d'Olivier Besancenot, qui avait obtenu 4,25 % des voix en 2002, et 4,08 % en 2007. D'autant que la comparaison avec le célèbre facteur, porte-parole de la campagne, n'est pas à son avantage.Peu importe, il préfère en rire. « Même si on fait 0 %, même si on fait – 2 %, on continuera », plaisante le candidat, l'œil pétillant. Sa victoire, il l'a déjà vécue lors du dépôt de ses 572 parrainages le 13 mars. « On est là où on n'aurait pas dû être », aime-t-il rappeler.A petit candidat, petite campagne. Philippe Poutou sillonne la France de salle polyvalente en salle de quartier. Comme à Tours, où il a réuni environ quatre-vingts personnes le 27 mars dans le quartier populaire des Fontaines. « Nous n'allons même pas dépenser les 800.000 euros attribués par l'État », assure-t-il.

 Victime du " mépris social "

Pendant ces mini-meetings, l'ouvrier au franc-parler fustige le système capitaliste, les grands patrons et les politiciens. « Il y a du pognon pour financer les mesures sociales, c'est juste une question de volonté », clame-t-il, sous quelques timides applaudissements. « Ma candidature doit montrer que les gens normaux peuvent se défendre eux-mêmes », même si cette année, la priorité, « c'est de dégager Sarkozy et toute sa bande ». Le discours, martelé plusieurs fois par jour, est bien rodé.Les débuts n'étaient pas si évidents pour ce novice de la politique, et l'exercice médiatique a parfois tourné au calvaire. Philippe Poutou se souviendra longtemps de son premier passage chez Laurent Ruquier, un « dîner de cons » ponctué de railleries sur son nom de famille (« On a envie de vous faire un poutou ! ») et de piques sur son parcours d'ouvrier sans diplôme. « J'étais l'ouvrier à qui on avait tout à apprendre sur la vie et sur la " vraie politique " », raconte-t-il dans son livre, dénonçant le « mépris social » dont il se dit victime.*Bien loin des cercles parisiens, sa politique à lui c'est le militantisme. Lycéen déjà, le jeune Philippe Poutou délaissait les salles de classe pour aller dénoncer le nucléaire, l'apartheid et le régime d'Augusto Pinochet. Lutte ouvrière a été son porte-voix pendant dix ans - il n'a rejoint la LCR qu'après l'élection de 1995.Candidat aux législatives en 2007, puis tête de liste aux régionales de 2010, Philippe Poutou pensait avoir l'expérience des scrutins. Mais il avoue que « la présidentielle est une drôle de mission », qu'il n'aurait jamais pensé remplir un jour.Ce sont ses collègues de l'usine qui ont porté sa candidature après la défection d'Olivier Besancenot. Son fait d'armes : avoir mené quatre ans de lutte qui ont conduit au sauvetage de mille emplois, en tant que leader CGT. Ce combat l'a fait connaître du milieu ouvrier. « Si les élections s'arrêtaient aux portes de l'usine, il serait au second tour », assure son camarade cégétiste, Vincent Alauze. « C'est un syndicaliste qui a lutté pour l'industrie : c'est cette image qu'on voulait mettre en avant », explique Sylvain Fauvinet, responsable NPA en Indre-et-Loire.Héros éphémère, Philippe Poutou reprendra le chemin de l'usine le 2 mai. Mais en cas de victoire de François Hollande, il prévoit déjà une « riposte unitaire » à la gauche de la gauche.

 * « Un ouvrier c'est là pour fermer sa gueule ! », Philippe Poutou, éd. Textuel, 47 pages, mars 2012.

le programme

Travail : interdiction des licenciements, durée de travail à 32 heures, SMIC à 1.600 euros nets, revalorisation de tous les salaires de 300 euros nets.> Finance : annulation de la dette, nationalisation des banques.> Éducation : parcours commun de 2 à 18 ans, embauche de 100.000 professionnels de l'enseignement.> Institutions : suppression de la fonction présidentielle, du Sénat et du Conseil constitutionnel.> Environnement : interdiction des OGM, sortie du nucléaire en dix ans.> Immigration : régularisation de tous les sans-papiers, liberté de circulation et d'installation.

Chloé Bossard