1972. Vers la mise en place d’un contrôle strict de l’immigration
La publication des circulaires Marcellin-Fontanet en janvier et février 1972 marque un changement de cap dans la politique d’immigration. Sous l’effet de la crise économique les lois se durcissent pour les migrantEs et 83 % d’immigréEs tombent dans l’illégalité. Après six mois de luttes, de mobilisation et de grèves de la faim, le gouvernement recule en 1973 et doit régulariser 40 000 étrangerEs.
Sous la présidence de Giscard, en 1974, les conditions d’entrée et de séjour des étrangerEs se durcissent : la fabrique de « sans-papiers » se perfectionne.
1980. Le gouvernement contraint de rouvrir les guichets de régularisation
La grève de la faim est l’un des principaux mode d’action des immigréEs pour revendiquer des conditions de vie et de travail dignes. Mais ils mènent aussi des grèves dans les usines où ils sont sous payés. La « grève des loyers » Sonacotra fera date. Suivie par près de 3 000 résidents dans plus d’une centaine de foyers en France, elle durera quatre ans.
Le 11 février, 17 travailleurs turcs débutent une grève de la faim pour « des cartes de séjour et de travail pour être des travailleurs comme les autres ». Après un mois de grève de la faim, ils obtiennent leur régularisation.
1981-1982. La gauche sous la pression des grèves pour la régularisation
Une autre vague de régularisation, beaucoup plus importante, suivra mai 1981. Elle bénéficie à 131 000 personnes sur 149 000 demandes. Les mesures d’apaisement prises par Mitterrand dès son élection créent incontestablement un espoir dans la population immigrée. Mais la politique du contrôle des flux migratoires n’est pas remise en cause. La régularisation définie par le gouvernement dans sa circulaire du 11 août 1981 est soumise à certaines conditions qui apparaissent rapidement comme tout à fait arbitraires.
Une première lutte éclate à Paris et à Montrouge chez les travailleurs égyptiens distributeurs de prospectus menacés de licenciement. Le 27 mars 1982, quarante marchands ambulants entament une grève de la faim dans le 12e arrondissement de Paris pour obtenir une carte de commerçant et la fin des contrôles sur les marchés. Le 19 octobre 1982, vingt travailleurs maliens et sénégalais, organisés dans l’ASTI 15e, travaillant en intérim ou chômeurs, laissés pour compte de la régularisation, entament une grève de la faim à l’église Saint-Hippolyte dans le 13e arrondissement à Paris. Ils obtiennent leur régularisation.
1996. Le printemps des luttes des sans-papiers
Avec la droite revenue au pouvoir et le durcissement des lois sur le séjour des étrangers, de nombreux travailleurEs migrants se lancent dans la lutte avec l’occupation de l’église Saint-Ambroise, suivie par celle de l’église Saint-Hippolyte et enfin par celle de l’église Saint-Bernard dans le 18e arrondissement qui restera le lieu symbole de la lutte pour la régularisation. Occupée pendant près de deux mois par 300 sans-papiers soutenus par de nombreuses personnalités. Le 23 août 1996, l’assaut est mené par les gendarmes mobiles dans l’église Saint-Bernard évacuée avec violence. Le mouvement des sans-papiers, où se mélangent les origines, se structure, s’auto-organise à cette époque.
En juin 1997 le gouvernement Jospin ouvre une régularisation sur critères : sur 135 000 demandes, plus de 80 000 seront satisfaites. Des parrainages républicains, des occupations et des grèves de la faim de sans-papiers se multiplieront en 1998.
2006-2010. « On bosse ici, on vit ici, on reste ici ! »
En 2006, une série de grèves pionnières éclatent (blanchisserie Modeluxe dans l’Essonne, restaurant La Grande Armée, à Paris…). Puis, plusieurs centaines de salariéEs sans-papiers soutenus par la CGT, la CFDT et plusieurs associations, lancent au printemps 2008 principalement dans la région parisienne une série de grèves reprenant la revendication centrale de la régularisation en l’associant au mode d’action traditionnel du mouvement ouvrier, la grève du travail. Près de 2 000 travailleurs sans-papiers entrent en grève au cours du second trimestre 2008. Il faut ajouter les dossiers déposés de1 500 salariés isolés. Il y a de nombreuses occupations : restaurants, sièges sociaux, ou encore lieux symboliques comme la Maison de la propreté, à Villejuif, siège de la fédération des employeurs du nettoyage. Des femmes sans-papiers qui travaillent, pour la plupart, chez des particuliers et au noir entrent aussi en lutte. L’opinion publique apprend alors que de nombreux sans-papiers occupent des emplois salariés dans des entreprises ayant pignon sur rue.
Ces luttes extrêmement courageuses, à plus d’un titre exemplaires, arrachent des régularisations et obligent les autorités à légiférer sur la régularisation au titre du travail.
Les années 2000. Restrictions successives, expulsions massives
Entre les lois Sarkozy en 2003 et 2006, les lois Besson-Hortefeux-Guéant en 2011, Cazeneuve en 2016 ou Collomb en 2018, la situation ne fait que se dégrader. Seul recul : les mouvements impulsés par RESF dans les établissements scolaires obtiennent de Sarkozy une circulaire de régularisation pour les parents d’enfants scolarisés et les lycéenEs à l’appréciation des préfets.
Le tournant du 18 décembre 2018
Face à la politique répressive ignoble des gouvernants, il est apparu de plus en plus clairement que l’action humanitaire, bien que nécessaire, ne suffisait plus. Il fallait s’unir, se coordonner afin d’impulser un mouvement national fort.
Le 18 décembre 2018, la Marche des Solidarités et la Confédération CGT ont appelé à la journée internationale des migrantEs. Cette fois l’unité entre syndicats, collectifs de sans-papiers et associations est au rendez-vous. Ensuite, la Marche des solidarités a initié les manifestations de sortie du confinement en mai qui furent une vraie bonne surprise, celles de juin et aujourd’hui les marches dans tout le pays qui vont converger à Paris le 17 octobre.