A son retour des Antilles en février, le postier rêvait de multiplier des collectifs LKP sur tout le territoire.
L'idée a fait chou blanc, faute de relais. En visite sur le site de Molex Automotive (Haute- Garonne) le 23 avril, le chef de file du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) a dé gainé une autre proposition : une marche de tous les salariés licenciés. Des cortèges partant de Continental, de Caterpillar et des autres, rejoints par la population et se donnant rendez-vous à Paris. Quand ? Dès que ce sera possible de l'organiser. Pour faire quoi ? Le Grand Soir ? La révolution ne se décrète pas, répond le facteur. Alors ?
«On cherche un mouvement social prolongé qui joue la carte de l'épreuve de force, explique Pierre-François Grond, le bras droit de Besancenot. Il faut infliger des défaites à Sarkozy sur le plan fiscal, sur les licenciements ou sur la redistribution des richesses.»
Trois mois après sa création, le NPA ressemble plus que jamais à un supersyndicat. Son porte-parole Olivier Besancenot fait la tournée des boîtes en crise, et ces derniers temps les sollicitations ne manquent pas. Le parti n'hésite pas à démarcher à la sortie des usines, quand il n'a pas de relais à l'intérieur. Ce qui lui a valu d'être qualifié de «rapace» par le leader de la CDFT, François Chérèque. Un signe de l'inquiétude des grandes centrales face à cette concurrence ?
Il faut dire que le NPA, qui a recruté pas mal de cégétistes au moment de sa création, joue la base contre les directions syndicales, accusées d'être trop molles. De quoi en faire un coupable idéal pour l'Elysée, qui dénonce volontiers la main de l'extrême-gauche derrière le durcissement des conflits.
Très présent sur le terrain social, le NPA l'est du coup nettement moins sur le front électoral. L'heure est aux luttes, pas aux élections, assène Besancenot. Quitte à zapper complètement l'échéance européenne ? A un mois de son premier test dans les urnes, le parti vient à peine de boucler ses listes. Le facteur n'y figure qu'en position non éligible, numéro trois en Ile-de-France. Et n'en dit pas un mot lors de ses déplacements. Trop à côté de la plaque, pense-il ! «S'il parle des élections à Molex, il est pris pour un zombie», plaide Pierre-François Grond.
Le NPA se défend pourtant de vouloir sauter la case du 7 juin. La campagne démarrera à la mi-mai et le planning est chargé : 14 meetings sont programmés pour Besancenot, qui rendra aussi visite à des formations anticapitalistes amies au Portugal, en Espagne et en Pologne. Message martelé : il faut profiter du vote pour sanctionner Sarkozy.
L'objectif électoral du NPA n'en reste pas moins modeste : dépasser les 5% et envoyer au moins un euro-député à Strasbourg. Timide ambition, au regard des sondages flatteurs. Mais les dirigeants anticapitalistes rappellent le scénario des européennes de 2004 : la liste LCR alliée à Lutte ouvrière avait plafonné à 2,6%. Et soulignent que le gros des abstentionnistes se recrute souvent dans l'électorat jeune et populaire, proche de celui du facteur. Impossible pourtant d'y échapper : le 7 juin, le jeune parti sera jugé à ses résultats. «Notre crédibilité se joue aussi sur notre score», reconnaît Pierre-François Grond. C'est la dure loi pour tout parti politique.
Maël Thierry.Le Nouvel Observateur