Au QG de Philippe Poutou (Matthieu Molard)
18 heures. Ce n'est pas la grande affluence au QG du candidat anticapitaliste. Depuis l'écran, on entend un journaliste annoncer "600 journalistes rue de Solférino", le siège du Parti socialiste, tandis que dans le sous-sol, qui abrite les militants du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), à peine une trentaine de représentants des médias. A peu près autant de militants discutent autour d'une bière. Les dernières prestations de Philippe Poutou sont sur toutes les lèvres. "Dommage que l'égalité de temps de parole ne dure qu'une semaine. On sentait qu'il y avait une vrais sympathie", commente Stan.
Philippe, il ne met pas la même barrière que les gros candidats. Il est naturel, avec lui on peut vraiment parler de politique", ajoute le jeune homme.
19h30. C'est désormais une petite centaine de militants qui est réunie rue Taine. La direction s'est enfermée dans un bureau à l'étage pour préparer l'intervention de Philippe Poutou. Françoise pense que "son candidat" est resté à Bordeaux, ville dans laquelle il se présentera aux législatives. Elle discute avec sa fille, elle aussi encartée au NPA. Elle avoue n'avoir pas été très sure du choix fait par son parti. "Mais Philippe s'est vraiment révélé, il a vite appris. Et puis lui au moins il ne ment pas!"
La percée n'a pas eu lieu
20 heures, le visage des deux vainqueurs apparaît sur l'écran, sans déclencher de réaction. "C'est la rigueur de gauche contre la rigueur de droite", commente un jeune. Le score de Marine Le Pen apparaît juste après. Il déclenche une huée. Certains se prennent la tête dans les mains. A l'annonce du score de Philippe Poutou, la petite centaine de militants applaudit mais sans réel entrain. 1,2% la percée de Philippe Poutou, tant espérée, n'a pas eu lieu. Une jeune militante lance: "Tout est à nous, rien n'est à eux, tout ce qu'ils ont, ils l'ont volé..." Le chant est repris en chœur, les sourires regagnent les visages. "Pour nous, ce qui compte, c'est le troisième tour social, et Philippe Poutou incarnait ça!"
L'intervention de Philippe Poutou est attendue pour 20h15. Il se fait doubler par Jean-Luc Mélenchon. Le "camarade" en charge de la technique coupe le son, s'attirant la réprobation de l'assemblée : "C'est politique, il faut écouter!" Le son est rétabli. Le candidat du Front de Gauche déclare qu'il ne négociera pas avec le PS. "A 11%, il n'a rien à négocier", ironise une militante.
Pas d'accord national avec le Front de Gauche
20h30. La déclaration de Jean-Luc Mélenchon terminée, Philippe Poutou fait son arrivée dans la salle sous les hourras. Son éternel sourire sur le visage, il applaudit ses sympathisants. "Super l'ambiance!" Comme tous ceux présents dans la salle, il retient davantage le score élevé de Marine Le Pen que son propre résultat décevant. Il fustige le "danger mortel" que représente la candidate frontiste et appelle à se mobiliser le premier mai "pour défendre les mesures sociales", mais aussi pour combattre "les dangers de l'extrême droite". Comme l'a toujours fait le parti anticapitaliste. Il appelle implicitement à voter pour François Hollande : "Il faut dégager Sarko et sa bande". Il lance aussi un appel du pied au Front de gauche et à Lutte Ouvrière "avec qui il faut ouvrir des discussions."
Quelques minutes plus tard, c'est Alain Krivine, qui tempère: "Il faut discuter pour l'avenir des luttes. Mais il n'y aura pas d'accord national avec le Front de Gauche." "Jean-Luc Mélenchon ne rentrera sans doute pas dans un gouvernement, mais comme dans toutes les régions, soutiendra-t-il la politique des socialistes?" Question rhétorique, l'ancien candidat à la présidentielle n'y croit pas. Du côté des militants, on se questionne sur le second tour. Beaucoup affirment qu'ils ne voteront pas Hollande. Pas question de cautionner "la rigueur de gauche!" Quant à Philippe Poutou, son avenir sera "bien sûr au NPA, dans les luttes!" Et puis à partir de lundi, il "reprend le boulot à l'usine!"