A trois mois des élections, le rassemblement de toute la gauche de la gauche n’est plus qu’un souvenir. Le parti de Mélenchon, le PCF et le NPA négocient les alliances au cas par cas.
La gauche radicale n’a pas connu de trêve hivernale. Après six mois de négociations et à trois mois des régionales, les partis de la gauche de la gauche n’ont toujours pas bouclé leurs listes pour les élections de mars, ni même parfois défini le contour de leurs alliances. Seule certitude : le PCF, le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) d’Olivier Besancenot ont encore une fois échoué à s’allier. Avec le cavalier seul des trotskistes de Lutte ouvrière (LO), comme aux européennes, la gauche radicale partira donc en ordre dispersé le 14 mars.
Pis, les négociations se déroulant désormais au niveau des régions, la carte électorale de la gauche radicale sera à géographie variable. Une conséquence des votes des militants communistes qui ont choisi la stratégie de leur parti région par région et des divisions internes au NPA, dont la direction laisse désormais les comités locaux régler les alliances au cas par cas. Les dirigeants nationaux voulaient aller aux urnes dans un paysage uni. Ils offrent à leurs électeurs un patchwork d’unions aux formes et couleurs différentes.
«Nos difficultés montrent qu’on a, à l’avenir, besoin d’une forme qui rassemble toute la gauche de transformation», explique Eric Coquerel, chargé des relations extérieures au PG. En clair le grand parti allant des communistes aux anticapitalistes dont rêve Jean-Luc Mélenchon. «Mais ne brûlons pas les étapes», tempère-t-il. «On assiste à une recomposition de la gauche de la gauche avec deux projets contradictoires, voit plutôt Pierre-François Grond de la direction du NPA. Celui d’une gauche anticapitaliste totalement indépendante du PS et celui d’une aile gauche radicale qui a pour but de tirer les socialistes sur la gauche et prête à s’allier avec elle. Il y a une redistribution des cartes et les orientations de chacun sont en train de s’éclaircir.» Certes… Mais pour ces régionales, pas sûr que l’électeur, lui, y voit très clair. Explications.
Un Front de gauche «élargi».
C’est la formule la plus en vogue. Dans 17 régions sur les 22 métropolitaines, communistes et mélenchonistes reconduiront l’expérience tentée aux européennes : un «Front de gauche», émancipé du Parti socialiste au premier tour. Cette fois-ci, d’autres petites formations comme la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase), les Alternatifs, le Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP) et le Parti communiste ouvrier français (PCOF) participeront à l’alliance sous le slogan «Ensemble, pour des régions à gauche, solidaires, écologiques et citoyennes». Ils rejoignent République et socialisme et la Gauche unitaire de l’ex de la Ligue communiste révolutionnaire Christian Picquet, déjà présents aux côtés du PG et du PCF depuis les européennes. Des acteurs du mouvement social, syndical et associatif seront également sur ses listes. Gérard Boulanger, un des avocats des parties civiles lors du procès de Maurice Papon, sera par exemple chef de file régional en Aquitaine.
Mais à deux jours de leur grand meeting de lancement de campagne, dimanche, au Palais des congrès de Paris, PCF et PG ne sont toujours pas d’accord sur la répartition des têtes de liste. Les communistes proposent à la formation de Jean-Luc Mélenchon cinq régions (Aquitaine, Rhône-Alpes, Pays-de-Loire, Languedoc-Roussillon et Franche-Comté) et la place de numéro 1 dans 19 départements. Mais pour le parti de Jean-Luc Mélenchon, soucieux d’éviter une hégémonie PCF sur l’union, le compte n’y est pas. Le PG réclame de meilleures têtes de liste départementales (Tarn, Var…) et fait valoir qu’il hérite de deux régions (Pays-de-Loire et Franche-Comté) où il sera difficile d’atteindre les 5% nécessaires à la fusion de listes. Ils comptent surtout sur l’Ile-de-France pour Jean-Luc Mélenchon. Mais pas question pour le PCF de priver Pierre Laurent, futur dauphin de Marie-George Buffet à la tête du parti, de la lumière médiatique d’une telle candidature. Pas question non plus de trop sacrifier ses 184 élus régionaux sortants. «Il y a ceux qui donnent beaucoup et ceux qui veulent beaucoup. Nous, nous avons beaucoup donné, a-t-elle glissé mercredi lors de ses vœux à la presse. Nous sommes arrivés à un bon équilibre.» Au PG, on attend un autre geste des communistes pour «débloquer» la situation. Hier soir, une rencontre entre partenaires du Front de gauche devait régler les derniers différends.
L’alliance PG-NPA.
Dans cinq régions (Bretagne, Champagne-Ardenne, Lorraine, Bourgogne et Basse-Normandie), les militants PCF ont fait le choix, comme en 2004, de partir avec le PS dès le premier tour. Du coup, une alliance NPA-PG sera annoncée samedi en Basse-Normandie. D’autres devraient suivre en Bourgogne et en Champagne-Ardenne. «Les choses devraient tourner correctement», confie un responsable du Parti de gauche dans cette région. Mais en Lorraine, les négociations entre mélenchonistes et camarades de Besancenot ont capoté. La palme de la division revenant à la Bretagne : un tiers du PG breton devrait faire campagne avec le NPA. Les deux autres tiers préparent une liste avec la Fase, les Alternatifs et les fédérations PCF du Morbihan et du Finistère.
Les transfuges communistes.
Comme en Bretagne, certains militants communistes refusent de faire campagne avec les sortants socialistes et jouent les renforts sur les listes menées par le Parti de gauche (et parfois le NPA). A l’inverse, en Pays-de-la-Loire, trois fédérations départementales (Loire-Atlantique, Mayenne, Maine-et-Loire) refusent le Front de gauche et iront garnir les rangs du PS. Tout comme certains élus PCF régionaux sortants soucieux de sauver leur place, comme l’ex-ministre des Transports Jean-Claude Gayssot, vice-président en Languedoc-Roussillon et candidat sur les listes du président et ex-PS George Frêche. «Il y aura très peu d’exceptions à l’arrivée, assure Pierre Laurent. Nous travaillons à résorber les difficultés.»
L’union NPA-Front de gauche.
Au plan national, Front de gauche et NPA ne se causent plus. Mais dans quelques régions, on discute toujours. Les négociations ont échoué en Aquitaine et en Franche-Comté. En Poitou-Charentes, elles s’avèrent compliquées. Les responsables locaux du NPA (et certaines voix PG) accusant le PCF de verrouiller les places sur les listes : «On ne veut pas de nous, y compris quand nous sommes unitaires, explique un responsable NPA en Aquitaine. On prend note pour l’avenir.»
En revanche, en Limousin et Pays-de-Loire, un accord Front de gauche - NPA pourrait aboutir rapidement. Ces deux régions suivraient alors l’exemple du Languedoc-Roussillon où PG, PCF et NPA ont annoncé hier qu’ils affronteront ensemble les listes de George Frêche. «Ils auraient dû tous faire comme nous», se vante le PG René Revol, chef de file des listes dans cette région, qui voit dans l’exemple languedocien un «bon point d’appui pour une reconstruction de la gauche».
Par LILIAN ALEMAGNA