Il bouquine dans le TGV. Jette un regard perdu sur le parvis de la gare en débarquant à Montpellier. Et peste contre sa valise qui ricoche sur les marches d’un escalier. Comme tout le monde. Sauf que Philippe Poutou, 45 ans, est candidat à la fonction suprême. Il a beau être noyé dans la foule anonyme, le nom de cet ouvrier, novice en politique, devrait côtoyer dans les urnes celui des poids lourds de l’élection présidentielle si le Nouveau Parti anticapitaliste(NPA) parvient à glaner les 500 signatures d’élus nécessaires.
En attendant, le quotidien du réparateur de machines à l’usine Ford de Blanquefort (Gironde) a d’ores et déjà été bouleversé par le casting présidentiel du NPA. Depuis huit mois, le salarié a dû apprendre à enfiler le costume d’aspirant président. Et se prêter aux passages obligés pour tous les candidats engagés dans la course à l’Elysée. Comme hier, lors d’un déplacement à Montpellier. A la sortie du train, juste trois camarades, puis une petite marche dans les rues de la ville, valise à la main, sous le regard indifférent des passants. « Attention! » le prévient un militant. « Tu m’indiques les crottes de chien, c’est ça? Faut pas, ça porte bonheur », rigole Poutou.Le franc-parler est de miseA l’intérieur du local du NPA, une affiche de son charismatique prédécesseur, Olivier Besancenot, orne encore un mur. Il y a peu de journalistes, mais devant les caméras, l’ouvrier déballe son programme anticapitaliste en triturant une poche de mouchoirs. Le franc-parler est de mise (« c’est un jeu à la con », « ça fait chier », « les enflures ») pour celui qui revendique son statut de « candidat normal ». Mais qui vit parfois dans la douleur les « contraintes » imposées par son « nouveau boulot ».« Je n’ai pas un tempérament de superhéros. Même à l’usine, aux assemblées générales, quand je prends la parole, j’ai l’impression que ce n’est pas ma place », sourit-il. Très timide, Poutou découvre avec étonnement les retombées de sa nouvelle et très relative (comme en témoigne son 0% d’intentions de vote dans les sondages) célébrité. « Dans les transports, on me salue parfois. J’ai de la chance, je n’ai pas encore pris de farine dans la gueule », raille celui qui a décidé de ne pas bénéficier du service réservé aux personnalités que la compagnie Air France lui a proposé. « C’est pas trop mon truc, je veux rester normal », explique-t-il. Au fil des semaines, le candidat a appris à vivre avec le stress des meetings. « Mais j’ai toujours la trouille, lance-t-il, peu de temps avant de prendre la parole devant environ 100 personnes. Je ne suis pas une bête de scène comme Jean-Luc Mélenchon. Et ça m’étonnerait que j’y prenne goût… » Poutou confie d’ailleurs sa « hâte » que l’expérience présidentielle s’achève. Pour retrouver l’usine, un quotidien normal. Comme tout le monde.
De notre envoyée spéciale Ava Djamshidi à Montpellier.