Publié le Vendredi 13 avril 2012 à 18h45.

Le NPA adhère à la méthode Poutou (JDD.fr)

REPORTAGE - Réuni en meeting, jeudi soir à la Halle Carpentier de Paris, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a ovationné son candidat, Philippe Poutou, qui surprend par son ton décomplexé voire décalé.

Ce n'est pas qu'un simple quart d'heure de célébrité que Philippe Poutou a eu mercredi soir, dans l'émission Des paroles et des actes sur France 2. Son ton décalé et son autodérision étaient un vrai pari, alors que le candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) peine à décoller au-delà des 1% d'intentions de vote dans les études d'opinion. Jeudi soir, l'ouvrier-candidat a pu vérifier s'il avait réussi son passage télévisé à l'occasion de son meeting francilien, à la Halle Georges-Carpentier dans le 13e arrondissement parisien.

Trois tribunes installées, deux vides

En préambule de ce "grand rassemblement", promis par les centaines d'affiches collées dans la capitale, Philippe Poutou se disait déjà satisfait de sa prestation : "L'émission a fait un petit peu de bruit, il nous faut profiter de ce petit espace médiatique au maximum", a-t-il expliqué à la presse. Il lui restait à savoir si les militants avaient apprécié ce que le candidat qualifie lui-même d'"amateurisme politique". La Halle Carpentier a déjà été plus remplie : l'espace réservé au meeting n'occupe que 40% de la surface totale, trois tribunes sont installées mais deux resteront vides. Un suicide sur la ligne de métro qui dessert le bâtiment a par ailleurs retardé le début des discours. Mais près de 1.100 personnes auront tout de même fait le déplacement. Et si l'auditoire n'est pas comparable à ceux dont est habitué Jean-Luc Mélenchon, les militants présents jeudi soir sont motivés.

Poutou, "le plus connu des inconnus"

Mieux, les sympathisants du NPA valident la stratégie de leur candidat. "Il nous ressemble : lui au moins connaît notre quotidien, gagne un salaire comparable aux nôtres", affirme Jeanne, étudiante qui a rejoint "la lutte" après avoir "admiré ce qu'avait fait les Indignés en Espagne". "Philippe Poutou est un syndicaliste. Alors il n'a peut-être pas fait de media-training mais il connaît la réalité du terrain", renchérit Marie, militante d'Attac, de Solidaires et du NPA depuis quinze ans.
Les militants sont derrière leur candidat et l'ambiance, au sein de la Halle Carpentier, s'en ressent. Les applaudissements sont chaleureux, surtout après le passage d'Olivier Besancenot à la tribune. Le facteur et candidat à la présidentielle en 2007 a électrisé la salle, ponctuant son éloge à Philippe Poutou - "devenu le plus connu des inconnus de cette campagne" - de saillies comme lui seul sait les faire : "[Bernard] Tapie au moins a un langage de classes comme nous : il va voter Sarkozy pour la santé de son compte en banque."

"Il faut bosser 168.000 ans pour avoir la fortune de Bolloré"

S'il se dit "quelque peu intimidé" devant le millier de personnes qui l'acclament, Philippe Poutou semble de plus en plus à l'aise. Plus expérimenté qu'en début de campagne, il livre à la tribune un discours engagé, où il alterne ses propositions à des piques, plus ou moins aiguisées, à ses rivaux. Son objectif : battre Nicolas Sarkozy "et toute sa bande du Fouquet's" sans se compromettre dans "l'austérité de gauche" proposée par François Hollande. Critiquant la "démagogie sécuritaire de l'UMP et du FN derrière laquelle se cache du racisme", il lie les "ennuis de DSK" aux violences faites aux femmes. Mais sa cible préférée reste "les riches qui se sentent stigmatisés". "Si on gagne 2.000 euros par mois et qu'on dépense 0 euro, il faut bosser 168.000 ans pour avoir la fortune de Bolloré, l'ami de Sarkozy", ironise-t-il. Rires de la salle.

"On ne sera pas élus"

Le discours ne se veut pas pour autant pessimiste. Philippe Poutou multiplie les traits d'humour et compare volontiers les candidats dans les usines à leur visite annuelle au Salon de l'Agriculture. "Sauf qu'ils ne caressent pas le cul des ouvriers comme celui des vaches", ajoute-t-il. En fin de meeting, il redevient toutefois pragmatique : "Je vous le dis tout de suite : on ne sera pas élus. Mais cette élection n'est qu'une première manche." Face à la "solution de rechange libérale" de François Hollande, le NPA compte bien continuer la lutte dans la rue.
Une perspective qui enchante les militants. "Cette présidentielle nous permet de faire connaître nos idées, mais le combat lui ne se fait pas dans les urnes", assure Didier, sympathisant qui compte s'encarter au NPA dans les prochains jours. "Pour affronter le capitalisme, il faut tout changer, et cela commencera pas le système politique", affirme de son côté Jean, "vieux de la vieille" qui milite "comme Philippe" en tant qu'ouvrier dans son usine. Philippe Poutou, lui, aura au moins réussi à changer la manière dont on fait de la politique, en amateur décomplexé.