Le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a désigné ce dimanche Philippe Poutou comme candidat pour l’élection présidentielle 2017, où le Bordelais se veut le porte-voix des opprimés et de la contestation sociale. Il a accordé une de ses premières réactions à Rue89 Bordeaux.
Le réparateur de machines-outils de l’usine Ford à Blanquefort remet son bleu de travail pour porter la candidature du Nouveau Parti Anticapitaliste à l’élection présidentielle de 2017. Le bureau national du NPA a désigné ce dimanche le Bordelais à une grande majorité. Ce n’est pas qu’il raffole de ce type de marathon, mais comme « personne n’a envie d’y aller », le syndicaliste CGT s’est dévoué. Il sera probablement le seul ouvrier en lice, bien que sa catégorie sociale représente 20% de Français actifs.
Pour tenter d’éviter l’ « hyper-personnalisation de l’élection », le NPA a désigné un groupe de 4 porte-paroles. Olivier Besancenot, Christine Poupin et Armelle Pertus épauleront le candidat girondin qui avait quitté la direction du parti en octobre 2014. Pour ses 50 ans, Philippe Poutou espère faire mieux que le 1,15 % de 2012, lors de sa première candidature. Encouragé par la contestation populaire contre la loi Travail, le programme reste le même : pousser les « opprimés » à renverser la table et «que le pognon réponde aux besoins des gens, pas à alimenter les dividendes ».
Rue89 Bordeaux : Comment s’est déroulée votre désignation ?
Philippe Poutou : Dans notre parti, la question ne se pose pas comme dans les autres. Personne n’avait envie d’y aller car personne n’a d’ambitions personnelles. On n’entend pas des voix, ni le peuple qui nous demande. Ça se discute collectivement. Nous, le NPA, on a décidé d’y aller donc comment on fait ? Qui y va ? Il faut un nom.
Olivier [Besancenot] l’a déjà fait deux fois. Il faut que ça tourne. Les camarades pensent qu’il vaut mieux que ce soit un visage déjà connu car ça facilite beaucoup le travail pour les parrainages. On aurait aimé une camarade, mais ça paraissait pour beaucoup mission impossible. Alors, je repars pour un tour.
Même si en octobre 2014, vous aviez quitté la direction du NPA, la jugeant « trop parisienne » ?
Beh oui… C’est sûr qu’il y a un an et demi, on n’aurait jamais pensé ça. Moi non plus. Ça montre que la plupart des camarades souhaitaient que je revienne. Ça fait partie des difficultés de la vie interne…
Le climat de contestation sociale a pacifié votre climat interne ?
C’est sûr, pour nous, c’est important. Pour un parti qui dit toujours qu’il faut se battre, que ça pète, que ça change, que les gens doivent prendre les choses en main, ce qui se passe en ce moment est énorme par rapport à tout ce qu’on n’a vécu ces dernières années. Ce n’est pas la révolution, mais pour la première fois depuis longtemps, il y a un espoir. Et ça a des conséquences pour notre parti. Ça nous remet la pèche, on se regarde moins le nombril et on se dit qu’il faut qu’on y aille, qu’il y a un mouvement à construire. Ces élections doivent servir à amplifier tout ça, à le défendre largement. Ça nous aide aussi à résoudre quelques difficultés internes.
Vous pensez retrouver l’énergie des débuts du NPA quand il y avait près de 10000 adhérents en 2009 à sa création (quatre fois moins quatre ans plus tard) ?
On espère. Il se passe quelque chose. Le mouvement contre la loi El Khomri se renforce. On ne sait pas jusqu’où ça ira, ni même s’il y aura une victoire, mais peu importe, ça remet d’actualité l’envie de résister, d’essayer de changer les choses… En tout cas de dire stop au gouvernement.
Nous, on retrouve cet espoir que des gens aient envie de militer, de s’organiser, d’aller plus loin qu’une grève, qu’on construise un outil politique aux services des opprimés. L’espoir revient et on fait le pari qu’à un moment donné ça changera.
La version « Moi, président » de Philippe Poutou, ça donne quoi ?
(rires) Déjà ce serait « Nous Candidat », car ça ne peut pas être moi. Nous, candidat, on en appelle à la révolte, à l’auto-organisation, à la démocratie s’imposant par en-bas, au combat contre les possédants, les capitalistes qui créent misères et guerre.
Votre programme est déjà établi ?
On a une base de programme, évidemment : un programme anticapitaliste. Comment faire pour enlever les moyens de nuire au patronat, répartir les richesses, créer des services publics, avoir une politique qui répond à l’urgence des besoins sociaux… On sait que ce sont des choix et que contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, les règles économiques ne dictent pas la politique.
On a des tas de choses à dire et à défendre : l’interdiction des licenciements, la baisse du temps de travail, le retour de la retraite à 55 ans. Le pognon doit répondre aux besoins des gens et pas alimenter les dividendes ou les profits des grosses sociétés. Avec aussi nos idées antiracistes, écologistes, pour l’égalité des droits et la solidarité avec les migrants….
On voit qu’il y a des gens en colère et que le ras-le-bol et l’écœurement se retrouvent plutôt dans la résignation voire dans un vote d’extrême droite, de haine envers les immigrés, les chômeurs…
Que proposez-vous ?
Il faut qu’on renverse ça et qu’on redonne de la dignité aux gens. Il faut qu’on se serre les coudes, qu’on soit solidaires, qu’on retrouve des idées de consciences de classes. Ceux qui votent pour le Front National votent contre eux-même. Le Front National n’en a rien à cirer des exploités, des pauvres. Il faut faire comprendre qu’il peut y avoir de l’espoir du côté du collectif.
Libération, des politiques et intellectuels demandent une primaire à gauche. Jean-Luc Mélenchon s’est proposé comme candidat, Nathalie Arthaud a été désignée candidate de Lutte Ouvrière. N’y a-t-il pas déjà trop de dispersion à gauche ?
Ça va faire partie des choses qui se discuteront mais on ne se sent pas concernés par la primaire à gauche. C’est le monde auquel on n’appartient pas… ce monde de partis institutionnels. Il y a une gauche qui est en train d’éclater et c’est comme si il fallait toujours la sauver, la rafistoler, éviter son écroulement. Nous, on s’en fout de ça. La gauche a trahi. Le problème n’est pas de reconstruire une gauche mais de débattre comment les opprimés, ceux qui subissent la crise, peuvent se défendre eux-même.
Ça paraît peut-être paradoxal d’aller aux élections pour ça mais la présidentielle est un moment où on peut dire les choses très largement, à l’inverse de ce qu’on entend tous les jours.
Avec Nathalie Arthaud, on se retrouve sur la critique de la société et l’anticapitalisme. La difficulté, c’est que LO se considère seul à faire ça. Le problème est posé de construire un parti contestataire anticapitaliste large et unitaire. On voudrait défendre cette perspective.
Et Jean-Luc Mélenchon et le Parti de gauche ?
Mélenchon fait partie de cette gauche institutionnelle. Et il est compliqué. On était habitué au fait qu’il serait un bout de la gauche radicale, profondément anti-PS. Il y avait des tas de points communs mais aujourd’hui on ne comprend pas son discours ni gauche ni droite, sa France rebelle devenue France insoumise, ni son soutien à Poutine et son message assez nationaliste…. Il y a des tas de choses qu’on ne suit pas.
Nous, on veut convaincre que la solution, c’est de prendre ses affaires en mains. C’est à l’opposé de l’idée de voter pour un soit-disant sauveur que ce soit Le Pen, Hollande ou Mélenchon.
Cette désignation s’est faite un an avant l’élection, pourquoi ?
Il faut qu’on démarre maintenant la recherche des parrainages [500 maires doivent parrainer cette candidature pour qu’elle puisse se présenter, NDLR]. On doit s’organiser petit à petit. Et notre actualité à nous, c’est le mouvement contre la loi Travail ! On a aussi des échéances avec Notre-Dame-des-Landes et les migrants.
En 2012, vous étiez présenté comme l’inconnu – un qualificatif dénoncé dans votre pamphlet Un ouvrier c’est là pour fermer sa gueule. Ce ne sera plus le cas pour 2017, d’autant qu’entre-temps vous avez été candidat aux élections européennes et aux élections municipales à Bordeaux. Êtes vous rôdé maintenant ?
Ce n’est plus l’inconnu, mais de toutes façons ce n’est pas confortable de faire ce boulot là. On fera au mieux. Si la situation sociale évolue, ce qu’on dira n’aura pas le même écho dans la campagne, ça aura une autre gueule. Le climat social sera plus déterminant que l’expérience médiatique des uns et des autres. Si le climat social est tendu, c’est évident que les débats à la télé auront une autre gueule. Ça peut changer la donne.