Drôle de débat au NPA. Après la présentation d’Ilham Moussaïd, jeune fille musulmane portant un voile, en quatrième position sur leur liste aux régionales dans le Vaucluse, les anticapitalistes se sont pris une volée de la part du reste de la classe politique.
Coup de pub ou simple expression de la transformation de ce nouveau parti issu de la Ligue communiste révolutionnaire, trotskiste donc ultra-laïc, en une formation ouverte à d’autres champs de la société, dont les quartiers populaires? «On savait que ça allait lancer le débat, avoue Abdel Zahiri, figure NPA avignonnaise et proche d’Ilham. On ne l’a pas proposée à la candidature seulement parce qu’elle a un voile sur la tête. Mais c’était un élément on va dire complémentaire.»
«Féministe». Etudiante en BTS-gestion, cette Avignonnaise de 22ans a rejoint le NPA il y un an. Engagée dans un comité de soutien aux Palestiniens pendant l’offensive sur Gaza, elle rencontre des militants déjà engagés dans la transformation de la LCR en NPA. Aujourd’hui, elle est trésorière de son comité dans le Vaucluse. «C’est surtout quelqu’un d’engagé localement, défend Abdel Zahiri. Quelqu’un qui fait de l’accompagnement scolaire auprès des jeunes des quartiers.»
«Si on a décidé de la présenter c’est parce que c’est quelqu’un de sincère, d’engagée, en accord avec les principes fondateurs du NPA. Elle n’est pas là pour dire comment les gens doivent croire ou ne pas croire. Elle ne représente pas la communauté musulmane ni le Coran! Elle se dit féministe, laïque et anticapitaliste.» Et explique que son foulard blanc est mû par une «conviction religieuse» personnelle. «Elle se définit d’abord sur nos fondamentaux: elle est pour le droit à l’avortement, défend l’homosexualité», ajoute un des responsables locaux, Jacques Fortin.
Démissions. Mais chez ses camarades du Vaucluse - et plus largement chez des anticapitalistes marqués par l’idéologie marxiste - sa candidature crée débats et contestations. Lors de l’assemblée générale d’investiture des candidats locaux, «on s’est écharpé!» confie Fortin. Une fois le vote favorable à la présence d’Ilham Moussaïd sur la liste, trois colistières ont démissionné, ne voulant pas figurer sur la même liste que la jeune fille. «C’était intenable, explique l’une d’elle, pour moi, il y avait une incompatibilité à être dans un parti laïc et féministe avec un signe religieux ostensible, symbole d’une forme d’oppression de la femme.» «Dans cette histoire, deux conceptions de la laïcité s’affrontent, analyse Vincent Tiberj, chercheur à Sciences Po. Une laïcité multiculturelle, au sens anglo-saxon du terme, que l’on retrouve davantage dans les jeunes générations. Et une laïcité que l’on peut qualifier de neutralité où toutes les références religieuses doivent être gommées.»
«Si Ilham faisait de son foulard un signe ostentatoire, bien sûr ça poserait problème. Mais ce n’est pas du tout le cas!»affirme Omar Slaouti, membre de la commission «quartiers populaires» du NPA. «Sidéré»par l’emballement médiatique autour de cette candidature, il dénonce un «climat d’islamophobie rampante. Dès qu’il y a un signe religieux, on y voit un signe ostentatoire.» Outre ce problème de laïcité, «à travers le voile, beaucoup d’entre nous voient aussi un signe d’oppression de la femme», commente Anne Leclerc de la commission «intervention féministe» du NPA. «Le problème est que cette jeune fille est l’exemple type de la personne qui n’a rien d’une personne dominée», pointe Vincent Tiberj. Le NPA paie dans cette affaire les questions laissées en suspens lors de son congrès fondateur d’il y a un an. «La question a été laissée de côté volontairement lors la fondation du parti, explique Pierre-François Grond à la direction du NPA. On ne voulait pas faire d’oukase vis-à-vis des nouveaux militants qui nous rejoignaient.»
Du coup, la question doit être réglée en novembre lors du prochain congrès. «Est-ce qu’une porte-parole voilée ou un porte-parole avec une kippa peut représenter le NPA?» interroge Slaouti. «On demande aux gens de juger une personne sur ce qu’elle est, dit, fait, plus que sur ce qu’elle paraît», revendique Abdel Zahiri tout en dénonçant «l’hypocrisie des politiques» sur le sujet. «Y a-t-il islamisation? Non. Est-on contre les statuts du NPA? Non plus.»
«Cette situation est la conséquence de l’ouverture de l’organisation, observe Florence Johsua, chercheuse au Cevipof. Elle pose la question de la représentativité des profils sociaux des nouveaux militants.»«Le NPA est un syncrétisme de différentes idéologies, définit Vincent Tiberj, la rencontre de différentes gauches, en phase avec des combats postmatérialistes (OGM, sans-papiers…) et culturels différents, très individualisés.»
Lilian Alemagna