En conclusion d’une non-campagne et comme symptôme d'une crise démocratique sans précédent, Macron a donc été réélu à l’issue du second tour de l’élection présidentielle. Le « tout-sauf-Macron » ne l'a pas emporté sur le « tout-sauf-Le-Pen », et c’est tant mieux pour notre camp social, tant cette dernière représentait un danger mortel. Mais les combats restent devant nous…
Un président mal élu
Le pire a été évité : en politique plus qu'ailleurs, deux maux, mêmes très graves, doivent toujours être hiérarchisés. D'un côté une droite dure, ultra-libérale, technocratique, policière, liée aux vieux partis de gouvernement, à l’État et ses appareils, aux firmes du CAC 40, mais sans base sociale de masse et détestée par une grande partie du pays. De l'autre une extrême droite raciste en quête de respectabilité, avec malheureusement une certaine base populaire...
L'abstention s’élève à 28 %: il s'agit du second score le plus important de l'histoire de la Ve République... derrière l'élection de 1969 qui avait opposé deux candidats de droite. Près d'un tiers des électeurEs ne veulent même plus jouer cette comédie. Le nombre de votes blancs et nuls s’élève à plus de 3 millions (6,2 %), un chiffre là encore particulièrement élevé. Au total, Macron n’a donc été élu que par 38,52 % des inscritEs.
Rouleau compresseur
La crise politique, démocratique, qui met en cause la légitimité de ce président à nouveau mal élu, s'accentue. Le boulevard pour l'extrême droite devrait donc encore s’élargir avec une Marine Le Pen qui, de son côté, a gagné 2,7 millions de voix par rapport au second tour de 2017. Autant le dire : durant cinq ans, Macron, avec ses politiques racistes, autoritaires et antisociales, n’a nullement été un « rempart » contre l’extrême droite. Et au vu de ses intentions pour ce nouveau quinquennat, la tendance ne risque pas de s’inverser.
Le président a été mal élu et le sait, mais lui et son entourage ont été très clairs au soir et au lendemain du premier tour : ils comptent mettre en œuvre leur programme, tout leur programme, rien que leur programme. Et de toute évidence, ils n’ont pas l’intention d’attendre septembre, ni même juin, pour passer à l’offensive. C’est donc dès maintenant que la riposte doit s’organiser pour faire face à ce rouleau compresseur, sans attendre les élections législatives.
Faire face et relever la tête
Le troisième tour social va s'ouvrir, sur nos lieux de travail et d'études, notamment contre la « réforme » annoncée des retraites. Des luttes sociales à construire pour résister à l’offensive de Macron 2, condition indispensable pour changer la donne. Et cela commence le 1er Mai, en étant le plus nombreux et nombreuses possible dans la rue pour faire entendre, une semaine après l’élection de Macron, notre détermination et notre refus d’une quelconque « trêve ».
Sur le plan électoral, le NPA est favorable à ce que, lors des législatives, il y ait des candidatures d’union face à la droite et à l’extrême droite, sur la base d’un programme de contestation du macronisme et de rupture avec les politiques capitalistes. C’est la raison pour laquelle nous avons répondu positivement à l’invitation à discuter avec l’Union populaire.
Au-delà, pour construire une opposition résolue à Macron, nous aurons besoin d'unité et de radicalité. Partis, syndicats, associations et collectifs écologistes, antiracistes, féministes, LGBTI : il faut construire un front commun et durable de notre classe, articulant mobilisations de rue et batailles idéologiques, en particulier contre l’extrême droite. De ce front et de ces luttes pourrait émerger une force politique anticapitaliste, antifasciste, féministe, écologiste et internationaliste, pour la transformation révolutionnaire de la société. C’est nécessaire et c’est urgent.
Macron, Acte 2 : la même politique… en pire ?
Le premier quinquennat s’était ouvert avec la poursuite de la destruction du code du travail — déjà bien entamée par la loi Travail sous Hollande — au moyen des « ordonnances Macron » de septembre 2017. Mais visiblement cela ne suffit pas encore et, dans son programme présidentiel 2022, Macron affirme vouloir « poursuivre la modernisation du code du travail engagée avec les ordonnances de 2017 ». On se demande ce qui reste à détruire…
Les retraites dans le viseur
Macron l’a annoncé durant sa campagne : il a pour projet de faire reculer l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Dans son programme présidentiel, cette proposition est précédée d’une formule lapidaire mais sans ambiguïté : « Il faut être clair. Si l’on veut financer les dépenses publiques essentielles et baisser les impôts, on doit continuer à travailler collectivement davantage. » Voilà qui est « clair ».
Les propositions concernant sur les retraites sont explicites : augmentation de l’âge de départ, fin des régimes spéciaux, retour du projet de retraites par points. Dans le programme, cela donne : « Le relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans ; la suppression des principaux régimes spéciaux (EDF, RATP...) pour les nouveaux entrants, comme nous l’avons fait pour la SNCF ; une poursuite des concertations sur un régime universel plus simple, seulement pour les générations futures, en construisant les compromis nécessaires. » Avec en prime : « Proposer un cumul emploi-retraite plus simple et plus avantageux, pour ceux qui souhaitent travailler plus longtemps et effectuer une transition souple vers la retraite. »
Autant le dire : ce qui nous attend n’est rien d’autre qu’une vaste offensive contre le système de retraites, elle-même inscrite dans un projet de régression sociale assumée.
Casse sociale à tous les étages
Le « chantier » des retraites n’est pas le seul en perspective. On pense ici notamment aux annonces concernant le RSA : « Le RSA [sera] conditionné à une activité effective qui permet l’insertion ». Derrière cette rhétorique, c’est bien celle de la dénonciation de « l’assistanat » qui est présente, avec pour effet concret d’exiger du travail.. gratuit.
Macron promet en outre de poursuivre le saccage de la réforme de l’assurance chômage, prévoyant « [une] assurance chômage plus stricte quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé. » Soit une soumission encore plus forte aux besoins du « marché du travail », et donc des pressions supplémentaires sur les chômeurEs, qui seront contraints d’accepter n’importe quel emploi sous peine de voir leurs allocations supprimées. Un véritable paradis pour le patronat, qui s’accompagnera d’un développement des emplois et contrats précaires.
Concernant les services publics, une formule résume à elle seule le projet de Macron, qui promet de « poursuivre le sauvetage de l’hôpital ». Ces gens osent tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît, et derrière le cynisme de la formule on peut s’attendre au pire concernant les services publics. A fortiori lorsque l’on sait que Macron promet toujours plus de réductions d’impôts et d’économies dans les dépenses publiques, ce qui passera nécessairement par de nouvelles attaques contre les services publics et les fonctionnaires.
Poursuite du cours raciste-autoritaire
On aurait également pu citer la vraie-fausse « mue écologique » de Macron, qui promet de « poursuivre la construction de six premières centrales nucléaires nouvelle génération » (le nucléaire, ce grand projet écologique) ou de « produire des millions de véhicules électriques et hybrides » (et pas un mot pour le développement des transports collectifs). On aurait également pu parler des attaques à venir contre l’université, avec la hausse des frais d’inscription et la poursuite de la privatisation, ou encore de la promesse d’une offensive contre le service public audiovisuel avec la suppression de la redevance…
Pour finir ce panorama, nous pouvons avoir l’assurance que Macron et les siens ont bien l’intention de poursuivre leur cours raciste-autoritaire, affichant là aussi la couleur dans ce domaine : « achever le doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique et le déploiement de 200 nouvelles brigades pour plus de gendarmes en ruralité » ; « mettre en œuvre le doublement de la présence des forces de l’ordre dans les transports aux moments critiques » ; « pour les mineurs délinquants, la possibilité d’un encadrement par des militaires ». Voilà qui promet. En résumé : toujours plus d’uniformes et de répression, et la promesse d’un quinquennat antisocial qui s’accompagnera d’un durcissement autoritaire.
Et comme durant les cinq années précédentes, le cours autoritaire se double d’un cours raciste, avec toujours plus de répression et de discriminations contre les personnes étrangères, les migrantEs, les sans-papiers : « aller au bout de la réforme de Schengen pour renforcer nos frontières européennes » ; « créer une "force des frontières" pour renforcer nos frontières nationales » ; « titres de long séjour seulement pour ceux qui réussissent un examen de français et s’insèrent professionnellement » ; « expulsion des étrangers qui troublent l’ordre public ». Pas besoin de longs commentaires…
Contre l’extrême droite, le combat continue !
La défaite de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle ne doit pas nous détourner de cette évidence : l’extrême droite est bien là, menaçante, et la pression fasciste ne va pas redescendre dans les semaines et les mois à venir.
Il est urgent que l’ensemble des forces du mouvement ouvrier, de toute la gauche sociale et politique, se rencontrent pour envisager les modalités d’une réponse commune. L’heure n’est pas à la défense des intérêts de boutique ou à l’érection de frontières entre le social et le politique : nous sommes touTEs concernés, nous sommes touTEs ciblés, et le seul moyen de faire face est de nous retrouver pour discuter et construire des réponses communes, dans la rue, dans les lieux de travail, dans les quartiers, dans les universités.
La riposte passe également par le développement des mobilisations contre le chômage et la précarité, pour les salaires, en défense des services publics et de la protection sociale… Il s’agit de se mobiliser aussi en défense des migrantEs, pour la régularisation des sans-papiers, contre le racisme et les violences policières, contre l’islamophobie, contre les résurgences de l’antisémitisme, contre les violences faites aux femmes, pour les droits des personnes LGBTI…
Le développement de l’extrême droite, son expansion, et le soutien que lui apportent de plus en plus de secteurs des classes dominantes, plongent leurs racines dans la crise du système capitaliste et dans l’incapacité des partis de la bourgeoisie à assurer à la fois les contre-réformes nécessaires aux possédants et la stabilité politique face aux colères populaires. La réponse réactionnaire et violente que représente le fascisme n’est peut-être pas à l’ordre du jour des conseil d’administration du CAC 40, mais la tentation est de plus en plus forte d’y avoir recours chez les dominants en quête de « retour à l’ordre ».
Nous l’avons souvent dit : « Leurs avancées sont faites de nos reculs ». L’heure n’est donc certainement pas à reculer, à faire des compromis idéologiques ou à éviter les sujets qui fâchent. Il s’agit donc de combiner à la fois unité d’action et radicalité des propositions politiques, le tout en défendant la perspective d’un autre monde, possible, nécessaire, urgent, débarrassé de l’exploitation et des oppressions. Renoncer à défendre cet autre monde et à proposer une réelle alternative politique, c’est renoncer à endiguer la menace fasciste.
Contre Macron et son monde,
Nos luttes sont internationales !
L’élection présidentielle est terminée. Ça y est : le « bref soulagement » de ne pas voir l’extrême droite arriver au pouvoir, dont parlait Philippe Poutou au soir du premier tour, s'est déjà dissipé... Maintenant « c'est parti pour 5 ans de plus avec Macron ». Pour nous et pour touTEs les oppriméEs, les classes populaires, les travailleuses et travailleurs, les précaires, les chômeurEs, les migrantEs, il va falloir continuer à se battre... Et encore plus fort et plus nombreuses et nombreux que les cinq dernières années.
Nous nous sommes mobiliséEs, entre les deux tours, pour réagir contre la montée de l’extrême droite et le risque particulier qu'elle représente pour les personnes racisées, les femmes et les personnes LGBTI, mais également pour les militantEs du mouvement social et l'ensemble de notre classe. Mais nous ne sommes pas dupes : ce « répit » de cinq ans est de courte durée... Et, si nous les laissons faire, il se fera au prix d'une politique qui a déjà activement ouvert la voie à l'arrivée de Marine Le Pen et Zemmour.
Le 1er Mai est le premier rendez-vous pour s'opposer et crier notre rage et notre rejet des politiques ultra-libérales, autoritaires et racistes du président réélu. Il est important que toutes nos colères puissent s'y retrouver et y converger ! La « non-campagne » de Macron n'était pas bien fournie... mais il a quand même trouvé le moyen de nous promettre toujours plus d'attaques antisociales et de mépris. Il l'a dit lui-même : la « réforme » des retraites sera la grande bataille de son mandat. Bataille ? C’est certain car, comme lors de son premier mandat et même plus encore, nous ne nous laisserons pas faire…
Le 1er Mai n'est pas n'importe quelle date dans l'histoire du mouvement ouvrier. Elle commémore les luttes internationales des travailleuses et des travailleurs pour leurs droits, à commencer par la grande grève du 1er mai 1886 menée par des ouvriers étatsuniens pour la journée de 8h. À l'image de l'appel lancé par Marx et Engels dans le manifeste du Parti communiste (« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »), le 1er Mai est une journée de lutte qui est également célébrée par les travailleurEs du monde entier.
Nous sommes ainsi solidaires de toutes celles et tous ceux qui, aux quatre coins du monde, luttent contre les ravages du capitalisme et de l’impérialisme, qu’il soit français, étatsunien, chinois ou russe. Nous sommes aux côtés des UkrainienEs, des Kurdes, des PalestinienEs, des peuples en lutte contre le colonialisme français, et continuerons de tisser avec eux des liens de solidarité internationale, vitaux dans un système capitaliste mondialisé qui nous emmène dans le mur.
Dans ce monde en crise, contre un capitalisme ultra-libéral, violent et guerrier : plus que jamais nos luttes sont internationales. Ce 1er Mai, contre Macron et son monde : on sera toujours là !