Publié le Jeudi 27 juin 2024 à 09h00.

Nahel : un an après, l’antiracisme plus que jamais nécessaire

Le 27 juin 2023, Nahel, un adolescent de 17 ans, est tué à bout portant par la police. La version policière est immédiatement reprise et justifie le meurtre via la loi sur le refus d’obtempérer.

Il s’agit de la loi Cazeneuve de 2017 qui autorise la police à faire feu notamment lors de contrôles routiers. Cette loi a considérablement augmenté le nombre de personnes tuées par la police ces dernières années. Et à chaque fois, le profil de la victime est celui d’une personne racisée alors qu’il y a plusieurs milliers de refus d’obtempérer chaque année. Nahel est un adolescent des quartiers de Nanterre, il est donc la cible de la presse qui le dépeint comme un délinquant et annonce, faussement qu’il a un casier judiciaire. Toutes les justifications sont déployées pour faire croire qu’il est normal de mourir à 17 ans quand on est un arabe de banlieue.

Les vidéos de l’assassinat sortent vite, montrant d’une part que la version policière est un mensonge, mais aussi la violence de l’interaction. Les policiers ont provoqué une escalade après un profilage raciste. Pour ajouter l’insulte à la blessure mortelle, les médias dominants le rendent responsable de sa propre mort. 

Mais l’insulte la plus grande viendra lorsqu’après l’incarcération du policier tueur, une cagnotte de soutien sera mise en place atteignant presque 2 millions d’euros. Le message renvoyé est donc : tuez des personnes racisées, vous deviendrez millionnaires. 

 

La jeunesse des quartiers populaires, habituée à la violence policière, entre en révolte

Elle organise aussi des actions contre les symboles de l'État et du racisme systémique. Des commissariats bien sûr mais aussi des écoles, car lorsqu’on est racisé c’est dans cette institution que l’on apprend en premier le racisme. La répression va s’abattre de manière brutale. Le RAID, dépêché à Marseille, tuera un passant (qui comme par hasard était non blanc) et mutilera à vie un autre. Les punitions collectives, comme la fermeture des transports en commun en banlieue parisienne, seront utilisées. On dénombre plusieurs centaines d’arrestations et de mises en détention pour des simples vols de cannettes considérés comme du « pillage ».

L’assassin de Nahel, nouveau millionnaire, sera libéré quelques mois plus tard et sera libre en attendant son procès. Alors que le deux poids deux mesures, l’impunité de la police ainsi que son racisme ne pouvaient pas apparaître plus clairement, les réponses de la gauche ont été des plus timides. 

Sortant de plusieurs mois de conflit contre la réforme des retraites, le mouvement social traditionnel avait pourtant eu maille à partir avec la police lors des manifestations. Alors que les revendications d’un monde plus solidaire se développaient dans tout le pays, il est clair que la solidarité ne s’est pas étendue aux populations périphériques et considérées comme subalternes.

Il faut noter toutefois qu’il y a eu des avancées par rapport aux révoltes de 2005 : plusieurs collectifs ont vu le jour, notamment avec la participation d’organisations d’habitude éloignées des quartiers, comme les syndicats. Mais ce n’est pas suffisant. La manifestation appelée par le collectif pour une marche contre les violences policières le 23 septembre dernier n’a pas connu le succès espéré. Il n’y a toujours pas en France de collectif antiraciste capable de s’opposer aux violences policières ni au racisme systémique. 

 

Les morts ont continué depuis celle de Nahel

Et depuis, la loi Asile-Immigration a été adopté : elle touche les sans-papiers mais aussi les personnes françaises nées de parents non français et qui pourraient être envoyées dans un pays où elles n’ont jamais vécu. L’extrême droite a été également à l’offensive, exploitant le moindre fait divers où des personnes non-blanches étaient impliquées. Cette extrême droite est capable d’organiser des manifs mais elle s’est retrouvée du côté des perdants lors d’une tentative de descente dans un quartier populaire suite à la mort d’un jeune dans un bal. Dans ce contexte d’explosion de l’islamophobie et du racisme, seul le mouvement de soutien à la Palestine a été capable d’être un point d’appui d’auto-organisation et de riposte pour les racisé·es. 

Enfin les scores du RN et la possibilité, au moment où nous écrivons, de son accession au pouvoir remettent au cœur du mouvement la lutte antiraciste. Le 29 juin prochain aura lieu la manifestation de souvenir de Nahel à Nanterre. C’est le 1er tour des législatives : le Nouveau Front populaire est clairement une avancée sur les revendications antiracistes mais ne suffira pas à endiguer le flot du racisme sans un vrai mouvement organisé contre le racisme.