C'est dans une petite salle d'un quartier résidentiel, aux abords du centre-ville de Nantes (Loire-Atlantique), que Philippe Poutou a tenu un meeting, jeudi 29 mars. Aux murs, le porte-voix blanc sur fond rouge du NPA tranche avec le beige vieilli de la salle, un ancien cinéma.
Environ 200 personnes, dont beaucoup de curieux, sont venues écouter le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste. La personnalité de cet ouvrier syndicaliste (CGT) de chez Ford attire."Il ne parle pas de la même façon qu'un politique professionnel, il est plus naturel",glisse Lucie, une étudiante en sociologie de 22 ans. Même son de cloche chez son amie, Manon :"C'est plus facile de se sentir représenter par quelqu'un qui a connu les mêmes galères que nous."
A la tribune, Philippe Poutou semble détendu, même s'il débite son discours à toute vitesse. Prônant un service public de l'énergie, l'annulation de la dette, l'interdiction des licenciements ou encore l'augmentation de tous les revenus, le candidat estime que si"dégager"Nicolas Sarkozy est une"priorité", "ça ne résout pas tout". "A la place d'une austérité de droite, on aurait une austérité de gauche",juge-t-il, en cas de victoire de François Hollande.
"L'un a la pêche quand l'autre n'y croit pas"
Un discours de près d'une heure qui a séduit Julien, venu en voisin. Mais pas au point de glisser un bulletin Poutou dans l'urne. En 2007, il a voté PS aux deux tours et s'apprête à recommencer. Un vote utile sans conviction, dit-il. Ce soir, il a trouvé M. Poutou"très honnête, plein de vérités".Sa"volonté de retourner le système et de prendre l'argent là où il est"l'interpelle même si"c'est si impossible à mettre en place".
Certains sont plus cyniques, comme HK, un enseignant de 53 ans. En 2007, il avait voté pour Olivier Besancenot, comme plus de 4 % des François. Cette année, il hésite entre Mélenchon et Poutou :"L'un a la pêche quand l'autre n'y croit pas",juge-t-il. Même s'il n'est pas militant, il se tient informé de la vie du parti."Je suis venu comprendre comment le NPA s'est sabordé en deux ans",explique-t-il avant d'embrayer sur les"les conflits de pouvoir"que connaît le parti.
La dynamique de Mélenchon ? "No comment"
Après voir critiqué des mois la campagne de Philippe Poutou, jugée trop ouvriériste, trois cadres du NPA – dont l'ancien bras droit d'Olivier Besancenot, Pierre-François Grond – ont appelé la semaine dernière à voter Jean-Luc Mélenchon. Le sujet est sensible chez les militants, tout comme celui de la dynamique du Front de gauche."No comment",répond Annie, venue de Vendée."S'ils veulent un autre candidat, ils n'ont qu'à changer de parti",s'agace François, qui juge la campagne du candidat du Front de gauche"beaucoup trop personnalisée".Ce militant de 53 ans doute également de la"réelle volonté"de M. Mélenchon,"un ancien sénateur socialiste","de changer les choses".
Dominique, un ouvrier du livre à la retraite, est plus perplexe. Il regarde le Front de gauche réussir ce que le NPA ambitionnait de faire. Depuis plusieurs mois, ce militant a vu la moitié de sa section partir et sait que tout cela va laisser des traces."J'ai peur qu'on se retrouve à deux petits groupuscules au lieu d'un grand parti anticapitaliste",regrette-t-il.
Avant de partir, Dominique attrape Philippe Poutou qui vient de descendre de la tribune pour lui faire dédicacer son livre,Un ouvrier, c'est fait pour fermer sa gueule. Le candidat se rassied et note :"Voici un petit bouquin qui parle des gens d'en bas, des gens comme nous. Salutations anticapitalistes."
Raphaëlle Besse Desmoulières