Le leader du NPA soutient, toujours, l’opposition tunisienne, prépare le congrès de son parti et décoche les flèches sur sa droite
On le rencontre au siège du Nouveau Parti Anticapitaliste (métro Robespierre, ça ne s’invente pas). L’air toujours aussi juvénile, Olivier Besancenot y prépare avec ses camarades le congrès du NPA qui se tiendra à Montreuil les 11, 12 et 13 février prochains et qui appelera au rassemblement des forces anticapitalistes pour 2012. Le porte-parole du NPA doit également y annoncer son intention de ne plus être le seul à porter la parole du parti. En attendant, il suffit de lancer le mot « Révolution » (à propos de la Tunisie) pour le faire démarrer au quart de tour…Que vous inspire la révolution tunisienne ?On est solidaires depuis des années des luttes de l’opposition tunisienne, alors évidemment qu’on soutient cette révolution, dont le souffle ne va pas retomber comme ça. Le processus révolutionnaire continue, mais nous sommes préoccupés du fait que ce qui nous est présenté comme une transition vers un nouveau gouvernement, ne soit pas ce que le peuple attend. Le peuple tunisien veut se débarrasser du système mafieux et dictatorial de Ben Ali et ne supportera pas des versions « light » de ce système. Il ne veut pas qu’on lui vole sa révolution.Comment jugez-vous l‘attitude de la France depuis le début du soulèvement ?Nous dénonçons l’hypocrisie du gouvernement français qui soutient en permanence les régimes autoritaires. La palme revient à Mme Alliot Marie qui, il y a quelques jours encore, proposait l’aide technique de la police française à la police tunisienne. On a réclamé qu’elle s’excuse, au nom des victimes de la dictature tunisienne. Si elle n’est pas capable de le faire, elle doit démissionner.Le soulèvement du peuple tunisien était-il prévisible ?Rosa Luxembourg, qui s’y connaissait en révolution, disait que la minute d’avant ça parait impossible et la minute d’après ça parait évident. Ça résume bien le processus révolutionnaire : personne ne peut le pressentir, pas même ceux qui le portent. La colère du peuple tunisien s’est exprimée à maintes et maintes reprises par le passé. Il y a eu des mouvements sociaux menés par des syndicalistes dans le nord du pays… Mais bien malin qui pourrait dire « je l’avais vu venir ».Pensez-vous que la « Révolution de jasmin » puisse s’exporter ?Une affiche montre les photos des chefs d’états arabes avec celle de Ben Ali rayée d’une croix. La question induite est : à qui le tour ? Mais la révolution ne s’exporte pas. Chacune aboutit à un changement radical de société dans les circonstances qui sont les siennes. Même si la situation est similaire en Algérie, il y a eu des fissures propres au régime de Ben Ali qui ont permis le soulèvement du peuple. Ce qu’on peut retenir de la révolution tunisienne, mais aussi des mouvements sociaux que l’on a connus dernièrement en Europe, c’est que le peuple se réinvite à nouveau sur la scène démocratique alors que la politique actuelle consiste à l’en tenir le plus éloigné possible. Pour un mouvement comme le nôtre, il y a là un point d’appui, une source d’espoir. Mais c’est une vraie course de vitesse car la colère d’un peuple peut se traduire dans le meilleur, comme dans le pire. Le meilleur, c’est quand le peuple porte ses propres solutions collectives. Le pire, c’est le contraire de ça : le chacun pour soi, le racisme, la xénophobie, avec l’extrême droite toujours en embuscade…En France, l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du Front National change-t-elle la donne ?Marine ou Jean-Marie, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Qui en doute ? Le style est peut-être différent, mais là n’est pas le problème. Comme pour Sarkozy, c’est le fond qui doit nous intéresser. Le programme du Front National – car il y en a un et je vous invite à le lire –, est toujours le même. C’est un programme de droite libérale. Il faut montrer le véritable visage du FN qui est inquiétant. Contrairement à ce qu’il dit, sur les questions sociales, il est toujours dans le camp de la droite. Pendant les mobilisations contre la réforme des retraites, il était du côté du gouvernement et du Medef. La question centrale aujourd’hui, ce n’est pas la nationalité : c’est le social. Les licencieurs, ils ne s’appellent pas Karim, ni Mamadou. Le NPA se revendique d’une très longue filiation politique antifasciste et antiraciste. Ce combat-là, on continuera à le mener.L’air du temps semble plutôt favorable aux thèses révolutionnaires… Avec la crise financière, on nous annonçait un boulevard et ça n’a pas été le cas : on a subi un revers électoral au moment des régionales. Le mouvement social nous a plutôt remis en selle et nous essayons d’établir des connexions entre les différents mouvements anticapitalistes. Le succès d’un livre comme celui de Stephane Hessel (1) est un signal important. On sent une colère intacte, mais le mouvement social se cherche. Il faut des solutions politiques et pour nous, elles sont anticapitalistes. Pas parce que le mot fait frémir et fantasmer, mais parce que la satisfaction des besoins sociaux passe par des financements qui prennent sur les profits de ceux qui sont responsables de la crise, les banquiers, les spéculateurs… et personne d’autre.Serez-vous candidat aux prochaines élections présidentielles ?La question de savoir qui sera le candidat ou la candidate anticapitaliste en 2012 sera tranchée au mois de juin. Mais avant de discuter du « qui », on va discuter du « pourquoi » et du « comment » au congrès du NPA qui aura lieu à la mi-février. Nous appellerons à une candidature de rassemblement anticapitaliste, dans le prolongement du mouvement social contre les retraites. Du succès de cet appel dépendra le choix du candidat à la présidentielle.Le rassemblement anticapitaliste que vous appelez de vos vœux pourrait-il comprendre Jean-Luc Melenchon ?À lui de dire s’il se compte dans les forces anticapitalistes. Il a été ministre de la gauche plurielle dans un gouvernement qui a privatisé plus que tous les gouvernements de droite réunis... Nous, on veut se débarrasser de Sarkozy, mais pour autre chose que l’alternance.Comment faut-il comprendre votre souhait de ne plus être le seul porte-parole du NPA ?J’ai toujours insisté sur la nécessité que le NPA soit représenté par plusieurs porte-parole. Cette fois, c’est inscrit à l’ordre du jour de notre congrès. Pas dans l’idée que je m’en aille, mais simplement de mettre le NPA en accord avec ce qu’il est : un outil collectif. Nous avons peut-être trop joué sur la personnalisation, qui est contradictoire avec la nécessité d’implication collective que l’on défend. Mais il n’est pas question que je me retire sur l’île de Ré. Je suis un militant et un combattant anticapitaliste et, quoi qu’il arrive, il faudra compter avec mon énergie militante et avec ma voix.
Philippe Dobrowolska