INTERVIEW, publiée par Fréquence ESJ - Philippe Poutou, candidat du NPA (Nouveau parti anticapitaliste) à l’élection présidentielle se confie au lendemain de l’annonce de sa candidature. Sa stratégie en vue de 2017, le bilan de François Hollande, mais aussi la lutte contre le chômage, Philippe Poutou n’esquive aucun sujet.
2012 marque votre première candidature à l’élection présidentielle. Qu’est-ce qui vous pousse à vous présenter de nouveau en 2017 ?
P.P. Il s’agit d’abord d’une réflexion collective au sein du NPA. Notre but est de faire entendre une voix non-politicienne. Faire entendre un projet qui s’articule autour des luttes sociales est essentielle vu la période difficile que vit le pays. On estime que nous sommes légitimes pour participer au scrutin. Cela nous semblait impossible de présenter quelqu’un d’inconnu. Olivier Besancenot avait dit qu’il ne souhaitait pas se représenter. De mon côté, j’étais disponible pour faire le job.
Olivier Besancenot justement. Souhaitez-vous qu’il s’implique dans votre campagne ?
P.P. Oui il a toute sa place dans cette campagne. Le NPA a mis en place un comité de quatre porte-parole dont Olivier Besancenot fait partie. Lui et trois autres salariés vont relayer les idées portées par le projet.
Nathalie Arthaud est candidate à la présidentielle pour Lutte ouvrière, Jean-Luc Mélenchon s’est également déclaré pour le Front de gauche, puis vous depuis hier. Finalement, est-ce que ça ne fait pas trop de candidats à gauche ?
P.P. Cela fait trois ou quatre élections présidentielles que l’on se retrouve avec la même multiplication de candidats. Même si toutes ces forces politiques se retrouvent sur beaucoup de combats, je ne pense pas que cela soit un problème en soi. Je signale qu’avec Jean-Luc Mélenchon, nous avons des divergences très importantes. Il considère notamment qu’il est le seul à représenter les communistes révolutionnaires. Nous avons un dialogue presque inexistant avec lui à l’heure actuelle. Nous n’avons même pas pu le rencontrer pour savoir comment l’on pouvait avancer ensemble. J’ai l’impression qu’il satisfait une ambition personnelle et que rien ne peut se discuter.
Mais si l’on parle de « ligne politique », celle de Jean-Luc Mélenchon s’éloigne-t-elle de celle de la vôtre ?
P.P. Jean-Luc Mélenchon est sur des orientations politiques qui sont plus éloignées que celles qu’il portait en 2012. Sur le plan international, nous dénonçons toutes les guerres impérialistes de l’Etat français, nous critiquons Dassault et les ventes d’armes. Lui se positionne différemment. Dernièrement il a apporté un soutien à Vladimir Poutine que je trouve surprenant. Son discours très souverainiste également est un souci. Avec lui, c’est « la France, la France, la France ». Nous, nous sommes sur un terrain internationaliste qui nous rapproche de Lutte ouvrière et de Nathalie Arthaud. On ne discute pas uniquement du peuple français. Nous pensons qu’il y a d’un côté les possédants et de l’autre ceux qui paient la crise. Et dans ce groupe, il n’y a pas que le peuple français.
L’urgence en vue de 2017, c’est la lutte contre le chômage. Les orientations prises par la loi El-Kohmri vous conviennent-elles ?
P.P. Pas du tout. Pour moi, ce sont des attaques supplémentaires. Le gouvernement ose faire ce qui n’avait pas été fait jusqu’à présent, notamment l’inversion des normes, en instituant qu’un accord d’entreprise peut remplacer la loi. Il n’y aurait plus de code du travail qui permettrait d’avoir des garanties pour tout le monde. C’est dingue que ce soit un gouvernement socialiste qui ose faire cela. Cela fait des années que des droits des salariés sont supprimés, et que le rapport de force s’inverse en faveur des patrons.
Pourtant, l’exécutif a fait des concessions dernièrement, notamment en rendant facultatif le barème de plafonnement des indemnités prudhommales. Ces inflexions ne suffisent-elles pas ?
P.P. La question n’est pas là. Le gouvernement met en place un projet de loi dont il sait qu’il comporte des attaques graves vis-à-vis des salariés. Derrière, il sait qu’il peut modifier certains articles pour calmer la partie de l’opposition la moins radicale. C’est le jeu habituel. L’exécutif gagne du temps. Le fond du problème ne change pas : suivant l’endroit où les gens bossent, ils ne bénéficieront pas de la même protection.
Du coup, par quoi passe l’inversion de la courbe du chômage ?
P.P. Il faut faire l’inverse de ce que propose le gouvernement. Il faut enlever le pouvoir au patronat. Cela fait quarante ans que l’on justifie les plans de licenciements, car soi-disant, licencier c’était assurer les embauches du lendemain. Cela fait quarante ans que des milliers d’emplois sont supprimés dans la fonction publique. Il y a eu des cadeaux fiscaux accordés aux patrons… On s’aperçoit que ça ne fonctionne pas. À chaque fois ce sont des milliards d’euros distribués au patronat. Ces derniers promettent d’embaucher, et rien ne se passe. Nous voulons d’une politique qui redistribue les richesses. La priorité, c’est d’interdire les licenciements. Il faut également supprimer le Cice (Crédit d’impôt compétitivité emploi, ndlr) et ses 41 milliards d’euros d’exonérations fiscales.
François Hollande a-t-il trahi la gauche ?
P .P. Oui, on peut dire « trahi ». Aujourd’hui vous avez Pierre Gattaz qui soutient sans retenue la loi El-Khomri. Cela montre à quel point le gouvernement est allé loin. On a un gouvernement qui a complètement rompu avec le peu de promesses qu’il avait faites.
Pour moi, François Hollande est un adversaire. En 2012, j’avais appelé à voter pour lui dans le but de dégager Sarkozy. Toutefois, je ne me faisais pas d’illusions. Le PS a déjà prouvé par le passé ce qu’il savait faire quand il était au pouvoir. Ce n’est pas la première fois qu’il mène une politique de privatisation et d’attaque contre les travailleurs.
Si François Hollande se représente en 2017, et qu’il arrive au second tour de l’élection présidentielle, le soutiendrez-vous de nouveau ?
P.P. Non, il n’y a aucune chance, quelle que soit la configuration du deuxième tour.
Même si Marine Le Pen est présente au second tour en 2017?
P.P. Non. Nous ne soutiendrons aucun candidat. Je considère que les scores actuels du Front national ne sont que les résultats des politiques menées par les gouvernements successifs. La responsabilité est de leur côté. À force d’appauvrir, d’encourager la précarisation du peuple, ce dernier se désespère, et se tourne en partie vers le FN.