Le candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) réagit aux mesures annoncées mercredi par le gouvernement, qu'il qualifie de «mesurettes». Philippe Poutou dénonce également la «confusion» entretenue par les syndicats et propose de sortir de la crise en donnant «les moyens à la population de consommer». Il égratigne au passage un Jean-Luc Mélenchon qui progresse dans les sondages.
icolas Sarkozy a fait plusieurs annonces à l'issue du sommet social qui s'est tenu à l'Elysée mercredi. Il est question notamment de 500 millions d'euros de mesures pour l'emploi et de 1000 agents supplémentaires pour Pôle Emploi. Ne sont-ce pas là des mesures concrètes, qui répondent au moins en partie à vos revendications?Tout ce qui s'est passé aujourd'hui est une grosse escroquerie. C'est vrai, il y a des luttes à Pôle Emploi. On s'est battu, dans l'indifférence, pour revendiquer des embauches. Nicolas Sarkozy sort des mesurettes juste avant les élections, pour faire croire qu'il va se passer quelque chose. Après cinq ans de mandat, il commence à se réveiller, avec un double discours. En réalité, sa préoccupation est de s'attaquer aux salariés.
Pensez-vous que les syndicats n'auraient pas dû participer à ce sommet?Ah oui! Il y a une sorte de double jeu, de duperie de la part des directions syndicales. Il était clair que ce sommet n'allait rien apporter. Ils y sont allés quand même et maintenant, ils viennent dire que ça ne va pas. Ce jeu-là ne peut que semer de la confusion. Ça met les syndicats dans un rapport de force défavorable. Face au discours guerrier de Sarkozy et Fillon, il faudrait un discours radical du côté des syndicats.
N'y a-t-il rien à sauver dans les mesures envisagées?Il faut le dire clairement: Sarkozy est en train de préparer des attaques très, très graves. La TVA sociale, par exemple, est une remise en cause de la protection sociale. Le chômage partiel, c'est très grave aussi. On dit que l'Etat n'a plus d'argent et c'est l'Etat qui va financer ça, alors que c'est aux patrons de payer. C'est complètement anormal!
«C'EST QUAND MÊME DINGUE, DE CONSIDÉRERQUE C'EST CELUI QUI BOSSE QUI COÛTE CHER»
La question de la compétitivité des entreprises françaises est au cœur des débats. Quelle est votre position sur le sujet?Il n'y a pas de problème de coût du travail. Ça coûte cher, le travail? Ce ne seraient pas les dividendes qui sont un poids pour les entreprises, mais les salariés? C'est quand même dingue, de considérer que c'est celui qui bosse qui coûte cher.
Vous ne niez pas qu'il y a une crise. Que proposez-vous pour en sortir?Il faut donner les moyens à la population de consommer, pour relancer la machine économique. Augmenter les salaires à l'embauche, arrêter les suppressions d'emplois. L'argent nécessaire existe, mais il faut aller le chercher dans la poche des actionnaires, des banquiers et des grosses fortunes. Il y a 11 nouveaux milliardaires en France, de plus en plus de millionnaires et on voit même les ventes de Bentley augmenter. Et le CAC40 a fait 87 milliards de bénéfices, ce n'est pas la crise pour eux.
Le «modèle allemand» est souvent cité en exemple. Est-ce que vous vous référez, vous aussi, à des exemples à l'étranger?Nous n'avons pas de modèle, car c'est le même partout. Les tendances sont identiques dans tous les pays. Pour ce qui est de la dette, en revanche, je prendrai pour exemple le Venezuela, l'Argentine ou l'Islande. Ils ont fait le choix de ne plus payer les intérêts de la dette, voire d'annuler une partie de la dette. Ça ne les a pas mis dans des situations catastrophiques. Annuler la dette, c'est possible et c'est la base de tout: tant qu'il faudra la payer, il y aura une politique de rigueur.
Le NPA propose un renversement du système capitaliste. Faites-vous néanmoins des propositions qui pourraient s'appliquer avant ce changement radical?Oui bien sûr, nous mettons en avant des mesures d'urgence, qui sont en quelque sorte réformistes. Il n'y a pas besoin de renverser le capitalisme pour améliorer le niveau de vie des gens. Il y a 30 ans, le capitalisme était moins inégalitaire qu'aujourd'hui. Il s'agit de faire le chemin inverse, en fait. Par exemple, en revenant à un impôt fortement progressif et à un impôt sur les sociétés à 50%.
«MÉLENCHON, IL FAITPARTIE DES NOTABLES»
Où en êtes-vous dans votre récolte de signatures d'élus?On en est autour de 350. On avance. Je ne peux pas vous dire qu'on est sûrs de les avoir, mais il est plus facile d'envisager d'y arriver aujourd'hui qu'au mois d'août. Nous devons encore voir beaucoup de maires, qui nous avaient dit: «Revenez vers nous si vous êtes en difficulté.» Maintenant, le boulot qui est fait est énorme, on n'a pas envie que ce soit pour rien.
Vous êtes toujours très bas dans les sondages d'intentions de vote. Ne croyez-vous pas que le succès de Jean-Luc Mélenchon vous prive d'espace?On est concurrents, parce que nous sommes un peu sur le même électorat populaire, un électorat qui a encore confiance en lui et qui ne se laisse pas prendre dans les pièges du Front national. Mais Mélenchon, c'est un politicien, il fait partie des notables. C'est quelqu'un qui vit de ça depuis 30 ans, qui cumule les mandats. Nous sommes pas dans le même registre. Moi je ne dis pas: «Votez pour moi, je vais m'occuper de vos affaires.» Nous disons qu'il ne faut plus faire confiance aux politiciens. Il faut que les salariés, les chômeurs, les jeunes prennent leurs affaires en main.
La posture de Mélenchon, c'est celle de l'homme providentiel, pour vous?Oui. Il en joue. Il dit: «Moi, je vais le bouger Hollande; moi, si j'étais en face de Merkel...» Il a ce discours-là, avec des côtés sympathiques, c'est vrai, parce que nous défendons des choses très proches. Mais pour nous, c'est au peuple d'intervenir.
Adrien Gaboulaud - Parismatch.com