Grosse agitation hier à midi : des militants du parti d’Olivier Besancenot ont pris des marchandises dans les rayons pour les distribuer aux clients, à l’intérieur de l’hypermarché.
Ils appellent ça «pique-nique de faim de mois». Nouvelle méthode d’action pour forcer les grandes surfaces à diminuer les prix. Dans le tramway qui serpente hier vers Saint-Priest, Camille règle les derniers détails de l’opération en s’interrogeant à haute voix : «On l’a déjà fait à l’automne chez Carrefour à Vénissieux et ça ne s’est pas bien passé. On va voir s’ils seront plus accueillants ici.» Les portes s’ouvrent. Terminus.
Il est midi et la quinzaine de militants du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) débarque sur le parking ensoleillé de l’hypermarché Auchan. «Par petits groupes, les gars, par petits groupes, sinon on va se faire repérer» conseille l’un d’eux.
À tour de rôle, ils s’engouffrent dans les allées du magasin, munis d’un panier à courses. «On commence par les bonbons, ça plait aux mômes» glisse un jeune adhérent. Un tour au rayon bio pour du jus de fruit, pendant que les autres font provision de biscuits. Quelques verres en plastique, des assiettes… Le rythme s’accélère, le pouls aussi. «Vite !» presse un militant, «il est bientôt 12h25.» L’heure «H» pour déclencher l’opération. Au centre de l’allée principale, une nappe est déroulée sur une table repérée à l’avance. «On y va !» Une militante prend sa respiration et s’écrie : «Mesdames et Messieurs, c’est la redistribution dans la grande distribution ! Le prix des céréales baisse de 50%, le prix des coquillettes augmente de 32%, à qui le profit ? La grande distribution vous grignote. Venez, c’est Auchan qui offre.» Les sachets s’ouvrent et les verres se remplissent. Stupéfaits, les clients osent à peine s’approcher. Un, puis deux, puis trois, franchissent le pas. Ce sera tout.
En moins de deux minutes, les agents de sécurité sont là. «Sortez maintenant ! Vous sortez !» Les militants sont ceinturés et poussés vers la sortie, manu militari. Des clients filment la scène avec leurs portables : «Vous avez vu ça ?» Dans la cohue, des verres tombent par terre, et le liquide se répand au sol. Un employé patine. C’est la chute. Une militante du NPA dérape à son tour. Cris, hurlements. «Non-violence !» répètent ses amis. Cinq clientes applaudissent : «Laissez-les faire, ils ont raison ! Moi, je prends que des premiers prix tellement c’est cher.»
Au bout de cinq minutes, tout le monde est dehors, sous bonne escorte. Les policiers ont été prévenus. Deux militants sont embarqués. Ils passeront une partie de l’après-midi en garde à vue. Le magasin a porté plainte au commissariat local, notamment pour «dégradations».
«C’est du vol, consommer sur place, c’est illégal et de la marchandise a été saccagée», proteste le directeur de l’hypermarché, Roger Soriano, joint plus tard par Le Progrès. «Leur opération est d’autant plus navrante que nous donnons des marchandises à la banque alimentaire toute l’année !» L’enseigne affirme que «deux de ses employés ont été blessés, l’un étant arrêté pour la semaine». Un militant du NPA se réserve, lui, le droit de porter plainte pour «coups» : il a fait établir un constat médical.
(Nicolas Ballet - Le Progrès, édition du Rhône), 1er mars 2009.