Les civilEs sont les premières victimes d’une guerre et, parmi elles, les femmes et les enfants sont particulièrement visés. Les victimes de violences sexuelles ont longtemps été considérées comme des « dommages collatéraux » d’une guerre. Il a fallu attendre 2008 pour que l’ONU reconnaisse ces violences comme un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un élément constitutif de génocide.
Nous tentons de repousser l’horreur dans le temps et dans l’espace. Et pourtant, à la fin des années 1990 en Bosnie et au Kosovo, les viols ont été systématiques, ainsi qu’en 2014 au début de la guerre dans le Donbass. Et en Ukraine… fin février 2022, trois jours après le début de l’invasion de l’Ukraine, les premiers témoignages de violences sexuelles sont apparus. Les rapports, dont ceux de l’ONU, sont de plus en plus nombreux et accablants faisant état de violences sexuelles brutales perpétrées par les soldats russes. La justice ukrainienne recense plus de 8 000 crimes de guerre avérés dont de nombreux viols. L’ampleur en est telle que Zelensky en parle comme d’un génocide de la population ukrainienne.
De quels types de violences parle-t-on ?
Il ne s’agit pas d’actes isolés. Le viol est institutionnalisé, idéologique. Les femmes, majoritairement, mais aussi des hommes et des enfants en sont les victimes. Dans toutes les régions occupées, les femmes sont violées, tuées ou laissées avec de lourdes séquelles physiques, des mutilations génitales. Il s’agit d’une stratégie militaire, d’une tactique délibérée pour déshumaniser les victimes.
Ces violences, très brutales, viols collectifs, sous le regard des familles, pouvant être suivis d’assassinats, de viols post-mortem, de prostitution forcée, s’ajoutent aux massacres, tortures, disparitions forcées, pillages. Les soldats russes sont dans l’impunité ; ils violent en groupe, longtemps, devant des témoins.
Où s’inscrivent ces violences ?
Le contexte est celui d’une société russe qui, en 2017, alors que 40 % des crimes violents étaient commis dans le cercle familial, a décriminalisé les violences domestiques. Les violences de genre structurent le pouvoir, l’armée, la société ; elles sont valorisées, encouragées. Dans cette société viriliste, la violence envers les femmes est tolérée ; ces crimes sont commis avec l’approbation des chefs militaires et politiques. Les soldats sont félicités d’avoir violé, torturé, assassiné. Ils transforment en actes les appels des politiques à raser l’Ukraine. C’est une idéologie de la violence extrême, sans limites et indistincte qui est à l’œuvre.
Comment lutter ?
Il est difficile d’avoir des statistiques fiables pendant un conflit actif, toutefois, l’ampleur est immense. Les victimes sont très éprouvées, leur priorité est de survivre et elles restent souvent silencieuses. La société ukrainienne traditionaliste, patriarcale, ne facilite pas la parole. Avant la guerre, l’Ukraine avait commencé des réformes pour améliorer la condition des femmes, la prévention des violences domestiques, la protection des enfants, l’égalité femmes-hommes. Elle doit maintenant avancer à marche forcée.
Plusieurs organes de l’État – police, justice – s’emploient à la collecte et à la documentation de ces crimes : pour la reconnaissance des victimes de guerre, pour des réparations morales et financières.
De nombreuses ONG et des organisations locales contribuent également à ce recensement.
Un protocole se met en place dans les hôpitaux pour offrir une aide médicale, psychologique, légale. Des réseaux s’adressent aux victimes, leur offrent confiance, sécurité, et peuvent les convaincre et les accompagner dans les démarches. Les autorités dans les villages, où les tabous liés au viol, à l’avortement, à la contraception d’urgence, peuvent être très forts, doivent être sensibilisées et formées.
Le chantier reste immense et devra se poursuivre longtemps pour l’Ukraine mais aussi partout où se déroulent les autres conflits armés. Le corps des femmes ni celui de quiconque n’est un champ de bataille.