Publié le Lundi 29 avril 2024 à 15h59.

Motion sur les élections européennes - CPN du 28 avril 2024

Traditionnellement, les scrutins européens ne passionnent pas les foules, et là encore, les récents sondages indiquent que moins d’unE interrogéEs sur deux ira voter, avec une participation d’à peine un quart pour les plus jeunes à 70% pour les plus âgés... Mais dans la conjoncture que nous connaissons, avec des urnes qui pourraient traduire et peut-être amplifier un mauvais rapport de forces, les résultats de ces élections peuvent laisser des traces sur le terrain des luttes ou de la reconstruction d’un projet d’émancipation.

Ainsi, sondage après sondage, le Rassemblement national mené par Jordan Bardella prend la confiance, et l’extrême droite pourrait en juin réaliser son meilleur score, toutes élections confondues, depuis l’instauration de la 5ème République. Largement en tête entre 30 et 33%, le bloc raciste et autoritaire qu’il compose avec l’appui de Reconquête de Zemmour tutoie les 40%. Le RN entend ainsi profiter des fruits pourris de la politique du gouvernement.

La tactique macroniste cherche à ramener la campagne à un choix unique, présenté comme fondamental, entre la politique du pouvoir actuel ou l’extrême droite... Une tactique qui profite pleinement à cette dernière. La combinaison de l’empilement des contre-réformes anti-sociales depuis l’arrivée au pouvoir de Macron (dont l’épisode de la contre-réforme des retraites en 2023) et le recyclage des idées et discours de l’extrême droite (par exemple la loi Darmanin, promulguée le 26 janvier dernier « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration »), tout cela n’a eu d’autres effets que d’apporter une forme de crédibilité au RN.

Dans la gauche institutionnelle, s’affirme avant tout la volonté de redéfinir les rapports de forces figés dans la NUPES après le premier tour des élections présidentielles de 2022, cela dans la perspective de celles de 2027. S’appuyant sur le rabibochage d’un Parti socialiste pourtant profondément fracturé depuis les dernières législatives, le projet autour de la liste conduite par Raphaël Glucksmann est bien celui de reconstruire une gauche présentée comme « responsable », candidate sérieuse à l’alternance électorale pour gérer le système. Cette liste est pour l’instant portée par une petite dynamique de «vote utile » à gauche, en grande partie portée par les principales catégories sociales qui vont voter aux européennes (retraitéEs, cadres) : trouver un bulletin qui permette d’exister contre Macron et l’extrême droite...

L’entrée en campagne de la liste d’Union populaire conduite par Manon Aubry n’a pas à cette étape changé la donne. Ses premiers meetings sont bien remplis, et visiblement enthousiasmés par un profil relativement offensif et qui laisse une large place à la solidarité avec la Palestine. Elle joue un rôle positif dans la situation, en donnant confiance aux secteurs combatifs, qui se sont impliqués ces dernières années, dans la bataille des retraites ou la mobilisation pour la Palestine.

Cependant, les désaccords que nous avons pu avoir lors des discussions avec LFI il y a quelques semaines sont toujours là, en particulier sur les questions internationales. Sur la Palestine avec l’acharnement de LFI sur la « solution » à deux États. Mais surtout sur la question de l’Ukraine : si son intégration dans l’UE ne constitue pas une évidence et encore moins une solution miracle aux problèmes de son peuple, elle ne peut pas pour autant être refusée brutalement, et certainement pas en utilisant des arguments qui nourrissent le nationalisme et la défiance entre les travailleurs. Nous pensons ensuite que le soutien au droit du peuple ukrainien à disposer de son destin et à résister à l’agression impérialiste russe, y compris sur le terrain militaire, ne peut souffrir d’une lecture campiste du conflit.

Au-delà, notre principale critique est que la direction de LFI n’a pas comme volonté de regrouper la gauche de combat, celle qui n’a pas renoncé à changer la société, en tirant tous les enseignements de l’échec de la Nupes, encore moins de construire un cadre démocratique et pluraliste qui permettent aux exploité·es et aux opprimé·es de s’organiser sur la durée. On s’interrogera aussi sur la volonté affichée par LFI de « nationaliser » cette élection, d’en faire un véritable tour de chauffe de l’élection présidentielle visant à préparer l’après Macron.

Pour autant, nous partageons le positionnement global de cette liste : « mener des combats concrets, pas pour faire fonctionner le système des eurocrates (...). Construire un programme de rupture : garantir l’accès aux besoins essentiels, à un revenu digne, défendre nos droits fondamentaux contre les libéraux et l’extrême droite, rendre le pouvoir au peuple, faire payer les riches, ceux qui polluent et qui se gavent, planifier la bifurcation écologique (...) », et pour cela, « ne pas hésiter à recourir aux rapports de forces et à la désobéissance ». Son programme est un point d’appui, une référence même pour de larges secteurs militants dans les mouvements sociaux, dans les mobilisations de solidarité avec les PalestinienNEs, dans les luttes récentes, comme les mobilisations agricoles (refus clair et net des accords de libre-échange, prix planchers...).

La critique portée contre l’Union européenne, ses institutions (dont la BCE), les mesures antilibérales du programme de la Nupes réexplorées pour cette élection, vont dans le bon sens, ainsi que la volonté de s’opposer à l’orientation de matamore militariste qui caractérise Macron.

Pour construire les résistances et les luttes, pour avancer dans l’organisation de notre camp social, pour porter la nécessité de construire un nouvel outil politique pour les exploitéEs et les oppriméEs, nous avons besoin dans cette campagne électorale de nous adresser à celles et ceux qui défendent le rassemblement large de toute la gauche de combat, antilibérale et anticapitaliste.

De plus, il ne faut pas perdre l’occasion d’aider à consolider une orientation de rupture, même partielle avec le système, même réformiste conséquente. Nous en avons d’abord besoin pour combattre l’extrême droite, car le développement decelle-ci peut entraîner une bipolarisation du champ politique, dans laquelle une gauche révolutionnaire qui conjugue radicalité et unité peut jouer un rôle. C’est aussi nécessaire dans le débat actuel à gauche, car le recul d’une opposition radicale au gouvernement telle que peut l’incarner actuellement dans les institutions La France insoumise, peut se traduire par une recomposition accélérée ayant pour centre de gravité l’orientation sociale-libérale portée par le PS et Glucksmann dans cette campagne.

Malgré l’absence d’une véritable liste de rassemblement, dans un contexte où en particulier la solidarité avec la Palestine subit une répression de la part du pouvoir macroniste (les attaques contre Rima Hassan et la liste donc elle est candidate en sont l’expression), notre camp social a intérêt à ce que la liste conduite par Manon Aubry – qui de fait est la mieux placée pour réunir à une large échelle des suffrages exprimant la volonté de ne pas se résigner et d’en découdre avec le système et ses défenseurs – fasse le plus de voix possible. Le NPA appelle donc à voter pour la liste de l’Union populaire conduite par Manon Aubry, en menant campagne ces prochaines semaines avec notre matériel propre, et là où les conditions sont réunies, en participant à la campagne de l’Union populaire, en proposant en particulier des actions communes.

Notre campagne défendra nos positions en faveur d’une Europe des travailleurES et des peuples, contre l tous les impérialismes, notamment ceux de l’UE et de l’OTAN, pour la liberté de circulation et d’installation, la réquisition des banques et des grandes entreprises de l’énergie, pour une transition écologique rompant avec le capitalisme et le productivisme, et une harmonisation vers le haut des droits sociaux européens. Nous produisons un matériel national disponible début mai (4 pages) et travaillons à différents moyens d’expression (communiqués, vidéos, visuels sur les réseaux sociaux...).

D’ici le dimanche 9 juin, nous proposons à d’autres secteurs militants, courants ou regroupements de faire campagne avec nous dans ce sens, notamment autour d’une tribune commune sur les enjeux de cette élection, avec un appel à voter pour la liste de l’union populaire.