Publié le Dimanche 30 août 2015 à 18h24.

Atelier d’écriture « les chemins du féminisme » - séance 2

Si j’avais un marteau…

 

 

Si j’avais un marteau je tordrais le clou de la résignation,

j’enfoncerais le piquet de la colère pour, au patriarcat, construire une barrière.

Myriam de Paris

 

Si j’avais un marteau, le casserais les prisons morales et réelles et j’écrirais le mot liberté sur tous les murs des commissariats et des casernes, et dans tous les cerveaux des machos.

Elise

 

Si j’avais un marteau je l’échangerais contre un bulldozer.

Charlotte

 

Si j’avais un marteau je casserais les barreaux du harem.

Hoda

 

Si j’avais un marteau, une question à ne plus se poser maintenant. J’en tiens un et il faudrait se mettre à agir. Quelque réticence à écraser quelques têtes.

Benjamin

 

Si j’avais un marteau je clouerais les inégalités au piloris. J’accrocherais au mur les banderoles de nos utopies... Et de nos combats.

Marinette

 

Si j’avais un marteau j’aplatirais le mobilier urbain et ses pubs, je défoncerais les bancs anti SDF, je saperais leurs règlements et leurs codes vestimentaires.

Claudine

 

 

 

Laura...

 

Voici un exemple publicitaire d’une campagne de recrutement de l’Éducation Nationale qui a fait réagir par son sexisme:elle se décline en deux affiches : Sur la première, une femme lit un livre, le texte explique que « Laura a trouvé le poste de ses rêves ». Sur la seconde, un homme est penché sur son ordinateur, le texte explique que « Julien a trouvé un poste à la hauteur de ses ambitions ». On a donc, d’un côté, la femme, la douceur, les couleurs pastels, la littérature, la blondeur, le rêve, et de l’autre, l’homme, l’ordinateur, le bleu, l’attitude concentrée, l’ambition. Les deux seront enseignants, mais Laura rêve et lit alors que Julien a de l’ambition et travaille.

 

 

Laura a trouvé un sacerdoce mal payé : elle s’apprête à enseigner.

Myriam de Paris

 

Laura a trouvé le poste cauchemardesque de ne travailler qu’avec des machos lui faisant sentir qu’il n’y avait de bon que le patriarcat. Elle les a cassés avec son marteau.

Elise

 

Laura va pouvoir changer la société,

Laura vient de devenir professeure.

Laura va pouvoir s’émanciper et émanciper les autres.

Laura va pouvoir apprendre à ceux et celles qui seront l’avenir, à pouvoir devenir ceux et celles qu’ils et elles auront décidé d’être.

Charlotte

 

Laura a trouvé un métier où il y a égalité des salaires hommes/femmes. Elle fera tout pour que les filles qu’elle aura en charge aient droit à la parole.

Hoda

 

Laura a trouvé le poste de ses rêves, elle peut enfin passer ses journées à ne pas être gentille, quel plaisir de pouvoir crier sur des gamins et en être remerciée !

Benjamin

 

Laura n’aime pas l’idée d’ouvrir aux autres les portes de la cathédrale de la connaissance : bien trop pompeux ! En revanche, elle aime partager et porter les autres au meilleur d’elles et d’eux mêmes. Laura est enseignante.

Marinette

 

Laura a trouvé ce qui clochait. Elle s’était toujours efforcée d’être douce et gentille pour être une bonne élève et plaire à ses parents, polie pour se trouver un mari, sage pour ne pas se faire remarquer, obéissante pour avoir l’air raisonnable. Bon sang mais c’est bien sûr ! Elle dit zut à ses parents et enfile un vieux jean troué.

Claudine

 

La colombe 

Voici un dessin de 1932 réalisé par Frida Kahlo intitulé « Frida et l’avortement ». La femme représentée ici est censée être le mélange d’un autoportrait de Frida et du visage d’une colombe, qui est ici symbole du Saint esprit et de la paix. Dans la marge, à coté de l’œuvre, on pouvait lire ces quelques mots : « La colombe s’est trompée/se trompait ».

 

La colombe se trompait : invitée par ses confrères pigeons à s’exprimer sur ce qui lui tenait à cœur, le colombisme et l’égalité pour tous les oiseaux, elle pensait pouvoir piailler ses revendications face à ces messieurs les pigeons. Las, son bec fut cloué et l’oiselle fut pigeonnée.

Myriam de Paris

 

La colombe se trompait en croyant qu’elle pourrait voler de ses propres ailes sans avoir à lutter. Après un travail d’équilibriste elle a réussi à s’émanciper et à dire non à la société.

Elise

 

La colombe se trompait, là où elle allait elle ne rencontrait ni liberté, ni égalité. Le patriarcat, partout et sans fatigue, se cachait et l’empêchait de se poser là où elle le voulait.

Charlotte

 

La colombe se trompait. Non, le voile ne sert pas à mettre la beauté des femmes en valeur comme le ferait l’écrin d’un bijou. Non, le voile c’est la peur panique des hommes devant cette beauté qui leur reste étrangère.

Hoda

 

La colombe se trompait, elle imaginait survoler une colline boisée, mais au moment de se poser elle ne trouva que des canons.

Benjamin

 

La colombe se trompait : où que l’on regarde, pas de paix mais des divisions partout, des violences physiques et symboliques à chaque instant !

La colombe se trompait, mais ouvrir les yeux sur le monde est l’occasion, collectivement et avec détermination, de le changer.

Marinette

 

La colombe se trompait, « se trompait » le mot est faible. Elle se gourait complètement, et en beauté : elle avait porté son rameau d’olivier au PDG de la fabrique d’armes dans le grand immeuble de verre. Le verre ça réfléchit, la colombe beaucoup moins. Le verre réfléchissait le ciel, et la colombe s’y est écrabouillée. Misérablement. La réalité est dure pour les douces colombes.

Claudine

 

Et les hommes, alors ?

 

Louis Aragon disait « la femme est l’avenir de l’homme » et plus récemment l’artiste street Misstic lui répondait en clamant « l’homme est le passé de la femme ». Cela pose la question du rapport homme/femme et de la place de chacun dans la société.

 

La femme est l’avenir du passé : elle est d’aujourd’hui.

L’homme est le passé comme le fer à repasser.

Myriam de Paris

 

L’homme est le passé d’un foyer rêvé et construit par lui, la femme est l’avenir d’une société rêvée par elle.

Elise

 

La femme est l’avenir de l’homme... Pas tant qu’on la verra comme un bout de viande dans une robe !

Charlotte

 

L’homme est le passé de la femme, autant dire que le féminin ne peut se construire qu’à partir du masculin... Merci monsieur Aragon.

Benjamin

 

L’homme est le passé par ici, il repassera par là.

La femme est l’avenir de la fille...Si elle le veut !

Marinette

 

L’homme est le passé. Il a bien usé de ses prérogatives. Il t’a adulé, maquillé, juché sur de cruels talons aiguilles, sanglé dans des robes fourreau, condamné à vivre pour lui plaire. Il t’a privé de salaire. Il t’a imposé des horaires. C’était sans compter sur les sorcières...

Claudine

 

Quelques petits coups de couteau...

Frida Kahlo a peint en 1935 ce tableau la représentant mutilée par son amant et époux Diego Rivera. En haut de l’œuvre on peut voir écrit le message ironique « quelques petits coups de couteaux » . Il s’agit en fait d’une lettre ouverte à son mari où elle lui dit sa souffrance. - Ce tableau est sujet à de multiples interprétations, cependant il faut savoir que Frida n’était pas battue ou violentée d’une quelconque façon par son mari, cet homme l’avait détruite et mutilée psychologiquement en raison de ses multiples trahisons, mensonges et infidélités.-

 

Quelques petits coups de couteau

pour préparer ton gigot

quelques petits coups de couteau

sont sortis de ton plateau

le dernier coup de couteau

que tu m’as planté dans le dos.

Myriam de Paris

 

Quelques petits coups de couteau car tu voulais t’assumer,

Quelques petits coups de couteau car tu voulais partager les tâches,

Quelques petits coups de couteau car tu refusais de lui faire à manger,

Quelques petits coups de couteau car tu ne voulais pas faire d’enfants avec cette brute,

Quelques coups de couteau car tu as pris un amant pour te consoler,

Quelques grands coups de couteau car tu n’as pas su te sauver,

Quelques coups de marteau pour clouer ton tombeau.

Elise

 

Quelques petits coups de couteau,

juste pour te détendre,

juste pour que tu ne puisses plus m’entendre,

juste pour que tu n’aies plus à essayer de comprendre,

juste pour me réduire en cendres.

Charlotte

 

Quelques petits coups de couteau t’ont clouée sur le lit,

tu es éclaboussée de sang,

tu gis, abandonnée, sous le regard indifférent et masculin de la société.

Hoda

 

Quelques petits coups de couteau, tu sais après tout ce n’est qu’un travail. Un beau boulot certes, mais c’est l’expérience.Tu avais peur au début, ne le nies pas, mais ça a disparu assez vite. Aimes-tu la douleur ?

Benjamin

 

Quelques petits coups de couteau tu m’as donné. Puis une gifle et une deuxième. Qu’attendais-tu de moi ? De quoi ta haine était-elle l’injonction ? Tu m’as vue alors m’allonger, refuser de résister et de répondre, tant ta violence m’est inconcevable. Tu aurais pu t’arrêter là mais non, tu t’es acharné.

Marinette

 

Quelques petits coups de couteau... Au début, trois fois rien, une remarque sur ton désordre, ton courrier qu’il s’est mis à lire : « on est mariés, chérie, plus de secrets entre nous... ». Ta peinture qu’il tournait en ridicule, tes douleurs qu’il mettait en doute, puis il est sorti sans dire où il allait, il rentrait avec de jolis mensonges mal fagotés. Puis il n’a même plus menti, il n’a plus rien expliqué, il n’a plus regardé tes tableaux, il ne t’a plus répondu, il ne t’a plus écouté. Il a haussé les épaules, il a ricané, et il est sorti sans te répondre.

Claudine