Parmi les revendications portées par les participants à la Marche des sans-papiers en cours, l’une, radicale et essentielle, est la suppression des centres de rétention administrative (les CRA).
La rétention a toujours visé à enfermer les plus précaires parmi les plus pauvres d’entre nous. Avec en France, une « attention particulière » pour les personnes nées dans les colonies.
Nul ne peut être détenu arbitrairement
Ainsi, en 1963, le préfet de Marseille achète un entrepôt à Arenc, dans le port de Marseille, afin d’y enfermer bon nombre d’étrangerEs. 50 000 d’entre elles et eux, en attente d’un retour forcé dans les pays d’origine, tous des anciennes colonies françaises, vont y effectuer de courts séjours entre 1963 et 1975. Arenc est un centre clandestin de rétention, inconnu de la justice ou des élus, dans lequel les policiers sont à la fois juges et gardiens. Où les conditions d’hygiène, de santé, de nutrition sont inhumaines. En 1975, un ancien détenu revient en France et porte plainte. Le scandale d’Arenc va défrayer la chronique. Des associations, des syndicats, quelques élus vont obtenir la fermeture de ce centre hors-la-loi et espérer que plus jamais des humains ne soient traitéEs de cette manière. Hélas, le scandale d’Arenc va donner naissance à de nombreuses lois qui vont légaliser la rétention administrative et les centres qui vont avec.
Une kyrielle de lois pour légaliser l’illégitime
Celle de janvier 1980 donne une raison légale à l’existence de ces centres : « Enfermer des personnes en dehors de toute condamnation pénale et hors de toute procédure judiciaire pour les mettre à l’écart et les maintenir sous surveillance ». Ce qui est légalisé, c’est la privation absolue de liberté pour des étrangerEs sans qu’ils et elles aient commis de délit. Embastillés sur simple décision autoritaire, arbitraire de l’exécutif. En février 1981, la loi « Sécurité et liberté » affirme le principe d’internement en le limitant à 48 heures. En 1984, les CRA et les LRA (lieux de rétention administrative à l’intérieur des commissariats) sont officiellement créés. En 1987, sous la pression des associations et de différents syndicats, la fonction de Contrôleur des lieux de privation de liberté voit le jour. Le ou la contrôleur peut circuler dans les centres, faire un rapport annuel, alerter, dénoncer, mais n’a un avis que consultatif.
On enferme et on voit après
Au fil des législations liberticides mises en place par des gouvernements de droite comme de gauche, la rétention administrative pour les personnes étrangères est devenue la norme, un outil de la politique migratoire. D’après la Cimade, 50 000 personnes sont passées dans les 2 000 places de CRA et de LRA en 2019. Aujourd’hui la durée de rétention peut être de 90 jours. Sans aucune nécessité, même par rapport à leur sale objectif d’expulser au maximum, puisque 91 % des expulsions ont lieu avant le 45e jour (d’après France Terre d’asile). Et que 41 % de personnes en métropole et 45 % en outre-mer ne sont finalement pas expulsées. C’est juste de l’emprisonnement légal de personnes innocentes mais indésirables pour le pouvoir.
Le manque d’entretien et d’hygiène, la promiscuité, la quasi-impossibilité de contacts avec l’extérieur, rendent la vie insupportable. Hollande a légalisé la rétention des familles en 2016. En 2019, 130 enfants ont été enfermés en métropole et près de 6 000 à Mayotte. Les rares militantEs ayant accès aux CRA dénoncent la rupture de scolarisation, des contrats de travail, du bail de logement ou d’hébergement. La destruction de leur vie. La rupture de soins peut également être dramatique. De plus en plus de personnes en soins psychiatriques sont retenues et subissent un « surenfermement ». Toutes ces conditions révoltantes sont sources de désespoir, et trois personnes se sont suicidées l’an passé.
Résistances !
Mais des résistances se développent. Des grèves de la faim s’organisent, des incendies de matelas ont lieu dans une partie des 26 CRA. Des cris et des écrits sortent de ces lieux qu’un pouvoir autoritaire voudrait réduire au silence. La solidarité dedans/dehors est essentielle et forte autour de certains CRA.
Mais la lutte est rude. La France est l’État de l’Union européenne qui enferme le plus. Sans doute parce que le poids du passé colonial et du présent néocolonial est toujours bien présent et que les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire sont drastiques. En 2019, il y a eu 23 % d’étrangers en plus en CRA. La France a été condamnée à six reprises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), notamment pour la rétention d’enfants. Et plus largement pour sa maltraitance institutionnelle. Sans effet à ce jour !
Alors c’est à nous tous et toutes de détruire les CRA. Ils sont la partie la plus scandaleuse, la plus raciste, la plus violente et la plus aboutie de la mise en œuvre d’une privation des libertés généralisée. Alors oui, pierre par pierre et mur par mur, nous détruirons les centres de rétention.