Mais où est passé Olivier Besancenot ? Absent des médias depuis la claque reçue par le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) aux régionales (3,4%), le double candidat à la présidentielle est réapparu à l’occasion des manifestations du 1er mai. La bataille contre la réforme des retraites en étendard. «Nous sommes partisans de la bataille unitaire la plus large, a-t-il expliqué, dimanche, dans un entretien au Parisien. En mars 2006, l’ensemble de la gauche politique et syndicale a bien réussi à faire reculer le gouvernement de Dominique de Villepin sur le contrat première embauche. Et si on recommençait ?»
A la recherche d’un salut unitaire dans les luttes, à défaut de l’avoir été dans les urnes, le porte-parole du NPA a même appelé la première secrétaire du PS, Martine Aubry, à participer, jeudi à Paris, au meeting commun de la gauche «pour sauver la retraite à 60 ans». Le porte-parole des socialistes, Benoît Hamon, est déjà annoncé à la manifestation, organisée par la fondation Copernic et Attac.
La bataille des retraites en forme de rédemption pour un parti déboussolé après à peine un an d’existence ? Entre choix stratégiques, place de la religion dans le parti et ultradépendance à Besancenot, les camarades anticapitalistes entament à peine leur thérapie collective dont le point d’orgue sera leur congrès de novembre. Trois débats décisifs pour l’avenir d’une formation à la peine dans sa tentative de dépassement de la Ligue communiste révolutionnaire.
Eviter le «syndrome Arlette Laguiller»
Depuis son échec aux régionales (3,13% en Ile-de-France), Olivier Besancenot ne sort que pour les «luttes» et a déserté l’arène politique. Il était absent des réunions de la direction du NPA jusqu’à fin mars et n’a fait qu’un passage furtif lors du conseil politique national (le «parlement» du parti) le 28 mars. «Pour le moment, je ne m’exprime pas sur la préparation du congrès, précise-t-il à Libération. On a besoin de temps pour mener un débat où la base ne soit pas dépossédée.» «Il doit retrouver de la sérénité, défend Christian Nguyen, membre de la direction. Il a un rôle difficile et tire depuis un moment le signal d’alarme.»
Le costume d’unique porte-parole lui pèse et des divergences avec son bras droit, Pierre-François Grond - sur le voile ou la stratégie électorale - apparaissent. «J’ai l’impression qu’il en a marre de faire le sherpa et de devoir rattraper les coups en permanence», confie un dirigeant.
Besancenot absent de l’élection présidentielle de 2012 ? «L’éventualité» est évoquée par plusieurs responsables. Pour 2012, «il y a différentes hypothèses de travail mais on met ça de côté pour l’instant», confirme Pierre-François Grond. «Ce que je souhaite, c’est que la future direction du NPA fasse émerger plusieurs porte-parole», a confié Olivier Besancenot au Parisien.
Seule certitude, il y aura un ou une candidat(e) du NPA, choisi(e) en juin 2011. «Il y a un engagement collectif pour sortir Olivier de ce système de porte-parolat unique», souligne Pierre-François Grond. Et enrayer la personnification extrême du NPA, ce«syndrome Arlette Laguiller», tant redouté par Olivier Besancenot, mais dont les anticapitalistes ont bien du mal à se dépêtrer.
Trancher sur les alliances électorales
L’unité ou le cavalier seul ? Aux européennes, la formule du solo avait échoué (4,9% des voix) et le NPA s’était fait doubler par le Front de gauche (6,5%). En s’alliant, communistes et partisans de Jean-Luc Mélenchon ont piqué au NPA cette place à la gauche du PS que convoitaient tant les anticapitalistes. Rebelote pour les régionales. Malgré des accords locaux avec des microformations de la gauche radicale et l’union avec le Front de gauche dans trois régions, le NPA a perdu le leadership de la gauche radicale. «Maintenant, il faut décider d’une orientation claire», réclame Danièle Obono, membre de la direction et tenante de la ligne la plus unitaire. «Il y a deux NPA. Il faut choisir», renchérit Leila Chaibi du collectif l’Appel et la Pioche. Même au sein de la direction, les proches d’Olivier Besancenot, sur une ligne plus indépendante, divergent désormais des positions plus ouvertes du noyau dirigeant autour de Pierre-François Grond. «Il n’y a plus de majorité, on maintient une façade», observe un membre de la direction. Pour régler ce problème, certains souhaitaient un congrès avancé à juin.
La direction a préféré renvoyer les débats dans les comités locaux jusqu’en novembre. «C’est la qualité de l’approfondissement des questions politiques qui donnera un congrès réussi», justifie Grond qui mise sur les luttes sociales pour«reforger un collectif». Mais du côté des plus unitaires, on craint le découragement :«Plus le temps passe, moins une orientation claire émerge et plus on prend le risque d’être affaibli numériquement», juge Danièle Obono.
Ecarter la menace d’un clash massif sur le voile
La plaie est béante. Pour un NPA issu d’une LCR ultralaïque et dont le féminisme fait partie du caryotype, la candidature aux régionales dans le Vaucluse d’Ilham Moussaïd, jeune militante d’Avignon portant un voile, crée une vraie déchirure. «La question qui se pose n’est pas tant de savoir si une personne qui porte le voile peut être au NPA, mais de dire si elle peut le représenter publiquement», explique Pierre-François Grond.
«On ne peut pas nous dire : "Tu peux venir mais pas nous représenter". Il n’y a pas de sous-militants», prévient Abdel Zahiri, un des animateurs du «comité populaire»d’Avignon. «Quel parti veut-on ? Un parti de masse ou un parti sélectif ?», ajoute-t-il. Avant même le congrès où un débat sur religions et laïcité sera organisé dans le Vaucluse, la rupture est déjà actée. Les militants NPA proches d’Ilham Moussaïd et ceux qui n’ont pas apprécié sa mise en avant se sont éloignés. «Si on se barre, ils pourront toujours dire que le NPA est un parti ouvert mais personne ne pourra le croire», observe Abdel Zahiri.
Des départs de militants des quartiers ? Un cauchemar pour Besancenot. En mars, durant la campagne régionale, il confiait à Libération que le NPA «serait un échec», si «les équipes de prolos ou celles des quartiers populaires venaient à nous quitter» : «Si les problématiques de gens issus d’horizons différents deviennent des obstacles insurmontables, on se sera planté.»
Lilian Alemagna