Pendant plusieurs mois, Camille de Casabianca a suivi au plus près la naissance du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Résultat : un documentaire passionnant, cocasse, instructif… En haut du casting, un certain Olivier Besancenot.
Mais d'abord, une scène marquée par un peu d'humour et beaucoup de tristesse, à moins que ce ne soit l'inverse… Des filles et des garçons vident leurs bureaux. Sous des piles de vieux journaux et dossiers poussiéreux, ils retrouvent des traces d'un passé révolu.
Comptes-rendus antédiluviens, notes éparses. Un type raconte : « Y a des trucs qui croupissent ici depuis vingt-cinq ans. ». Plus le temps de faire le tri : les vieilleries passent par la fenêtre et atterrissent dans une gigantesque benne postée sur le trottoir.
Krivine, Besancenot, Weber… disent adieu à un monde ancien
La scène se situe à Montreuil. Et ceux qui font le vide pour cause de déménagement sont les permanents de la Ligue Communiste Révolutionnaire, auto-dissoute pour donner naissance au NPA, le Nouveau parti anticapitaliste.
Bientôt, des visages familiers apparaissent. Les plus connus ? Ceux d'Alain Krivine et Olivier Besancenot. L'ancien et le moderne, se retroussant les manches de concert pour que le processus de rénovation suive son cours. Pas une mince affaire.
D'un meeting à la Mutualité à l'université d'été à Port-Leucate en passant par un débat musclé à la fête de l'Huma (guest star : Henri Weber, ex de la Ligue reconverti en inconditionnel de la realpolitik), on croise des anonymes, sympathisants de la première ou de la nouvelle heure, et des personnalités historiques du mouvement. Daniel Bensaïd, décédé il y a peu, ou Pierre-François Grond, la figure montante.
Le film enregistre les grandes résolutions et les petits tracas des uns et des autres. Le trivial se mêle à l'idéologie. La crise de rire à la prise de tête. (Voir la bande annonce).
Un film d'entreprise ? Une fiction militante ? Deux fois non. Si Camille de Casabianca, la réalisatrice, a incontestablement de la sympathie pour ceux qu'elle observe (« Je ne sais pas faire de films sur des gens dont je me paie la fiole », dit-elle), « C'est parti » ne s'abîme jamais dans les ornières du docu pédago-partisan.
Pour la réalisatrice, une démarche de proximité, mais pas complaisante
Les responsables de la Ligue ont accepté le principe du film, laissé la cinéaste musarder où elle le voulait. Le résultat ne cherche en aucun cas à « vendre » (ou à salir) les couleurs new-look du trotskisme.
Ce qu'enregistre la documentariste est bien plus universel, drôle et passionnant : comment vit un groupe ? Comment rénover une vieille maison ? Comment imposer de nouveaux visages ? Comment résister, aussi, à la starisation du leader ?
Dépourvu de tout commentaire, le film renseigne sur les difficultés de cette gauche-là et, plus généralement, raconte avec un humour ravageur les inévitables tensions agitant une communauté au travail (parti politique, journal, club de foot, en l'occurrence peu importe).
Besancenot donne à voir l'ambivalence de son statut au sein du NPA
La caméra furette partout, parvient à se faire oublier et enregistre des crispations instructives. Ainsi cette scène, qui tombe à pic vu les polémiques du moment, où une nouvelle recrue interroge le NPA sur ses positions vis-à-vis de la religion et du voile. Et essuie une volée de bois vert (de bois rouge) de la part d'une militante fidèle aux racines ultra-laïques de la LCR.
Mais le plus passionnant est niché côté Olivier Besancenot… Il n'est qu'un personnage parmi d'autres de « C'est parti », mais le film, en creux, donne à voir l'ambivalence de son statut dans l'organisation.
Important meeting à venir… Les leaders du NPA cherchent à convaincre Besancenot d'y apparaître. Ce dernier freine des quatre fers. Semble redouter son instrumentalisation au sein même du parti.
Le postier Besancenot aux camarades permanents : « Mais je bosse, moi ! »
Le ton monte. Besancenot évoque son emploi du temps surchargé. Se fâche contre ses potes qui usent de stratagèmes tordus pour parvenir à leurs fins. « Vous me demandez de faire un boulot de merde. »
Un peu plus tard, il lâche même un historique « Mais je bosse, moi ! », en référence à ses activités de postier, comparé à l'emploi du temps de ses permanents de camarades. Ambiance.
Dur, pour l'un, d'échapper à la personnalisation. Dur, pour les autres, de ne pas titiller la touche people quand on a en magasin un type jeune, sympathique, excellent dialecticien. Le film, parmi ses nombreuses richesses, donne à voir ces ambiguïtés-là. Franchement captivant.
Par Olivier de Bruyn.
► C'est parti de Camille de Casabianca - en salles le 10 février