La première partie de ce texte a été publiée dans le numéro de novembre sous le titre « Questions sur l’Ukraine (1) : De l’agression de la Crimée à la guerre dans le Donbass » (L’Anticapitaliste, n° 140). L’intégralité de cet article a par ailleurs été publiée, avec une bibliographie, dans la revue ContreTemps le 3 octobre 2022.
Dans ce contexte de guerre et d’impasse des négociations, le mandat de Petro Porochenko est marqué par le renforcement du discours militariste et nationaliste, répondant à la demande de la frange la plus radicale de la société civile post-Maïdan de mener la guerre jusqu’à la récupération de la Crimée, de poursuivre l’augmentation des budgets militaires et de promouvoir l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.
Alternance électorale et réformes néolibérales
En avril 2019, c’est pourtant Volodymyr Zelensky qui remporte le second tour des élections présidentielles avec plus de 73 % des votes, et son parti « Serviteur du peuple », du nom de la série télévisée éponyme à laquelle il doit sa popularité, obtient la majorité absolue au Parlement avec 43 % des votes. Sa victoire est en partie due au fait qu’il s’est présenté comme un candidat « anti-système » face au président sortant qui, une fois de plus, a profité de son mandat pour augmenter considérablement sa fortune. Mais Zelensky s’est également présenté avec la promesse d’en finir avec le conflit dans le Donbass. Les UkrainienNEs ont donc clairement rejeté par ce vote le programme conservateur-nationaliste de Porochenko, qui avait adopté le slogan « Armée, Langue, Foi ».
Sur la question du Donbass, Zelensky a été finalement contraint de maintenir le cap de son prédécesseur, pris entre deux feux : d’une part, le Kremlin n’a montré aucune volonté de faire des concessions dans les négociations ; d’autre part, la partie national-libérale de la société civile ukrainienne refusait d’accepter un scénario de capitulation face à la Russie et aux séparatistes. Il commence son mandat par un échange des prisonniers de guerre et le retrait des troupes ukrainiennes de certaines villes frontalières avec les républiques séparatistes. Mais la reprise des négociations avec la Russie, à l’occasion de la rencontre entre Zelensky et Poutine à Paris en décembre 2021, se heurte à des manifestations à Kiev, appuyées par les partis de l’opposition nationaliste, les associations d’anciens combattants et les groupes d’extrême droite. Zelensky ne parvient pas à obtenir que les élections locales dans le Donbass soient précédées d’un démantèlement préalable des milices séparatistes, d’un retrait des troupes russes et d’un retour sous contrôle de l’Ukraine de sa frontière de l’Est avec la Russie. Les négociations sont à nouveau dans une impasse, dont le Kremlin décide de sortir par la voie d’une escalade, en envahissant l’Ukraine le 24 février 2022.
Sur le plan interne, Zelensky poursuit la politique néolibérale de son prédécesseur, conformément aux exigences du FMI : la part de la production industrielle traditionnellement exportée vers la Russie continue de diminuer, alors qu’augmente celle des matières premières et de la production agricole exportée en Europe. Mais surtout, l’économie ukrainienne est surendettée et dépend massivement des prêts du FMI accordés en échange des mesures d’austérité.
En mars 2015, le FMI accorde à l’Ukraine un prêt de 16 milliards d’euros : les conditions de ce prêt comprennent une série de réformes structurelles de réduction des budgets publics, avec l’augmentation pour la population du prix du gaz naturel, la réduction du nombre de postes dans l’administration publique, l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, et la réforme des systèmes de santé et d’éducation. Enfin, le gouvernement Zelensky met fin au moratoire sur la vente des terres agricoles qui date de la chute de l’URSS. La création d’un véritable marché des terres agricoles ouvert aux investisseurs étrangers était une condition de longue date des créditeurs de l’Ukraine, mais celle-ci n’avait jamais été appliquée jusqu’en 2021.
L’Ukraine emprunte au FMI depuis les années 1990, mais en pratique, aucun gouvernement n’avait jamais mis en application toutes ces conditions par crainte d’une situation sociale explosive. La crise politique de 2014 et la guerre dans le Donbass ont enfin laissé la voie libre à ces réformes, permettant de les présenter comme inévitables, participant à l’effort de guerre et à l’intégration européenne.
La situation des personnes déplacées du Donbass
Selon le dernier recensement de 2001, on comptait 7,3 millions d’habitants (15 % de la population ukrainienne) dans les régions de Donetsk et de Lougansk. La guerre déclenchée au printemps de 2014 a fait près de 2 millions de réfugiéEs. Selon les statistiques officielles de 2019, 1,38 million de personnes déplacées étaient enregistrées en Ukraine et plusieurs centaines de milliers en Russie. Officiellement, la majorité des personnes déplacées résidait avant février 2022 dans les territoires contrôlés par le gouvernement ukrainien dans les régions de Donetsk et de Lougansk, ainsi que dans la capitale. Dans les faits, une bonne partie des personnes déplacées, parmi lesquelles une majorité de femmes et de retraitéEs, est retournée dans les territoires occupés à cause des difficultés pour trouver un logement et un travail, pour accéder aux aides sociales, etc., le statut de déplacéE interne leur permettant de continuer à recevoir les allocations et les pensions de retraite ukrainiennes, mais à condition de venir les récupérer sur place tous les mois.
L’État ukrainien a échoué à anticiper la crise des réfugiéEs : la loi qui fixe le statut légal des personnes déplacées n’est votée qu’au mois d’octobre 2014, soit six mois après le début de la guerre dans le Donbass. Ce statut permet d’accéder à une aide financière – largement insuffisante pour vivre1 – et aux services sociaux spécifiques, mais il restreint aussi les droits civiques : les personnes déplacées n’ont pas le droit de voter dans les élections locales sous prétexte de leur enregistrement temporaire. Malgré la mise à disposition d’un certain nombre de logements temporaires, qui se sont vite transformés en ghettos, seules 63 familles sur 1,2 million de personnes déplacées ont bénéficié de l’attribution d’un logement durable. L’abandon des réfugiéEs du Donbass par l’État s’est accompagné de leur stigmatisation par les médias et d’une méfiance d’une partie de la population ukrainienne à l’égard des potentiels « séparatistes » qui pouvaient se traduire, dans certains cas, par des discriminations à l’emploi et sur le marché locatif.
En même temps, des dizaines d’organisations de bénévoles, dont celles créées par les personnes déplacées elles-mêmes, comme l’organisation Vostok SOS, se constituent pour prendre en charge les fonctions de l’État : aide humanitaire, aide à la recherche de logement et de travail, accompagnement dans les démarches administratives, soutien légal. De manière générale, le Maïdan a eu pour effet de relever significativement l’engagement citoyen sur fond de manque de confiance en l’État. Sur ce plan, on peut noter un changement par rapport aux décennies précédentes. Face à la désaffection de l’État social, les années 1990 étaient davantage marquées par des stratégies individuelles de débrouille dépolitisée, se limitant aux cercles étroits de la sphère privée, tandis que l’époque post-Maïdan est marquée par la constitution d’un vaste réseau d’initiatives citoyennes de solidarité à l’échelle de la société entière.
D’importantes initiatives de solidarité surgissent également en soutien aux combattants et aux anciens combattants dans le Donbass. Au moment de l’éclatement du conflit, l’armée ukrainienne est très appauvrie, mal équipée et sous-entraînée. En avril 2014, seuls 4 % des soldats possèdent des équipements basiques de protection, tels que casques et gilets pare-balles. Pour pallier la situation, plus de trente bataillons de volontaires sont formés pour fournir uniformes, équipements et moyens de subsistance aux combattantEs. Ces pratiques de solidarité se sont étendues aujourd’hui : si l’aide occidentale se traduit surtout en armes lourdes, l’armée et les unités de défense territoriale continuent à dépendre d’une mobilisation massive des citoyenNEs pour l’achat du matériel de protection élémentaire, de médicaments, de drones, de voitures, etc.
Le problème de l’extrême droite
La question des bataillons de volontaires nous amène à la question de l’extrême droite au sein de l’armée ukrainienne, le bataillon « Azov » ayant concentré une attention médiatique disproportionnée aussi bien dans les médias russes que dans la littérature anti-impérialiste occidentale. L’invasion de l’Ukraine le 24 février a été présentée par Poutine comme une campagne de dénazification, dans le sillage des thèses sur le « coup d’État fasciste » promues dès 2014 pour discréditer le soulèvement populaire contre Ianoukovytch, sous prétexte de la présence des groupes d’extrême droite dans les manifestations.
Une partie de la gauche internationale a malheureusement repris de manière non critique la rhétorique propagandiste du régime poutinien. Par conséquent, quand on cherche à faire appel à la solidarité internationale avec la résistance ukrainienne, il est très tentant de tordre le bâton dans l’autre sens, en allant jusqu’à nier l’existence de l’extrême droite en Ukraine, ou en tout cas à minimiser l’extension de ses réseaux au sein de la société et des institutions. Une telle stratégie de contre-propagande, adoptée par les forces national-libérales, ne devrait pas être la nôtre. Il s’agit d’avoir une vision réaliste de toutes les composantes de la résistance armée, sans pour autant conditionner notre soutien à la résistance du peuple ukrainien à la prédominance d’une pure ligne de classe en son sein. La montée de l’extrême droite constitue aujourd’hui notre grand danger commun, en Ukraine comme ailleurs, et la gauche française est sûrement la mieux placée pour le savoir. Pour une gauche internationaliste luttant pour des transformations sociales majeures à l’échelle planétaire, l’enjeu n’est pas d’abandonner les UkrainienNEs sous prétexte qu’il y aurait une poignée de néonazis dans les rangs de l’armée, mais de réfléchir à la manière dont la solidarité avec le mouvement anti-impérialiste populaire, et notamment avec sa frange anticapitaliste, syndicaliste, féministe et antiraciste, peut aider à marginaliser l’extrême droite et à préparer le terrain pour la reprise des luttes sociales sur des bases progressistes.
Pour cela, il faut d’abord comprendre en quoi réside la spécificité de l’extrême droite en Ukraine. Au sein du Maïdan, les groupuscules néonazis constituaient une minorité, mais la minorité la mieux organisée et la mieux préparée à la confrontation violente avec les forces de l’ordre, ce qui leur a conféré une grande visibilité au sein du mouvement. Contrairement à la France, l’extrême droite institutionnelle n’a plus enregistré de succès électoraux depuis 2012 : le parti Svoboda est tombé d’un score de 12 % aux élections législatives de 2012 à 4 % en 2014, puis à 2 % en 2019. Ceci s’explique en partie par le fait que, dans le contexte post-Maïdan, tout le champ politique s’est considérablement déplacé à droite et que la rhétorique patriotique-nationaliste propre aux partis d’extrême droite s’est banalisée face à la menace russe. Mais cette dynamique électorale révèle aussi l’absence d’hégémonie de l’extrême droite dans l’Ukraine contemporaine, son idéologie rentrant très ouvertement en contradiction avec les orientations pro-européennes de la frange majoritaire du camp du Maïdan et avec les préoccupations profondes pour la justice politique, économique, sociale de la majorité de la population. Le danger que représentent ses diverses organisations réside plutôt dans leur orientation vers la violence de rue et l’extension de leurs réseaux dans les institutions répressives.
Pour ne donner que quelques exemples, Azov n’est pas seulement le nom d’un bataillon, c’est aussi le nom d’un réseau de structures de toutes sortes : en 2016, il forme le Parti du Corps national, gère sa propre organisation d’anciens combattants, possède ses sections sportives, ses colonies de vacances et son organisation paramilitaire « Milices nationales ». L’organisation S14 a aussi formé un groupe paramilitaire, « Garde municipale », officiellement financé par la mairie de Kiev qui lui délègue au cours de la crise du Covid certaines fonctions de surveillance et de maintien de l’ordre en appui à la police municipale.
Selon les rapports du groupe de recherche Marker Monitoring Group, les premières victimes de la violence d’extrême droite sont les militantEs féministes et LGBTQI+, ainsi que les militantEs d’extrême gauche. Les organisations comme S14, Corps National, Secteur de droite, attaquent systématiquement les manifestations du 8 mars, les Marches des Fiertés, les conférences et expositions sur des sujets marqués à gauche, visant également la communauté Rom, la communauté juive et les mémoriaux de l’Holocauste, les personnes sans-domicile, les opposantEs politiques et les journalistes jugéEs insuffisamment patriotiques, tout cela dans l’indifférence relative des forces de l’ordre.
La participation active des nationalistes radicaux dans la résistance armée contre l’invasion russe contribue à la légitimation de leurs organisations. En même temps, au sein même des formations armées réputées néonazies, seule une minorité adhère effectivement à l’idéologie de son noyau. Comme le montrent les recherches de Coline Maestracci, qui a mené des dizaines d’entretiens avec les combattants d’Azov, les personnes qui cherchaient à s’engager à partir de 2014 étaient surtout attirées par l’efficacité de ce bataillon dans la lutte contre l’agression russe.
La gauche ukrainienne face à la guerre
Compte tenu de la complexité des enjeux, il n’est pas étonnant que la gauche ukrainienne se soit trouvée elle-même très divisée face aux évènements qui se sont enchaînés de novembre 2013 au printemps 2014, et au-delà. Mais il faut d’abord déterminer de quelles organisations on parle, car certains partis se réclamant de cette famille politique ont depuis longtemps perdu le lien avec tout agenda émancipateur.
C’est le cas du Parti Communiste d’Ukraine, le successeur du PC soviétique, qui occupe une position de force jusqu’aux début des années 2000. En 1998, il obtient 25 % des votes aux élections législatives, et en 1999 son candidat Petro Symonenko fait face à Leonid Koutchma au second tour des élections présidentielles. Depuis la proclamation de l’indépendance de l’Ukraine, ce parti n’a cependant jamais été un parti anticapitaliste et progressiste. Tout au plus jouait-il sur la nostalgie de l’URSS en promouvant un conservatisme social qui, dans les années 1990, faisait consensus parmi les élites politiques pour tenter d’atténuer les effets sociaux des privatisations sauvages. Au fond, le PC représentait un parti d’opposition commode permettant de canaliser le mécontentement social sans représenter de vraie menace pour le pouvoir oligarchique en place. La direction du parti intègre de fait la classe dominante en participant à ses schèmes de corruption et en se constituant des fortunes confortables. Pour les raisons déjà évoquées2, la polarisation politique autour de l’axe pro-russe vs l’axe pro-ukrainien/pro-européen contribue à la marginalisation du PC. Sous Ianoukovytch, il forme une coalition avec le parti au pouvoir, en votant notamment les lois répressives de janvier 2014. Pendant le Maïdan, avec d’autres partis et organisations pro-russes, il participe à l’organisation de contre-manifestations à Kiev et dans d’autres villes de l’Ukraine de l’Est et du Sud. Les dirigeants communistes locaux approuvent l’usage de la force par la police anti-émeute pour disperser les manifestations, reprenant le discours propagandiste russe sur le « coup d’État fasciste » et rejetant les « valeurs européennes » à coups de slogans homophobes et racistes. Selon Denys Gorbach, le PC ukrainien serait ainsi idéologiquement plus proche des partis populistes de droite comme le Rassemblement National que des partis de gauche progressistes, mêlant protectionnisme économique et discours sur la supériorité des Slaves, sur une ligne anti-LGBTQI+ et pro-Église orthodoxe. Les mêmes conclusions peuvent être faites à propos du Parti socialiste d’Ukraine et du Parti progressiste socialiste d’Ukraine. Dans ce contexte, on comprend aisément pourquoi les UkrainienNEs se déclarent aujourd’hui volontiers « anti-communistes » : non pas parce que les classes populaires auraient définitivement renoncé à l’idéal de justice sociale, mais parce que le communisme est principalement associé au nationalisme pro-russe, à l’État policier, au conservatisme social et à l’adoration de Staline. Après la chute de Ianoukovytch, les symboles et la rhétorique du PC tombent sous le coup des lois de décommunisation adoptées en mai 2015, mais le parti continue à présenter ses membres aux élections locales. Il est définitivement interdit suite à l’invasion de l’Ukraine, avec d’autres partis « pro-russes ».
La « nouvelle gauche » indépendante des partis institutionnels s’est trouvée quant à elle profondément divisée, d’abord sur l’analyse du Maïdan, ensuite sur la guerre dans le Donbass. D’une part, le parti staliniste Borotba (« Lutte »), qui n’a vu dans le Maïdan qu’une révolte de la petite bourgeoisie national-libérale, finit par se ranger du côté des anti-Maïdan dans les villes de l’Est et du Sud. Plusieurs militantEs de ce parti ont péri dans l’incendie tragique de la maison des syndicats à Odessa en mai 2014. Aujourd’hui, une partie de ces militantEs habitent toujours à Donetsk. CertainEs ont connu des arrestations par les pouvoirs séparatistes, d’autres sont devenuEs ouvertement pro-Poutine ou ont pris le chemin de l’exil vers la Russie.
D’autre part, certains nationalistes de gauche ont au contraire rejoint dès 2014 les bataillons de volontaires pour combattre les forces séparatistes, comme les militantEs de la « Résistance autonome » (Avtonomny Opir). Mouvement national-socialiste à l’origine, « Résistance autonome » opère un virage à gauche à partir de 2013, en rompant avec les organisations d’extrême droite et en plaçant la lutte de classe au centre de son analyse politique, mais elle garde sa spécificité ouest-ukrainienne avec une forte dimension nationaliste. Elle développe une idéologie et une activité éclectiques, combinant la glorification de l’organisation des nationalistes ukrainiens de Bandera et la participation aux marches de la torche, avec l’organisation des marches à la mémoire de Nestor Makhno et la participation aux manifestations syndicales, dont celle du 1er Mai.
La gauche radicale progressiste ayant pour ambition de réunir différentes initiatives socialistes, féministes, syndicalistes, écologistes et antiracistes, est représentée par l’organisation « Mouvement Social » (Sotsialnyi Rukh) lancée en 2015 par l’organisation trotskyste « Opposition de gauche », elle-même issue de l’« Organisation des Marxistes » où elle côtoyait Borotba jusqu’en 2011. « Mouvement Social » fait partie de cette gauche radicale qui, à l’époque, avait apporté un soutien critique au Maïdan, identifiant chez les classes populaires ayant pris part aux manifestations un désir de justice, au sens de respect de la loi par les classes dominantes, mais aussi au sens de justice sociale. Ses militantEs ont participé aux manifestations et ont été impliquéEs dans de multiples initiatives citoyennes. La fédération anarcho-syndicaliste « Union autonome des travailleurs » et le syndicat étudiant « Action directe » ont également pris part aux évènements du Maïdan, organisant des actions de leur propre chef, comme l’occupation du ministère de l’Éducation.
Les positions de cette gauche sur la guerre ont cependant été marquées par une certaine hésitation. D’un côté, tout en accentuant la responsabilité de la Russie dans le déclenchement de la lutte armée, elle a exprimé son opposition aux franges les plus va-t-en-guerre de la société ukrainienne et à son projet nationaliste exclusif, espérant qu’une solution diplomatique puisse être trouvée pour la réintégration pacifique et inclusive du Donbass et de la Crimée sur la base d’un dialogue avec les populations locales d’une part, et des conditions qui permettraient à l’Ukraine dans son ensemble de garder son indépendance vis-à-vis de la Russie de l’autre.
D’un autre côté, la gauche radicale s’est également gardée de défendre le « défaitisme révolutionnaire » et de critiquer de manière ferme l’opération anti-terroriste contre les républiques dites populaires de Donetsk et Lougansk, devenues entretemps des territoires de non-droit sous la dépendance totale de la Russie. Les activités du « Mouvement Social » se sont principalement concentrées pendant ces années sur la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale, contre les réformes néolibérales et les privatisations, contre les attaques des droits des travailleurs/ses, pour l’avancement des droits des personnes LGBTQI+ et l’agenda écologiste. L’organisation, qui a des contacts privilégiés avec les syndicats indépendants, est souvent venue en appui aux mouvements de grève des travailleurs/ses de la santé, des transports et de l’industrie minière.
L’invasion de l’Ukraine marque un nouveau tournant qui enterre tout projet de négociations de paix dans le format des accords de Minsk. Il est clair désormais que Poutine ne reculera pas dans sa volonté de soumettre l’Ukraine, à moins de subir une défaite sur le terrain militaire. À partir de février 2022, les organisations de la gauche radicale s’engagent résolument dans la résistance à l’occupation, se joignant à l’élan populaire général pour défendre le droit de la société ukrainienne à l’existence et à l’autodétermination.