« Il y a beaucoup de ruines dans une nation », a déclaré Adam Smith en 1777, minimisant ainsi la capacité d’un gouvernement médiocre à provoquer la ruine nationale. Mais une exception à la règle du grand économiste se produit en temps de guerre…
Les dirigeants politiques qui ont vu leurs projets échouer ou s’avérer inefficaces dans leur pays prennent soudainement des décisions de vie ou de mort pour des milliers de personnes. Ils ont tendance à se délecter de cette nouvelle autorité, même s’ils sont incapables de l’exercer avec compétence.
Croire en sa propre propagande
Vladimir Poutine est un bon exemple de dirigeant dont la croyance en sa propre propagande l’a induit à lancer une invasion de l’Ukraine qui ne pourrait réussir que dans le cas improbable où il n’y aurait pas de résistance ukrainienne. Mû par l’arrogance et la mésinformation, Poutine ne s’est jamais adapté à cette réalité si différente de ses attentes. En lieu et place, il a essayé de mener une guerre conventionnelle en Europe avec des forces russes inadéquates, toujours à leur niveau de mobilisation du temps de paix parce qu’elles sont censées être engagées uniquement dans son «opération militaire spéciale ».
Pourtant, le faux optimisme de Poutine quant à ses chances de victoire militaire ne peut être attribué uniquement à son isolement au Kremlin ou aux traditions sanguinaires de l’histoire russe. C’est une caractéristique commune à la plupart des conflits militaires dont j’ai rendu compte – de l’invasion israélienne du Liban en 1982 à l’intervention de l’Otan en Libye en 2011.
« Mission accomplie » ?
La plupart de ces guerres se sont terminées de manière plus ou moins désastreuse pour ceux qui les ont déclenchées, car ils n’ont pas compris que les conflits militaires comportent tellement de parties mouvantes, visibles et invisibles, qu’il est impossible de prévoir leur durée et leur issue.
Le président George W. Bush a été cloué au pilori pour s’être affiché sous une bannière indiquant « Mission accomplie » après l’invasion de l’Irak en 2003, mais ce sentiment de réussite prématurée est commun à la plupart des guerres. Il en sera probablement de même en Ukraine, car de nombreux pays aux intérêts divergents sont désormais impliqués.
Mais il y a une autre inconnue qui rend la guerre en Ukraine encore plus dangereuse. Les décideurs dans les guerres ont vraiment de l’importance, mais la qualité du leadership au Kremlin, à la Maison Blanche et à Downing Street est à un niveau historiquement bas, dans les trois cas.
Un expert de l’histoire russe me dit que la qualité des dirigeants du Kremlin n’a jamais été aussi faible depuis le milieu du 19e siècle. Le gouvernement britannique a été ballotté de scandale en scandale et d’échec en échec dans son pays et il est peu probable qu’il fasse mieux à l’étranger. Le président Joe Biden semble croire que c’est l’occasion de remporter une victoire éclatante sur la Russie, mais ses buts de guerre restent flous.
De simples tentatives d’intimidation ?
Le gonflement de la confiance en soi des puissances de l’Otan les a amenées à rejeter cavalièrement comme farfelu le risque que la Russie utilise des armes nucléaires tactiques ou stratégiques. Les essais de missiles russes qui ont fait l’objet d’une grande publicité sont réduits à de simples gesticulations menaçantes, bien que la dernière fois que Poutine a tenu des propos belliqueux – en menaçant d’envahir l’Ukraine – c’est exactement ce qu’il a fait, aussi stupide et irrationnelle qu’ait été cette invasion.
La faible qualité des principaux dirigeants en dehors de l’Ukraine est significative car la guerre pourrait bientôt entrer dans une troisième phase plus violente. Parce que Poutine a prétendu – et probablement cru au départ – qu’il ne mènerait pas une véritable guerre, il n’a jamais procédé à une mobilisation générale. Le manque d’infanterie a été la faiblesse constante de l’effort de guerre russe pendant la première phase du conflit.
Il en va de même pour la deuxième phase de la guerre, qui se déroule dans le Donbass. Mais si celle-ci échoue également et que l’Ukraine lance une contre-offensive, Poutine pourrait n’avoir d’autre volonté que de déclarer une mobilisation générale plutôt que d’affronter une défaite qui signerait probablement la fin de son régime.
Article publié sur le site iNews, traduction rédaction A l’Encontre.