À l’ouverture du congrès qui enterre aujourd’hui la Ligue communiste révolutionnaire pour faire naître le NPA (Nouveau Parti anticapitaliste), Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, explique les objectifs de sa nouvelle formation.
Qu’attendez-vous de l’intervention télévisée, ce soir, de Nicolas Sarkozy ?
Nicolas Sarkozy défend les intérêts de sa classe. Ses plans de relance concernent 7 % de privilégiés alors qu’il a été élu par 53 % de la population. Ses mesures injustes accélèrent trente ans de politique libérale, pourtant à l’origine de la crise économique ! Mais le piège serait de se focaliser sur le style Sarkozy. C’est le pouvoir politique tout entier qui se durcit. Depuis plusieurs mois, il criminalise le mouvement social, réprime à tour de bras. Ce qui inquiète le gouvernement, c’est que la crise économique du capitalisme ne se traduit pas par un abattement généralisé. D’où sa volte-face sur la réforme des lycées, par peur du syndrome grec, de l’embrasement de la jeunesse. Il y a un climat de mobilisation sociale et le mouvement 29 janvier, extrêmement massif, appelle à des suites.
Vous allez enterrer aujourd’hui la LCR. A quoi servira le NPA ?
On propose de faire un pôle anticapitaliste par le bas. La gauche radicale, depuis plus de dix-sept ans, a cherché à se fédérer par en haut pour faire un cartel unitaire d’organisations existantes, comme l’hypothétique candidature unitaire à la présidentielle après le référendum de 2005. A chaque tentative, l’histoire des uns et des autres a parasité la dynamique de rassemblement. On a conscience de ne pas être le nouvel horizon politique indépassable et, pour nous, un outil politique n’est pas une fin en soi. On veut d’abord offrir une nouvelle représentation politique à ceux qui appartiennent à la nouvelle génération militante, qui n’avait pas de parti jusqu’à présent et qui en veut un.
A quoi ressemble la société rêvée du NPA ?
Ce serait un modèle où la majorité déciderait de contrôler et de s’approprier les richesses. On ne parle pas seulement de mieux les répartir, on pose la question de la propriété. Aujourd’hui, le fruit du travail de tous est accaparé par une minorité, on veut faire en sorte qu’il revienne à tous. Le capitalisme a été capable de distiller dans les esprits ce venin qui consiste à mettre sur un pied d’égalité la propriété privée à usage personnel - la voiture, la maison - et la propriété des grands moyens de production. Le vol, pour nous, c’est de voir les richesses produites par le travail de tous accaparées par les multinationales et les grands trusts. On veut confronter notre réflexion à la lumière d’expériences pratiques, notamment en Amérique latine avec le Venezuela, Cuba, la Bolivie ou le zapatisme au Mexique. La société idéale n’existe pas. On assume une part d’utopie comme un renvoi d’ascenseur à la gauche qui ne nous fait plus rêver.
Ségolène Royal a dit vouloir réconcilier la gauche de gouvernement, le mouvement social et l’extrême gauche. Vous êtes partant ?
Pour se réconcilier dans les luttes et dans les mobilisations sociales, il n’y a pas de problème. S’y retrouver avec le PS serait déjà pas mal ! Mais sur des propositions alternatives, non. Entre un programme qui propose de rompre avec l’économie de marché et un autre qui s’inscrit dans son cadre, il y a des divergences politiques importantes. Tout ce que nous préconisons - comme l’instauration d’un seul et même service public bancaire ou la levée immédiate du secret bancaire, commercial et industriel - est contradictoire avec l’économie de marché, à laquelle la déclaration de principe du PS s’est ralliée.
Le PS a défilé le 29 janvier. Vous fait-il de l’ombre ?
Je trouve positif que les socialistes soient dans la rue, c’est leur place. Il n’y a pas de place pour les querelles de chapelle et le sectarisme quand il y a des mobilisations sociales d’ampleur.
Vous prônez l’unité des luttes mais vous traînez des pieds sur la proposition de Jean-Luc Mélenchon de créer un front de gauche aux européennes…
Qui peut imaginer que le débouché immédiat du 29 janvier soit les élections européennes ? Ce serait hallucinant. Pour les élections, nous proposons de fédérer les forces anticapitalistes qui sont prêtes à assumer leur indépendance totale vis-à-vis de la direction du PS. Vouloir faire un bon coup électoral, s’il s’agit ensuite pour certains de retourner dans le giron du PS aux élections suivantes, n’aurait pas de sens.
Mélenchon a tout de même quitté le PS…
Tant mieux. Cela prouve que ce parti n’est pas réformable et cela tire le paysage politique vers la gauche.
Misez-vous, lors des européennes, sur un vote sanction porté par le mouvement social ?
Cette élection arrive alors que le capitalisme est en crise. Et on ne boude pas les échéances électorales. Mais faire un score à deux chiffres ne définit pas une orientation. Et dire qu’on va écraser le PS aux prochaines élections n’est pas un objectif en soi. La question est : qu’est-ce qui peut naître à gauche pour donner un débouché politique durable aux résistances sociales ? Un front anticapitaliste, lui, n’ira pas mourir dans une nouvelle version de la gauche plurielle.
Avez-vous peur du pouvoir ?
Pour nous, la question stratégique, c’est prendre le pouvoir sans se faire prendre par le pouvoir. Car, dans le cadre actuel, c’est le pouvoir économique qui tire les ficelles. Tous ceux qui à gauche ont mis les mains dans le cambouis des institutions actuelles ont fini par faire des politiques de droite.
A force de refuser toute alliance, ne risquez-vous pas de faire gagner la droite ?
Agiter le vieux chiffon rouge de la division de la gauche, c’est un peu éculé. Nous ne sommes les marionnettes de personne. Dans les faits, ceux qui à gauche font le jeu de la droite sont ceux qui trouvent toujours des excuses pour ne pas aller au carton face à la politique de Sarkozy.
Dans les cités, l’anticapitalisme, c’est vendeur ?
Anticapitaliste, ça peut se traduire par «niquer le système». Pour les jeunes des quartiers, l’idée que celui-ci est à bout de souffle, qu’il amène ces discriminations sociales et raciales, peut être un moteur pour entrer au NPA.
Recueilli par MATTHIEU ÉCOIFFIER et PASCAL VIROT