C’est l’histoire d’un crash. Celui d’un parti (alors dénommé LCR) qui au sortir de 2007 se rêvait, avec 4,08%, en Nouveau parti anticapitaliste (NPA), grande force à gauche du PS. Mais près de trois ans après sa fondation, le NPA file droit se fracasser sur la présidentielle.
Samedi à l’université de Nanterre (Hauts-de-Seine), la formation d’extrême gauche a choisi son candidat à la présidentielle : Philippe Poutou, 44 ans, ouvrier et syndicaliste chez les Ford de Blanquefort (Gironde). 53% de «pour» : ultime signe d’un parti divisé, au bord de l’implosion. Le refus début mai d’Olivier Besancenot de rempiler a provoqué une cassure lourde entre lui et ses proches : «Nous ne sommes pas au bord de la scission mais il y a une fracture», dit, amer, Frédéric Borras, membre de la direction.
C’est l’histoire de camarades déchirés. Assis tout le week-end d’un bout à l’autre de l’amphi D1, celui où Besancenot a eu sa licence d’histoire. A droite, une partie de l’ancienne majorité, dont Besancenot et l’une des porte-parole Christine Poupin, alliés à la frange la plus révolutionnaire. Leur ligne : refus de discuter avec des partenaires comme le Front de gauche. Pour «ne pas semer d’illusions», justifie Besancenot. A gauche, les derniers unitaires ont pactisé avec ceux qui tenaient la barre du parti, aujourd’hui minoritaires, comme Pierre-François Grond : «On ne peut pas passer de 9 300 à 3 000 votants en disant que tout va bien ! Un petit parti en crise ne peut pas être une réponse à lui seul.» La crise ? «Un passage obligé» pour Besancenot.
Quant à Poutou, il reste en retrait. Gêné. Les féministes hurlent au scandale d’avoir choisi un homme alors que deux femmes porte-parole ont été nommées en avril. Candidate potentielle mais victime du «tout sauf», l’une d’elles, Myriam Martin, sort de l’amphi en retenant ses larmes après son intervention. Jusqu’ici muet, protégé sur la même rangée par ses proches et Besancenot, Poutou s’adresse enfin aux siens en fin de journée. Deux minutes d’intervention hésitantes : «Ce qui compte, c’est ce qu’on fera collectivement. Pour un salarié, l’avantage c’est qu’on pourra parler de nos conditions de vie mieux que tous les candidats.» Au fond de l’amphi, un militant : «Ils l’envoient au massacre. Ils vont le bousiller.» Après le vote, les caméras s’approchent de Poutou. Hésitations. Ses proches disent qu’il ne s’exprimera pas. Besancenot ne fait rien, s’en va puis revient : «C’est à toi.» Poutou s’avance. Parle. Besancenot sort du cadre, sourit : «Ça y est, sa vie a basculé.» Derrière lui, des militantes ont arrêté de chanter l’Internationale. Elles se sont arrêtées sur «la lutte finale».
Lilian Alemagna