Publié par Libération mercredi 18 janvier
Devant 500 personnes réunies mardi soir à Paris, Olivier Besancenot et Philippe Poutou ont appelé les Français à descendre massivement dans la rue pour se battre contre la réforme des retraites.
Par Marceau Taburet
Sur un bout de trottoir, Adrien hésite. Il ne connaît personne, n’a jamais mis les pieds dans une réunion politique, mais les annonces du gouvernement le «mettent en colère». Alors l’étudiant de 24 ans se décide à entrer. Il le fait pour sa mère, «qui porte des vieux toute la journée». On comprend qu’elle est aide-soignante et que l’horizon de la retraite à 64 ans ressemble, pour elle, à «un supplice». Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) a réuni les siens mardi soir à la Bellevilloise. Un meeting prévu de longue date qui, hasard du calendrier, tombe deux jours avant la première grande mobilisation contre la réforme des retraites.
«L’heure est grave»
Sur scène, les orateurs s’enchaînent. Olivier Besancenot, porte-parole du parti d’extrême gauche, électrise la foule. «La bataille que nous nous apprêtons à mener n’est pas seulement nécessaire, mais décisive, expose-t-il en insistant sur chaque syllabe. La contre-réforme du gouvernement doit retourner à l’endroit qu’elle n’aurait jamais dû quitter : la poubelle.» Pour lui, c’est «le retrait» ou rien. Sans note, fidèle à lui-même, l’ancien facteur sort des punchlines à la pelle. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt ? «C’est pas des mots qui sortent de sa bouche, c’est des codes wi-fi. On dirait un algorithme.» Il a le sourire. Ces jours-ci, Besancenot passe beaucoup de temps sur les plateaux télé. Son habileté oratoire et son goût pour la bonne formule font mouche. On sent qu’il aime ça. «Les libéraux ne regardent pas vers l’avenir, mais dans le rétro, assène-t-il. La retraite à 65 ans, c’est pas très original, ça date de 1910. Il y a plus d’un siècle !»
L’invitée de la soirée s’appelle Rachel Keke. La députée LFI du Val-de-Marne, qui ne joue pourtant pas à domicile, est comme un poisson de l’eau. Au micro, elle commence par expliquer «connaître l’importance de la grève». Et pour cause : elle a été l’un des visages de la lutte à l’hôtel Ibis des Batignolles qui, après vingt-deux mois, s’est soldée par une victoire. Keke, qui se revendique «avant tout femme de terrain», adopte un ton solennel. «L’heure est grave. On ne peut pas laisser le gouvernement nous mépriser à ce point. La lutte paye, la lutte paye, répète-t-elle. Alors descendez dans la rue.» Fabien Villedieu, cheminot SUD rail, est sur la même ligne. Il grimpe sur scène. Et appelle à un «raz-de-marée» dans la rue : «Notre beau système de retraite, le meilleur au monde, mérite qu’on mouille sa chemise.»
«Ça fait du bien de les voir aussi remontés»
Dans la salle, pleine à craquer, les organisateurs courent chercher de nouvelles chaises. 500 personnes sont annoncées. Une belle performance, alors qu’au même moment, les membres de la Nupes – dont ne fait pas partie le NPA – s’affichent bras dessus bras dessous dans une autre salle parisienne. Un jeune couple, venu par sympathie pour Philippe Poutou, se délecte. «C’est mieux qu’une série Netflix», rigole Julien. Assise à côté, sa compagne acquiesce : «Ça fait du bien de les voir aussi remontés, on a besoin d’énergie en ce moment.»
Il est 21h30. La fin du meeting approche. Philippe Poutou prend la parole. Les mains dans les poches, l’ex-candidat à l’élection présidentielle se dit «obsédé» par ce qui va se passer jeudi. Car, croit-il, «le niveau de mobilisation déterminera la suite». S’il balaye toute accusation en «défaitisme», Poutou révèle avoir «peur» que la mobilisation contre les retraites ne soit «pas à la hauteur», que les gens ne soient «pas au rendez-vous». Il pose beaucoup de questions. Du genre : «Pourquoi on n’est pas assez forts ?» En fait, il voit plus loin. «Nous devons nous battre contre les possédants et mener la guerre des classes.» Le refrain n’est pas nouveau. Finalement, Adrien, l’étudiant de 24 ans, ne regrette pas. Il sort de la salle «reboosté». Il a envoyé des textos à sa mère toute la soirée et promet de revenir «la prochaine fois».