Publié le Dimanche 13 décembre 2009 à 14h46.

Avant les régionales, le NPA en plein débat sur son identité électorale (Libération du 12/12)

Alors que la question des alliances divise la formation anticapitaliste, certains militants commencent à se démobiliser. Une «motion de rassemblement» doit être discutée dimanche en conseil politique national.

A l’approche des élections régionales, le Nouveau Parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot s’embourbe. Après l’échec d’une alliance nationale avec les autres partis de la gauche radicale, le NPA, tiraillé entre trois tendances à sa base, s’apprête à un nouveau solo électoral dans la plupart des régions en mars. Le deuxième après celui des européennes de juin (4,9% et aucun élu). Dix mois seulement après son congrès fondateur, la démobilisation guette déjà une partie des troupes anticapitalistes, découragée de constater, une fois de plus, les divisions de la gauche radicale. «On sent qu’il y a beaucoup de confusion parmi les militants en ce moment», observe un membre de la direction. «Nombre d’entre eux se disent : "Si c’est pour partir tout seul à chaque élection, à quoi ça sert ?"» poursuit un responsable de l’est de la France.

«Déception».

La semaine dernière, le vote des militants NPA a révélé un parti coupé en trois courants : ceux qui, à l’image de la majorité de la direction, défendent des listes d’union excluant toute participation aux exécutifs dans les régions (36,3% des voix lors du vote des militants) ; les partisans de listes NPA pur jus (28,5%) et l’autre minorité «unitaire» (31,5%), qui plaide pour une alliance avec les communistes et le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon. «On est victimes des questions laissées en suspens lors de la création du parti», analyse un responsable. De fait, le NPA se retrouve écartelé entre les réalistes, prêts aux compromis, et les plus révolutionnaires, allergiques à toute idée d’union. «On n’est plus dans la dynamique qu’on a connue avant le congrès de fondation», concède Pierre-François Grond, bras droit d’Olivier Besancenot. S’il comprend qu’il y ait «de la déception chez certains», il souligne cependant que «les discussions [avec le PCF] ont montré qu’il y a deux orientations politiques différentes à la gauche du PS». Or, une alliance avec des communistes gestionnaires est trop risquée en termes d’identité pour le parti. «Il faut faire gaffe à ne pas être mélangés à tout ce qui est de la politique politicienne», assure Alain Krivine, leader historique de la défunte LCR. «C’est un moment de crise, pas seulement sur les questions d’alliances mais aussi pour l’identité de notre organisation», lâche un autre responsable.

Tout l’enjeu est de réussir la transformation de la LCR, formation trotskiste orthodoxe, en un parti creuset de l’ensemble des sensibilités de la gauche radicale, le NPA. Le problème, comme le souligne un adhérent, «c’est qu’on est pas mal à être rentrés au NPA sur des positions contradictoires». Voire inconciliables. «L’urgence est de rassembler le NPA pour qu’il soit prêt à affronter la campagne des régionales sur des bases qui n’excluent personne», défend Sandra Demarcq, de la direction. Pour cela, une «motion de rassemblement» doit être discutée dimanche en conseil politique national (CPN). Mais, une fois de plus, sauf exception, une grande alliance à la gauche du PS ne se fera pas. De quoi désespérer les militants les plus «unitaires».«On ne s’est pas engagés dans ce parti pour aller tout seuls aux élections et faire 2% !» se décourage Leila Chaibi, autre membre de la direction. «Le NPA était un moyen de passer à la politique crédible», ajoute un camarade qui se désole des «guérillas de chapelle» entre communistes et anticapitalistes. «Le NPA ne veut pas bouger, le PCF non plus», déplore Chaibi qui voit dans cette nouvelle division électorale«un aveu d’échec de la gauche radicale».

«Ruptures».

Après la déception des européennes, des départs ont eu lieu. La formation revendique désormais près de 8 000 adhérents, 1 000 de moins que lors de son congrès fondateur de février. «Logique pour un parti en construction», relativise Alain Krivine. Arrivés enthousiastes en 2007 en provenance du mouvement social et associatif, beaucoup de ces militants risquent de partir sur la pointe des pieds. «C’est plus compliqué»,oppose Krivine. «Certains nouveaux sont aussi sur une ligne ouvriériste, plus dure», explique Yann Cochin, chef de file des plus unitaires au sein de la direction. Pour Edouard, responsable au CPN, «les départs seront des gens lassés qui ne voudront pas vivre une traversée du désert».

Pour l’instant, aucune scission n’est annoncée. Mais certains au NPA revendiquent un «droit à l’expérimentation» pour faire campagne avec le Front de gauche. «Il n’y aura pas de démobilisation si on ouvre la possibilité de mener la campagne que l’on souhaite», juge Cochin, de la direction. «Ce droit à l’expérimentation, je ne sais même pas ce que c’est ! lui répond Grond, proche de Besancenot. On va voir qui ça représente au CPN, mais ce sera très très peu de monde.»«Si on nous ferme la porte, il y aura des ruptures», prévient Cochin. «Nous sommes pour qu’il puisse y avoir des expériences différentes selon les régions», explique pour sa part Léonce Aguirre, membre du CPN. Mais, selon lui,«ce que propose Cochin, c’est autre chose» : il s’agirait ni plus ni moins d’accepter que des militants NPA «unitaires» puissent faire campagne pour le Front de gauche alors même que des listes autonomes NPA se présenteraient en face.

Dans une période pauvre en mouvements sociaux, les temps sont durs pour les anticapitalistes.

Par LILIAN ALEMAGNA.