Publié le Jeudi 21 janvier 2010 à 00h01.

"Avec les régionales, Besancenot veut revenir sur le devant de la scène" (par Stéphane Alliès, mediapart.fr)

  • Le NPA décide de relever le gant. Après six mois de déprime sociale et électorale, du reflux des luttes à la remise en cause de la direction par un vote militant, en passant par le faible score des européennes – derrière le Front de gauche –, le parti d'Olivier Besancenot a choisi d'investir son porte-parole comme tête de liste aux régionales en Île-de-France.

    Dans un entretien au Parisien, l'ancien candidat à la présidentielle (4,25% en 2002 et 4% 2007) explique avoir décidé de «mouiller (sa) chemise», afin que «ceux qui ne sont pas représentés dans les discussions, qui ne votent pas ou peu, se sentent un peu mieux représentés cette fois-ci».

    Pour le n°2 du mouvement anticapitaliste, Pierre-François Grond, «on a pris la décision assez tardivement, car on est désormais convaincu que la campagne va être nationale. Avoir Olivier comme tête de liste, c'est évidemment une manière d'être plus audible».

    Sur le fond, assure-t-on au NPA, «l'enjeu va être de déplacer le débat pourri de l'identité nationale vers celui de la question des richesses», Olivier Besancenot évoquant déjà comme propositions phares «la gratuité des transports collectifs pour tous» et l'arrêt «des subventions au patronat et aux grandes entreprises capitalistes en utilisant l'argent public à des fins publiques».

    Sur la forme, Pierre-François Grond est convaincu qu'«un espace politique existe à nouveau». Et d'expliquer: «Après avoir plutôt réussi à affranchir le PS de la mainmise de la droite, Aubry est en train de replonger dans l'UMPS d'antan sur les retraites. Et comme le PCF verrouille finalement les listes du Front de gauche, pour parler de rupture tout en assumant un retour dans le giron du PS, on a beaucoup de réserves de voix à aller chercher chez les jeunes et les classes populaires. Le contexte n'est plus le même qu'aux européennes, où le Front de gauche avait très bien su jouer sur la fibre de la nostalgie “noniste”, alors que nous, en gros, on s'adressait à ceux qui ne sont pas allés voter.»

  • Le coup de gueule de Clémentine Autain

    En s'investissant sur l'Île-de-France, Olivier Besancenot a donc fait le choix de renouer avec la personnalisation du NPA autour de sa personne, malgré ses réticences récurrentes. «Oui mais en même temps il va labourer la région et n'ira faire des meetings que dans très peu d'endroits, où sont confirmées de nombreuses têtes de liste des européennes, justifie Pierre-François Grond. En agissant de la sorte, ça nous permet de fidéliser des porte-parole régionaux, comme Myriam Martin dans les Hautes-Pyrénées, Christine Poupin en Haute-Normandie, ou Pascale Montel dans le Nord-Pas-de-Calais.»

    Tête de liste francilienne aux européennes, et tenant d'une ligne unitaire lors du dernier vote militant, Omar Slaouti se félicite de la décision d'Olivier Besancenot: «Il avait effectivement des réticences, mais on l'a collectivement convaincu du sens politique de sa présence, capable d'entretenir et de revigorer la dynamique de construction du NPA. Nous ne nous sommes pas du tout arraché la gueule pour mener la liste, contrairement à d'autres.» Directement visés, Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon, qui se sont disputé la tête de liste du Front de gauche, dont les accusations de «verrouillage» au profit du seul PCF et, dans une moindre mesure, du Parti de gauche, se font jour.

    Clémentine Autain, figure de la jeune génération de la gauche de gauche, a ainsi poussé un coup de gueule, dans Libération: «On reste dans une construction autour du PCF. Ils choisissent leurs partenaires, distribuent les places sur les listes et mettent des veto sans aucune forme d’arguments.»

    D'autre part, la situation n'est pas forcément rose pour le Front de gauche en Île-de-France, et les oukazes contre la frange rénovatrice du PCF ont entraîné le départ d'une partie d'entre eux vers Europe-Ecologie, déçus par la mise à l'écart de Patrick Braouezec, qui se voyait lui aussi dans le rôle idéal du candidat de rassemblement.

    Quant au Parti de gauche, il a connu une première scission pour cause de «centralisme bureaucratique» selon les mécontents, dans les Hauts-de-Seine et le Val-d'Oise (une cinquantaine de ses adhérents démissionnaires ont créé une nouvelle association, Gauche en mouvement). Enfin, le Mouvement citoyen des quartiers populaires (émanation politique du FSQP) a lui aussi rompu les discussions avec le Front de gauche. Avant de les reprendre avec le NPA.

  • Une primaire à la gauche de gauche, avant 2012 ?

    «Tout cela est révélateur d'un climat qu'on dénonçait dès le départ, soupire Omar Slaouti. Le PCF démontre que les places coûtent cher.» Leïla Chaibi a elle aussi expérimenté la «raideur» communiste. Démissionnaire de la direction du NPA, cette militante de l'association Jeudi Noir et du collectif L'appel et la pioche avait décidé, avec les militants de la tendance minoritaire Convergence & alternative, de s'adresser au Front de gauche. «Histoire de vérifier par nous-même si les conditions de l'union étaient réellement insurmontables», explique-t-elle.

    Elle en retient que «tout tourne autour du PCF, sans aucune concession. Déjà que c'était assez délicat de faire campagne pour une autre liste que celle de notre parti, si c'est pour faire la campagne du PCF…». Privée de deuxième position sur la liste parisienne, elle préféra jeter l'éponge. Désabusée, elle préfère «rester en dehors des régionales, sans même être sûre d'aller voter», mais reste «fidèle au NPA». Et se prépare à repartir au «combat pour le rassemblement», dès le lendemain des régionales, aux côtés de l'altermondialiste Raoul-Marc Jennar. «C'est vraiment déprimant, soupire-t-elle, surtout quand on voit la complémentarité entre Mélenchon et Besancenot.»

    Mais le NPA ne craint-il pas, en lançant Besancenot dans la course, de «griller» son atout présidentiel, ainsi que l'espèrent certains chez ses alliés potentiels. «Imaginez s'il finit une deuxième fois derrière nous, ça la ficherait mal quand même…», glissait ainsi Jean-Luc Mélenchon en marge du meeting du Front de gauche, le 10 janvier, pensant que le facteur de Neuilly se désisterait, refusant de «devenir la Arlette du XXIe siècle».

    «Ceux qui voient dans le scrutin de mars une primaire dans la gauche de gauche sont dans l'erreur», certifie Pierre-François Grond, avant de reconnaître: «Le fait que Laurent soit choisi plutôt que Mélenchon a un peu joué, à la marge. Mais si on repense aux régionales de 2004, on avait pris une belle veste alors qu'on faisait liste commune avec LO, et ça n'a pas empêché Olivier d'être l'une des figures du référendum européen, puis des luttes contre le CPE. Avant de finir en tête de la gauche de gauche à la présidentielle de 2007.»

    De son côté, Omar Slaouti préfère «se frotter à la droite que de rejouer la course poursuite malsaine, entretenue par L'Huma, pour savoir qui plumerait l'autre». Selon lui, «on sait très bien que Mélenchon a des ambitions présidentielles mais il faut continuer à travailler avec lui, car ce genre d'objectif n'a de toute façon d'intérêt que si on parvient à lever des luttes sociales d'ici là».

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