Dimanche, le NPA n'a obtenu aucun siège au Parlement européen. Mais Olivier Besancenot se réjouit de voir la gauche anticapitaliste faire un score de 12%, et appelle toute la gauche, y compris le PS, à "résister ensemble, sans sectarisme, face à la droite". Car si l'opposition n'obtient pas rapidement "une victoire sociale", c'est toute la gauche qui sera en mauvaise posture...
Réunis dans le Front de gauche, le Parti communiste, pourtant en perte de vitesse, et le tout jeune Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon ont fait un meilleur score que le NPA. Comment l'analysez-vous?
Il faut comparer notre score avec ce qui lui est comparable; aux dernières européennes, la LCR (d'où est en partie issu le NPA, ndlr) s'était présentée avec LO et ensemble elles avaient fait 2,5%. Le parti communiste faisait déjà à l'époque environ 6%, sans Mélenchon. Aujourd'hui, le NPA fait 5% à lui seul. On ne s'est jamais fixé comme objectif d'être devant le Front de gauche; ce n'est pas un échec d'être derrière. Mais cette élection confirme qu'il faut compter avec une gauche anticapitaliste en France. Il y a un espace pour cette gauche, un espace que le NPA occupe. Ce qui n'était pas gagné puisque c'était notre premier test électoral.
Pendant la campagne, plusieurs sondages donnaient pourtant le NPA devant. Que s'est-il passé: un problème de stratégie, d'électorat?
Les milieux auxquels le NPA s'adresse, et dans lesquels il agit, sont des milieux populaires, plutôt précaires et plutôt jeunes. Ce sont les plus susceptibles de s'abstenir. Et les plus politisés d'entre eux nous répètent que la dernière fois qu'on leur a demandé leur avis -pour le traité constitutionnel en 2005- tout le monde s'est assis sur le vote du peuple. Dès lors, cette élection ne nous était pas favorable. D'après les sondages, 73% de nos électeurs ne sont pas allés voter. Si tous les gens qui partageaient nos idées y étaient allés, on aurait probablement des élus, car dans trois circonscriptions ça s'est joué à quelques voix. C'est notre seule petite frustration.
Le contexte de cette élection était le même pour tous...
Non, tous les partis n'ont pas été touchés de la même façon par l'abstention. Les gens les plus touchés par la crise économique sont ceux qui s'impliquent le moins dans un scrutin électoral. Ceux qui se sont déplacés pour voter sont les gens qui vivent en centre-ville et qui appartiennent aux milieux sociaux les plus stables. Le NPA s'est battu pour convaincre les personnes des milieux populaires d'aller voter; il y est arrivé en partie, mais pas complètement.
L'extrême-gauche est à 12%; envisagez-vous une alliance avec le PC et Mélenchon pour peser dans le rapport de force?
J'ai entendu le Front de gauche dire qu'il voulait s'élargir à la fois vers le NPA et vers le Parti socialiste, dans le but de trouver une vocation majoritaire. Au NPA, nous tendons nous aussi la main au PC et aux partis de gauche, mais sur des bases clairement anticapitalistes et indépendamment de la direction du PS. Parce qu'il faut être cohérent: pour les élections régionales par exemple, il faut savoir si on veut participer avec les socialistes à des exécutifs régionaux qui distribuent -encore maintenant- des subventions publiques à des groupes qui font des bénéfices et qui licencient quand même. Pour nous, c'est non. Et ce sont sur ces bases anticapitalistes qu'il faut rassembler. Mais ce n'est pas ce que pense le Front de gauche. Nous n'avons pas d'ennemis dans ce camp; nous n'avons pas, pour notre part, mené de campagne agressive vis-à-vis d'eux. Tout ce qu'on peut faire ensemble, on le fait. Mais on n'esquive pas les sujets qui fâchent.
Au PS aussi, on regarde dans votre direction: Malek Boutih propose de faire des états généraux de la gauche, avec vous, pour constituer une coalition anti-Sarkozy, vous êtes d'accord?
Le PS pourrait peut-être commencer par accepter les propositions unitaires qu'on lui fait depuis des mois: aller ensemble dans les entreprises qui ferment, pour soutenir les salariés qui résistent aux licenciements -ceux de Goodyear par exemple. Plutôt que de jouer le énième épisode de telles ou telles assises, il faudrait commencer par le commencement: résister ensemble face à la droite. C'est précisément ce qu'on n'arrive pas à faire depuis des mois et c'est d'ailleurs la seule force de la droite. La gauche mérite mieux que l'éternel recommencement des vieilles moutures d'union de la gauche et de la gauche plurielle. On refuse le tout ou rien: il faut agir sans sectarisme face à la droite et assumer nos désaccords avec le PS et ses futurs alliés, qui inscrivent leur orientation politique dans le cadre de l'économie de marché.
Alors concrètement, vous proposez quoi au PS?
De constituer un arc de forces politiques et sociales qui soit capable de soutenir les mobilisations sociales pour pousser à l'unification des luttes, comme on a connu dans la mobilisation contre le CPE (Contrat première embauche) sous Villepin. Dans les semaines et les mois à venir, on a besoin d'une victoire sociale, parce que si on n'arrive pas à bloquer le gouvernement, le rapport de force va se dégrader. Et alors je ne vois pas qui, à gauche, pourra tirer ses marrons du feu.
Propos recueillis par Marie-Lys LUBRANO.