Philippe Poutou, élu candidat à la présidentielle par une petite majorité (53 %), pourra-t-il compter sur un parti très divisé pour mener la campagne collective qu’il appelle de ses vœux ?Élu candidat du NPA, Philippe Poutou (voir encadré) entame la campagne présidentielle avec un sérieux handicap en étant choisi par seulement 53 % des 230 délégués à la conférence nationale du parti, réunis ce week-end à Nanterre. Dans une ambiance à couteaux tirés, le scrutin serré (122 pour, 50 contre, 11 abstentions et 47 n’ayant pas pris part au vote) révèle la fracture politique dans laquelle est plongée la formation depuis qu’Olivier Besancenot a annoncé son retrait de la course à l’Élysée. Deux orientationsLa désaffection du facteur charismatique a ouvert la digue qui empêchait la libération de la parole au sein de ses plus proches camarades. « Olivier avait une légitimité en soi. Il rassemblait au-delà du NPA. C’était le seul candidat possible », regrette Pierre-François Grond. « Son retrait crée un vide et oblige à un débat stratégique », estime l’ex-bras droit de Besancenot. En réalité, deux principales orientations s’affrontent sur ce point depuis la création du NPA, en février 2009. L’une, défendue par 50,4 % des délégués, soutient une ligne « identitaire », refusant tout rapprochement électoral avec le Front de gauche ; l’autre (40,1 %) prône la poursuite des discussions avec le reste de la gauche hors PS, dont le Front de gauche. Le vote dans les congrès locaux a également confirmé la coupure en deux du NPA.« On s’est dit que l’on réglerait en marchant la sortie de notre culture d’extrême gauche. Or il fallait faire la révolution intellectuelle avant la création d’un parti », souligne Pierre-François Grond. « Il faut aujourd’hui sortir de l’autisme, une partie des problèmes du NPA vient du NPA lui-même », ajoute-t-il, le dos tourné à Olivier Besancenot, partisan de la ligne de fermeture. « Le NPA ne veut-il lier des alliances qu’avec LO ? C’est une plaisanterie de penser que l’on peut avoir un débouché politique avec un seul parti », dit-il sur le ton de la colère.Les langues se délient parmi les proches de Besancenot. Anne Leclerc, qui évoque la chute des effectifs et le « désarroi des adhérents », Myriam Martin, la porte-parole, candidate pressentie, à qui « on a barré la route » et, surtout, Frédéric Borras, qui affirme que « le projet du NPA est en panne. On fait l’autruche, on se recroqueville ». Le noyau dur de la direction s’est cassé. Politiquement, physiquement. Dans l’amphithéâtre de la faculté de Nanterre, Olivier Besancenot s’est placé parmi ses amis restés fidèles, dont Christine Poupin, la seconde porte-parole, ou encore Sandra Demarcq. Pierre-François Grond, Myriam Martin ou Frédéric Borras sont à l’autre extrémité.Minoritaires aujourd’hui, ces derniers vont désormais s’atteler à consolider leur courant. À la rentrée de septembre, ils organisent une réunion pour « mettre en pratique ce que l’on prône, précise Frédéric Borras. On ne s’interdit pas de prendre contact et de discuter avec les autres courants antilibéraux et anticapitalistes ». Une scission à long terme ?Très remonté, il poursuit : « Ce n’est pas le candidat du Front de gauche qui est notre adversaire, c’est la droite ! On peut être séparé à la présidentielle et se retrouver aux législatives. » Inquiet, Frédéric Borras commente : « Si la fracture politique ne se résorbe pas, elle pourrait entraîner une scission, à long terme. »Dans ce contexte, l’appel de Philippe Poutou à mener une campagne collective sera-t-il entendu ? Il sait qu’il peut compter sur Olivier Besancenot pour l’accompagner dans ses déplacements. Il sait que l’appareil se déploiera pour tenter de recueillir les 500 signatures indispensables à chaque prétendant à l’Élysée. Il sait aussi que cela va être « difficile » de succéder au facteur. Mais il entend y mettre « toute son ardeur », lui le « seul ouvrier » candidat, qui espère être « détaché le moins possible de l’usine » pendant la rude campagne.Un inconnu parmi les siensEx-militant de Lutte ouvrière, Philippe Poutou intègre la LCR en 2000. « C’est le côté humain qui fait que l’on se retrouve ici ou là », dit-il sans malice. Sept ans plus tard, il endosse l’habit de candidat aux législatives, en Gironde, et se présente, sous l’étiquette NPA, à deux autres scrutins, européen (2009) et régional (2010), où il obtient 2,52 % des voix. Philippe Poutou, au sourire charmeur, parle fièrement de son combat de syndicaliste CGT au sein de Ford Aquitaine Industries, qui a abouti à la pérennisation de 955 emplois. L’ouvrier, réparateur de machines-outils, est sans doute très connu dans son secteur professionnel, mais reste inconnu du grand public et dans son propre parti, où il n’exerce pas de responsabilités nationales. « Ils ne sont jamais venus nous chercher », dit-il pour expliquer son absence de la direction du NPA. « Mais ce n’est pas toujours compatible quand on n’habite pas Paris », ajoute celui qui n’utilise jamais le « je » en parlant de lui.Mina Kaci