Publié par Le Monde (06/05/24)
Olivier Besancenot, du NPA, et d’autres membres de la gauche associative et politique appellent à un sursaut collectif contre les atteintes aux libertés publiques. A rebours de la dynamique de division qui oppose les partis, en pleine campagne électorale.
La gauche se déchire à l’occasion des élections européennes du 9 juin, et les anathèmes volent entre La France insoumise (LFI) et le Parti socialiste (PS). Mais depuis quelques semaines, une figure inattendue appelle à une riposte unitaire des gauches : Olivier Besancenot, deux fois candidat de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) à l’élection présidentielle (2002, 2007).
Face aux interdictions de conférence, aux convocations pour apologie du terrorisme visant notamment des élus et des candidats « insoumis », face, aussi, à la montée de l’extrême droite, Olivier Besancenot ressuscite un vieux mot d’ordre du mouvement ouvrier, « résister ensemble même quand on marche séparément ». Une référence tirée de la tactique du front unique ouvrier, mise au point lors du troisième Congrès de l’Internationale communiste, en 1921. Une manière d’appeler à des luttes communes dans cette période électorale si propice aux invectives intrafamiliales. Même à l’heure où les questions internationales ravivent les divisions.
« On est en train de vivre un mouvement où la société semble tomber dans le vide, avec une inversion des termes ; dans le discours dominant, on croirait que l’extrême droite est devenue antiraciste, et la gauche antisémite. Quelque chose devrait faire tilt », estime Olivier Besancenot, aujourd’hui au NPA L’Anticapitaliste, l’une des deux branches nées de la scission du Nouveau Parti anticapitaliste en décembre 2022 ; l’autre, le NPA Révolutionnaires, présente une liste aux européennes menée par Selma Labib.
Olivier Besancenot dénonce donc le retour de querelles prévisibles – « On est tellement là où tout le monde nous attend » – et celui des jeux de rivalité en vue de la présidentielle de 2027. « La gauche peut continuer à penser que la seule solution c’est jouer la concurrence libre et non faussée dans son propre camp et se dévorer elle-même. Mais pendant ce temps, la campagne se passe tranquillement du côté du RN [Rassemblement national]… », mesure-t-il.
Dans le même temps, un cadre unitaire mêlant des syndicats – dont la CGT et le Syndicat de la magistrature –, la Ligue des droits de l’homme, des associations et les partis de gauche a repris du service. A l’origine, une tribune intitulée « Contre une démocratie bâillonnée, défendons les libertés publiques », publiée le 25 avril sur Mediapart.
Les deux gauches existent bel et bien
Lundi soir, lors d’une réunion en visioconférence, les participants sont convenus d’organiser une prise de parole commune devant l’Assemblée nationale, le 15 mai, mais surtout une « fête des libertés publiques », le samedi 1er juin à Paris.
Le PS, absent lundi mais signataire de la tribune, réserve encore pour le moment sa participation à des initiatives concrètes… Difficile en effet d’occulter le clivage autour de la question israélo-palestinienne alors qu’elle tend à structurer la campagne des européennes à gauche, avec Jean-Luc Mélenchon qui accuse le PS de trahison.
De fait, l’appel du NPA et d’autres est loin de signer la fin des divergences sur le fond à gauche. Nul ne le nie. Olivier Besancenot trouvait la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) illusoire quand elle prétendait effacer les différences, dans une logique de « tout ou rien », dit-il. Les deux gauches existent bel et bien pour le NPA L’Anticapitaliste.
Lundi, le parti de Philippe Poutou et d’Olivier Besancenot a acté son soutien à la liste de Manon Aubry (LFI) pour le 9 juin et fustigé le retour en grâce du « projet social-libéral » à la faveur de la campagne de Raphaël Glucksmann (PS et Place publique). « Notre camp social a intérêt à ce que la liste [LFI] – qui de fait est la mieux placée pour réunir à une large échelle les suffrages exprimant la volonté de ne pas se résigner, d’en découdre avec le système – fasse le plus de voix possible », explique l’organisation.
C’est toute la subtilité de la position du NPA L’Anticapitaliste. La référence au front ouvrier est ambiguë du point de vue unitaire, comme le relève l’historien du Parti communiste français, Roger Martelli. « Le front unique ouvrier à l’intérieur de la gauche est un mot d’ordre qui considère qu’il y a deux dangers, l’isolement sectaire d’un côté, mais aussi la dilution dans les alliances avec des partis réformistes… La référence justifie la possibilité d’alliances, elle évite aussi l’union de la gauche », estime-t-il.
Julie Carriat