Difficile ces dernières semaines d’échapper, dans les médias, à la « polémique » suscitée par les propos de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, plus occupée à insulter la communauté universitaire et les musulmanEs qu’à se préoccuper de la situation dramatique que vivent les étudiantEs et les personnels du supérieur. Dénonçant des universités qui seraient gangrenées par le spectre de « l’islamo-gauchisme », elle a ainsi annoncé l’ouverture d’une « enquête » confiée au Conseil national de la recherche scientifique (CNRS)...
« Aucune réalité scientifique »
C’est pourtant ce même CNRS qui a tenu à lui répondre que le terme d’« islamogauchisme » « ne correspond à aucune réalité scientifique », rappelant que ce terme creux et flou prend ses origines dans le vocabulaire de l’extrême droite. Il renvoie aussi au sinistre spectre du « judéo-bolchévisme », synthèse de l’antisémitisme et de l’anticommunisme qui s’était diffusée partout en Europe au début du siècle dernier, particulièrement du côté de l’Allemagne nazie...
Même si Blanquer parle d’un « fait social indubitable » et Vidal d’un « ressenti », ils ont toutes les peines du monde à définir et assumer précisément ce qu’ils entendent par là. Et le CNRS de viser juste : il a tenu à « condamner avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques ». Le pouvoir tient bien à mettre en garde les universitaires sur ce qu’ils et elles auraient le droit de penser, de dire ou d’écrire…
De la loi islamophobe au « débat » Darmanin-Le Pen
Cette nouvelle offensive raciste intervient dans un contexte global islamophobe très agressif, entretenu par le gouvernement. Ainsi, la présentation et le vote de la loi contre le « séparatisme » à l’Assemblée nationale ont été le prétexte à toutes les lubies et déclarations racistes d’une majorité au coude-à-coude avec la droite, l’extrême droite et, malheureusement, une large partie de la gauche. Et en dernier lieu, c’est bien le Rassemblement national qui tire profit de ces surenchères.
Ce n’est pas la première fois que ce gouvernement entend faire « barrage » à l’extrême droite en lui empruntant ses thèses et sa politique, à l’image du lamentable « débat » télévisé entre Darmanin et Le Pen il y a deux semaines, au cours duquel le ministre de l’Intérieur s’est même vanté d’être plus dur que l’extrême droite...
Faire reculer le racisme et l’autoritarisme
Heureusement, la réaction du monde universitaire ne s’est pas faite attendre : tribunes, déclarations officielles révoltées émanant d’institutions de recherche ou de directions d’universités… La démission de Vidal est au centre des exigences, et les personnels de l’enseignement supérieur ont bien raison.
Cette politique, c’est celle de tout le gouvernement, et la construction d’un rapport de forces, d’une capacité à se mobiliser, est une étape fondamentale pour le faire reculer. Cela veut également dire lutter contre l’extrême droite et la progression de ses idées, y compris dans une large partie des médias, qui portent eux aussi une part de responsabilité dans la légitimation des thèses les plus réactionnaires et racistes.
Cette riposte commune doit se construire avec touTEs : personnels de l’éducation, organisations syndicales et politiques, associations antiracistes, collectifs musulmans… Il s’agit de combattre l’islamophobie d’où qu’elle vienne, des sommets de l’État ou de l’extrême droite la plus rance.
Le mardi 23 février 2021