Pour l’instant marginalisés dans la course à la présidentielle, les deux candidats des chapelles trotskistes rivales tentent de sortir de la routine des meetings classiques.
Préparer la révolution… en faisant la fête. Candidats pour la première fois à l’élection présidentielle, les trotskistesNathalie Arthaud (Lutte ouvrière)etPhilippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste)peinent à surnager dans la campagne.
Et même à faire surface dans les enquêtes d’opinion. Ce n’est pourtant pas faute de sillonner laFrancede réunions publiques confidentielles en meetings clairsemés. Hier, les deux révolutionnaires sont allés à la chasse aux voix lors de manifestations plus légères. A l’occasion de la fête du NPA à Paris (XIe), et à la table d’un banquet donné à Maisons-Alfort (Val-de-Marne).L’ambianceAu sous-sol de la salle Olympe-de-Gouges, à la fête du NPA, un joyeux brouhaha. Des enfants colorient dans un coin. Un débat est entamé sur les « résistances face à la crise. » Au bar, on parle du « peu de visibilité du candidat » en sirotant des bières à 2 €. Sur scène, les musiciens du groupe rock et militant la Rabia se préparent. A 10 km de là, le style est moins improvisé au banquet de LO. Cela se passe au Moulin-Brûlé, une guinguette sur le bord de la Marne. Les chaises, parfaitement alignées, attendent sagement l’allocution de la candidate. Des militants s’activent en cuisine, pour préparer « collectivement » le dîner que 350 personnes vont « collectivement » déguster. Les banderoles ont beau être encadrées de ballons colorés, elles donnent tout de même le ton : « les travailleurs n’ont pas à payer la crise du capitalisme. »Les militantsUn public plutôt jeune et masculin à la fête du NPA. A l’image de Raphaël, 25 ans, étudiant en sciences politiques, encarté depuis un an, qui a réussi à attirer Maxime, un copain, « venu pour se forger une idée ». Gaëlle, prof de lettres de 38 ans, est venue présenter à Rachid, un ami, le « parti de ceux qui veulent renverser ce système qui nous écrabouille ». Derrière eux, deux quinquas parlent en espagnol. A Maisons-Alfort, c’est en russe que chantonne un militant en pleine répétition « pour le bal ». C’est sous ce jour festif que Sarah et Amina découvrent LO. Leur collègue de travail, technicienne de laboratoire, les a invitées. « On va écouter le discours et partager un bon repas », sourit Sarah, délicatement maquillée. Autour, des familles de travailleurs.Les prétendantsPas de costume présidentiel pour Philippe Poutou. Il déambule, militant parmi les autres, en jean et pull sombre. « Faut taper là! l’interpelle l’un d’eux. Y en a marre des ouvriers qui votent Front national. » Le candidat répond, très à l’aise dans cet exercice « plus naturel » qu’une prise de parole « où, au pupitre, on est au-dessus des autres ». De leur côté, les camarades de Lutte ouvrière ne tapent pas vraiment dans le dos de la candidate. Ils saluent respectueusement Nathalie Arthaud à son arrivée. Poignée de main, tutoiement de rigueur et mots d’encouragements.
Ava Djamshidi
Philippe Raynaud : « Ils ne visent pas le même public »«LO (Lutte ouvrière) et le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) — issu de la Ligue communiste révolutionnaire — sont deux partis sortis de la même matrice trotskiste, qui s’est séparée au début de la Seconde Guerre mondiale, analyse le spécialiste de l’extrême gauche Philippe Raynaud. Mais ces deux partis d’extrême gauche ne visent pas le même public. Sociologiquement, LO est plus ouvrier, avec une propagande centrée contre le capitalisme. Ce parti qui insiste sur le rôle central de la classe ouvrière privilégie notamment les actions dans les entreprises. Le NPA, lui, est plus branché sur des luttes diverses, comme le féminisme ou la défense des homosexuels. Son audience est étendue à l’ensemble des travailleurs et des employés ainsi qu’à la jeunesse et aux étudiants. Mais les deux formations partagent le même programme communiste révolutionnaire. »Propos recueillis par A.D.