La tempête provoquée par la présentation d'une candidate voilée, Ilhem Moussaid, sur les listes du NPA pour les élections régionales dans le Vaucluse n'a cessé de monter.
Au moment où Olivier Besancenot présentait ses listes en Ile-de-France, dimanche 7 février, les critiques se sont faites virulentes à gauche comme à droite. Le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, a accusé le leader du NPA d'être un "manipulateur". Aurélie Filippetti, députée PS de Moselle, a conseillé aux amis de M. Besancenot de "relire Marx". Jean-Paul Huchon, président PS du conseil régional d'Ile-de-France, estimait pour sa part que la présence de la jeune femme voilée comme candidate était une "aberration". Marie-George Buffet (PCF) et Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) se sont dits "choqués", dès vendredi. Le chef de file du NPA a beau affirmer "ne pas avoir de leçons à recevoir", rappelant que la campagne de son parti est "antiraciste et anticapitaliste", le malaise est réel dans les rangs de l'organisation.
Une quinzaine de candidats, dont trois dans le Vaucluse, ont retiré leur candidature, à la suite de la nouvelle de la présence d'Ilhem Moussaid. Jeudi, la liste de la région PACA a tenu une conférence de presse en présence de la jeune femme pour réaffirmer qu'elle partageait "l'ensemble du programme du NPA, y compris ses positions sur la laïcité et le féminisme".
Devant l'émoi suscité en interne, la profession de foi politique de la jeune femme a circulé. Elle y affirme être une "militante féministe, internationaliste et anticapitaliste" et lutter "contre les discriminations, le racisme dans les quartiers populaires". Le même jour, l'exécutif du NPA envoyait une circulaire interne expliquant que la décision du Vaucluse ne faisait pas jurisprudence. "Nous traversons une situation difficile", avoue l'exécutif, incriminant la "campagne médiatique".
La note tente de rassurer les militants : le choix du comité du Vaucluse, pris dans l'autonomie prévue par les statuts, ne clôt pas le débat. Le congrès prévu en novembre doit revenir sur le lien entre émancipation et religion. Le texte regrette cependant les circonstances de la décision : "A l'avenir, il faudra veiller à ce que l'ensemble du NPA soit informé afin qu'une décision locale ayant une dimension nationale puisse être maîtrisée collectivement." Reste, comme le reconnaît l'exécutif, que c'est "la forme de représentation du parti qui est en question".
Le débat est vif en interne. Si tous dénoncent le climat "détestable" sur l'islam et constatent la nouveauté de l'arrivée de militants musulmans au NPA, ils n'ont pas la même vision de la signification politique d'une telle candidature. "Le fait de porter un voile ne fait pas d'Ilhem une opprimée", dit Véronique Gramier, colistière de la jeune musulmane. "Si le NPA accepte les filles voilées, il faut qu'elles puissent être candidates", insiste-t-elle. C'est aussi la position d'Omar Slaouti, tête de liste en Seine-Saint-Denis : "C'est une militante qui partage notre programme, elle est féministe. Il n'est pas question qu'il y ait des adhérents à deux vitesses."
D'autres sont plus troublés : "Choisir une femme voilée pour porter notre voix, c'est problématique parce que nous pensons que le foulard est un symbole d'oppression", remarque Anne Leclerc, membre de la commission intervention féministe. "Pour un parti féministe, qu'est-ce que cela veut dire de porter un signe de représentation d'infériorité ?", s'interroge Pierre-François Grond, numéro deux du parti. Samuel Joshua, un vieux dirigeant marseillais, est lui aussi dubitatif : "Est-ce que c'est le bon choix ? Le voile est un signe d'oppression des femmes. Ilhem ne le vit pas comme ça mais on ne peut le banaliser", dit-il ne cachant pas redouter que le NPA "explose" sur un tel débat.
Pour limiter les dégâts, la direction doit publier un nouveau communiqué, lundi, réaffirmant que le choix du Vaucluse "n'est pas une décision nationale".
Sylvia Zappi