Contraint d’adopter une position élastique, en s’opposant au cas par cas, selon leurs profils, aux candidats de la Nupes, le parti révolutionnaire espère contribuer à envoyer un maximum de députés de gauche en juin pour «neutraliser» l’action d’Emmanuel Macron.
Un pied dedans, un pied dehors. Pour les élections législatives, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) tâtonne. Faut-il s’engager pleinement dans la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes) et ainsi partir main dans la main avec l’ensemble des partis de gauche traditionnelle ? Ou faire cavalier seul ? Les deux hypothèses ne sont pas sans risque pour le parti trotskiste. D’un côté, celui de se renier, ou de diluer son identité dans un gloubi-boulga un peu tiède aux yeux des militants. De l’autre, celui d’être éclipsé par la toute-puissante Nupes, qui règne sans partage sur cette partie de l’échiquier politique.
Le dilemme paraissait impossible à résoudre. Tout ce que le parti compte de stratèges s’est creusé la tête. Et a finalement trouvé une solution intermédiaire. «Dans la grande majorité des cas», le NPA appelle à voter pour les candidats de la Nupes. Mais dans certaines circonscriptions, l’héritier de la LCR, fondé par Olivier Besancenot en 2009, présentera des candidatures autonomes. Pourquoi ? La coalition de gauche va du Parti socialiste à la France insoumise. Ce n’est pas un secret, le NPA campe, lui, sur une ligne différente : anticapitaliste et révolutionnaire. Aux antipodes du PS actuel. «On a tenté de faire partie de cet accord», explique pourtant Philippe Poutou lors d’une conférence de presse organisée mardi au siège du parti à Montreuil. L’ancien candidat à l’élection présidentielle, qui a réuni un petit 0,77 % des voix au premier tour, raconte : «Le deal de départ, tel qu’il a été présenté par la France insoumise, était de reconstruire une gauche de rupture, une gauche de combat.»
«On s’est retrouvés écartés de toute proposition»
Ainsi, le NPA a été «invité à participer aux discussions» mais a rapidement quitté la table des négociations, quand les choses se sont concrétisées avec les socialistes. «Il y avait impossibilité de concilier le PS et le NPA», veut croire Poutou. Avant de poursuivre : «On s’est retrouvés écartés de toute proposition.» Selon l’ancien ouvrier de l’usine Ford à Blanquefort, désormais au chômage, son parti ne pesait rien face à l’ogre socialiste, beaucoup plus juteux aux yeux des cadres insoumis, même en ayant perdu de sa superbe. «Un choix politique a été fait, ils ont préféré s’appuyer sur l’appareil politique du PS», tranche-t-il. Puis, loin d’être «revanchard», il déclare : «C’est une erreur d’avoir ignoré la frange radicale.» Un militant fidèle au parti révolutionnaire donne sa vision des choses : «Il n’y a personne sur la gauche de Mélenchon. Forcément, le centre de gravité de l’accord a été déplacé à droite par rapport à la présidentielle. Même des militants insoumis ont été déçus de l’absence du NPA. Ça aurait été plus sincère.»
Pas le temps de bouder, il y a une nouvelle bataille à mener. Les législatives arrivent à grand pas. «On s’inscrit dans la campagne sans être dans l’accord», tente de résumer Philippe Poutou. Selon lui, l’objectif reste l’obtention d’une «majorité de gauche» à l’Assemblée nationale. Pour cela, il a identifié une série de candidatures de la Nupes que son parti est en mesure de défendre. Un exemple : l’insoumise Danielle Simonnet, dans le 20e arrondissement de Paris. «Nous faisons sa campagne de manière très visible, notre logo accompagne son matériel de campagne. Et je dois dire que nous avons été accueillis avec beaucoup d’enthousiasme», souligne Pénélope Duggan, militante du NPA dans cet arrondissement. Elle ne voit aucun inconvénient à se ranger derrière Danielle Simonnet, une femme «très active dans les luttes locales».
Jouer les équilibristes
A l’inverse, dans tout un tas d’autres endroits, des candidatures autonomes ont été mises sur pied. C’est le cas à Lyon, dans la deuxième circonscription du Rhône, où Raphaël Arnault et sa suppléante Mathilde Millat porteront les couleurs du NPA face à un député sortant, Hubert Julien-Laferrière, qui représentera la Nupes. Petit détail : ce même Hubert Julien-Laferrière a porté l’étiquette LREM jusqu’en mars 2020, avant de rejoindre le micro-parti de centre gauche Génération écologie. Inconcevable pour de jeunes militants très marqués à gauche. «L’idée de faire campagne pour un libéral et un opportuniste était assez insupportable pour nous», récapitule Mathilde Millat qui défend, elle, «une candidature alternative, de gauche, par le bas».
Face à des disparités locales, le NPA est donc contraint de jouer les équilibristes et de s’adonner au cas par cas. Si Philippe Poutou admet s’être posé la question de sa propre candidature, il a rapidement abandonné l’idée. «Cela n’aurait eu de sens que dans le cadre d’un accord global.» Puis : «C’est dommage, on aurait redonné de la pêche aux gens.»