Le parti anticapitaliste a refusé de s’allier avec les Insoumis pour les législatives. En cause : l’arrivée du PS dans la coalition qui aurait déplacé le centre de gravité politique du rassemblement et réduit à portion congrue le nombre de circonscriptions dévolues à la formation d’extrême gauche.
Olivier Besancenot ne sera pas porte-parole de la campagne de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), Philippe Poutou n’aura pas de siège à l’Assemblée nationale, et le NPA pourra présenter des candidatures concurrentes à celles de l’union de la gauche. Ainsi en a décidé le Conseil politique national (CPN) de l’organisation trotskiste qui, après trois semaines de discussions et cinq « rounds » de négociations avec l’équipe de l’Union populaire, a annoncé, jeudi, que le NPA ne rejoindrait pas la coalition entre La France insoumise (LFI), le PS, les écologistes et le PCF pour les législatives.
Dans un communiqué où il rappelle clairement sa bonne volonté unitaire – il avait d’ailleurs fait alliance avec LFI dans plusieurs régions lors des précédentes élections régionales –, le NPA revient sur ses déconvenues. « Au fur et à mesure des discussions avec les autres forces politiques, l’équilibre politique de la coalition s’est modifié progressivement, atténuant le caractère de rupture avec les politiques libérales qui faisait sa force », explique la formation anticapitaliste, qui critique aussi le peu de circonscriptions réservées aux militants des quartiers populaires.
Surtout, c’est l’accord avec le PS qui a fait figure de « ligne rouge ». Non seulement le rassemblement avec le parti d’Olivier Faure aurait conduit à mettre un peu trop d’eau dans le vin du programme de la Nupes, juge le parti d’extrême gauche – les Insoumis auraient ainsi retiré l’épithète « immédiate » dans la partie sur l’augmentation de Smic, rendu plus « floues » les modalités de rupture avec « l’Europe libérale », ou fait passer « la retraite à 60 ans pour tous » à un « droit à la retraite à 60 ans ». Mais il aurait aussi mécaniquement conduit à réduire le nombre des circonscriptions accordées à la formation anticapitaliste, devenue, de fait, portion congrue de l’accord.
« Nous constatons avec regret que l’Union populaire a fait le choix de trouver un accord avec les composantes gestionnaires du système au détriment d’un accord avec le NPA », conclut, non sans une pointe d’amertume le parti dans son communiqué, lequel indique néanmoins qu’il pourra toutefois soutenir sur le terrain certains candidats de la coalition en fonction de leur profil.
Pièce manquante
Après plusieurs semaines de tractations, et alors que Jean-Luc Mélenchon officialise, ce samedi, sa nouvelle stratégie lors d’une convention d’investiture des candidats aux législatives à Aubervilliers, le parti trotskiste apparaît donc comme la pièce manquante du puzzle de l’union de la gauche. Une perte notable pour La France insoumise qui, avec le NPA à sa gauche et le PS à sa droite, se serait, de fait, positionnée comme l’épicentre parfait du rassemblement, mais aussi pour un NPA en perte de vitesse, aspirant à se réinventer.
Manu Bichindaritz, membre du comité exécutif qui a participé aux négociations parle même « d’occasion manquée », même s’il pointe que dans plusieurs endroits, le NPA appellera à voter pour les candidatures raccords avec une ligne bien à gauche – par conséquent, pas celles de l’ancien « marcheur » Cédric Villani par exemple, ni celles issues du PS.
« Le problème, c’est que les conditions des discussions ont changé en cours de route. Le PS est arrivé dans le scénario alors qu’il n’était pas prévu au départ, ce qui a déplacé le curseur et entravé la bonne répartition des circonscriptions », résume le militant, qui souligne que si l’accord avait été fait sur la base des scores à la présidentielle, le NPA, avec ses 0,77 %, aurait dû obtenir quinze circonscriptions et le PS, qui n’a recueilli que 1,7 % des voix, trente et une. « Résultat, le PS en a eu soixante-dix et on nous en a proposé cinq, dont aucune en Gironde [région où est implanté Philippe Poutou – ndlr] , et qui ne correspondaient pas non plus à nos bastions militants. Et puis sur le fond, on ne va pas nous faire croire qu’avec le PS dans les bagages, Mélenchon va créer un pôle de gauche de rupture », ajoute-t-il.
« Dans le fond, on n’a pas été vraiment souhaité [par l’Union populaire] », accusait de même, vendredi, Philippe Poutou, le candidat à la présidentielle, dans une interview à la « Midinale » de Regards.
Un constat partagé par le syndicaliste Xavier Mathieu, jadis proche de Lutte ouvrière, qui avait rejoint, cet hiver, le Parlement de l’Union populaire (PUP) pour soutenir la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon.
Dans un message au vitriol publié vendredi, l’ancien « Conti » devenu comédien annonce son départ du PUP, dont il aurait d’ailleurs aimé qu’il ait son mot à dire dans les négociations : « Pourquoi ressusciter le Parti socialiste dont les trahisons l’ont mis là où il méritait de rester – la morgue –, quand, dans le même temps, aucun accord n’a pu être mis en place avec mes camarades du NPA […], écrit-il. Le seul parti avec lequel nous n’avons pas réussi à trouver un accord est le seul à ne pas avoir gerbé sur l’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon pendant toute la campagne. »
Côté LFI, on déplore, là aussi, l’absence du NPA, « vraie force militante », dans la coalition. « C’est dommage, ça aurait été intéressant d’avoir Besancenot comme porte-parole et des élus du NPA à l’Assemblée », estime ainsi le député Éric Coquerel, qui milita lui-même pendant près de vingt ans à la Ligue communiste révolutionnaire. En charge des relations avec les autres formations, il réfute catégoriquement les accusations en « ramollissement » des mesures portées par la Nupes du fait de l’arrivée du PS dans l’union : « Qu’il s’agisse de la retraite à 60 ans, de l’Europe ou de l’augmentation du Smic, ce sont des marqueurs qu’on ne touchera pas », assure-t-il.
« Après, les négociations ont été très compliquées car le NPA changeait d’avis souvent dans la même journée. Tous ces changements de pied ont abouti au fait que, comme nous négociions en même temps avec d’autres formations, il ne nous est plus resté assez de circonscriptions au bout du compte à leur proposer », ajoute Éric Coquerel qui met l’échec de l’accord sur le compte de « problématiques internes » du parti, tiraillé en une ligne unitaire et une ligne autonomiste.
Dans ce contexte, la discussion sur les législatives n’a fait que reposer la question des alliances électorales qui n’a cessé de diviser le parti ces dernières années. Au point qu’elle avait déjà été l’une des raisons du départ d’une partie des militants vers Révolution permanente.
Gaël Quirante, membre du courant minoritaire de la direction du NPA était, depuis le départ, opposé à tout accord. Il livre sa version des faits : « L’accord a pour principale utilité de garder les places des députés des organisations et cela prévaut avant tout. Face à la moindre offensive du Medef et du patronat, tout ça ne résistera pas 30 secondes », fait valoir auprès de Mediapart le syndicaliste de Sud PTT 92, qui estime au passage que le CPN n’avait pas été officiellement mandaté pour ouvrir les discussions. « Le programme de l’Union populaire renouvelé est plus à droite que celui du programme commun de Mitterrand et plus à droite que des luttes que nous menons », ajoute-t-il, estimant que la « vision réformiste » de LFI est, de toutes les façons, trop éloignée de la tradition militante de la gauche révolutionnaire.
En définitive, c’est dans une forme de soutien (au cas par cas) sans participation à la Nupes que le NPA s’engage aujourd’hui. Myriam Martin, ex-porte-parole qui avait rejoint, en 2012, le Front de gauche, se dit « pas complètement surprise » de la décision de son ancien parti, jugeant elle aussi que « les problématiques internes ont pesé dans la balance ».
Celle qui a dû laisser sa circonscription « gagnable » de Haute-Garonne où elle voulait être candidate à une écologiste s’efforce néanmoins de voir le verre à moitié plein. « Certes, le NPA aurait eu toute sa place et aurait pu peser de tout son poids dans la coalition pour la maintenir bien à gauche, dit-elle. Mais le côté positif, c’est que la discussion a quand même débouché sur un soutien, ce qui était encore inimaginable il y a quelques mois, et cela, c’est une avancée notable. »
Mathilde Goanec et Pauline Graulle