MUNICIPALES 2014 - Tête de liste pour le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) à Bordeaux, Philippe Poutou revient pour 20Minutes sur sa carrière syndicale et politique, et ses ambitions aux élections de mars prochain...
Sa carrière ouvrière
«J’ai intégré l’usine Ford de Blanquefort en 1999, d’abord comme intérimaire, avant d’être titularisé. A cette époque, c’était le plein boum. Les inquiétudes ont commencé à poindre vers 2001-2002, c’est là que je me suis syndiqué. Les premières manifestations ont eu lieu vers 2005-2006, lorsque la direction a présenté un plan de départs volontaires. Quand elle a annoncé que ce plan de suppressions d’emplois s’était bien passé, ça nous a foutu en rogne. C’était une provocation. On a voulu le dénoncer, alors j’ai envoyé un mail aux médias. A ma grande surprise, la chaîne locale TV7 nous a répondu, et nous a proposé de venir expliquer ce qu’on avait à dire en direct. Comme c’est moi qui avais envoyé le mail, on a décidé que c’est moi qui irai parler. Cela a eu un écho énorme dans l’usine. C’est là que j’ai commencé à avoir l’image d’un leader syndical. Une véritable équipe est née, et on a gagné la bataille, puisqu’on a réussi à sauver l’usine, même si le combat est loin d’être terminé.»
Sa carrière politique
«Je faisais déjà de la politique avant le syndicalisme, et, dans la dynamique du combat de Ford, une logique s’est mise en place: mes camarades de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) et du NPA ont voulu profiter de ma visibilité pour que je sois candidat à la présidentielle de 2012, car j’étais devenu en quelque sorte le symbole d’une lutte qui avait payé. Cela a été compliqué, car j’ai toujours voulu rester à 100% à l’usine. Mais au fil du temps, c’est devenu trop difficile. En tant que porte-parole national du NPA, je dois aller toutes les semaines animer des réunions, des meetings. C’est pourquoi depuis le 1er janvier, j’ai demandé à être détaché un jour par semaine pour le parti.»
Bordeaux
«Je vis depuis plusieurs années rue Camille Godard, aux Chartrons. J’ai aussi résidé à Nansouty, à Saint-Augustin… Même si j’ai fait un petit détour par Mérignac à une époque. Mon père est originaire de Bordeaux. Lorsqu’il a eu son concours de postier, il a dû aller s’installer en région parisienne. C’est là que je suis né, avec mes trois frères et sœurs. Dès qu’il a pu, il est revenu vivre ici, d’abord à La Teste, puis à Léognan et à Bordeaux.»
Sa candidature à Bordeaux
«Lors des dernières élections municipales, j’étais déjà sur la liste, mais pas numéro un. C’est la première fois que je me présente en tant que tête de liste à des municipales. Ce choix a été fait pour essayer de médiatiser notre discours, donner de la visibilité à notre action. Et cela marche: sur les marchés les gens me reconnaissent. C’est plus facile pour discuter. Nous savons que nous ne gagnerons pas, mais si on peut atteindre les 5%, ce qui serait un exploit, ce serait fabuleux, car on aurait un ou deux élus au sein du conseil municipal. On est là pour ne pas laisser les deux «cadors», Juppé et Feltesse, s’affronter, alors qu’ils représentent tous deux une certaine catégorie sociale. En dehors d’eux, on a le sentiment que les autres candidats sont de simples figurants. Mais nous, même si on n’a pas de moyens, puisque notre budget est de l’ordre de 6.000€, on veut être le grain de sable de cette campagne, et faire entendre le camp des «sans voix.»
Sa liste
«Nous en sommes à 63 candidats sur la liste (il en faut 60, NDLR). J’ai décidé de prendre un peu de marge, au cas où. Ce sera une liste ouvrière, au sens large du terme, c’est-à-dire qu’il y a dedans des ouvriers d’usine bien entendu, mais aussi des infirmières, des manutentionnaires, des fonctionnaires, des étudiants… C’est-à-dire tous ces salariés qui sont mal payés, les couches sociales les plus modestes. En ce sens, c’est une vraie liste de gauche, contrairement à celle du PS, au sein de laquelle il n’y aura pas un seul ouvrier, comme l’a avoué Vincent Feltesse. Il voit bien que ça lui manque, d’ailleurs: en 2008, lorsqu’il s’est présenté à Blanquefort, il l’avait son ouvrier sur sa liste. Il l’a mis en avant, et cela a payé.»
Sa médiatisation
«C’est dur, je n’aime pas ça. Je déteste aller sur les plateaux télé, où j’ai le sentiment de ne pas être à ma place au milieu d’invités tous tirés à quatre épingles. Mais j’aime parler de nos combats, j’ai envie d’expliquer la souffrance de notre camp… Je ne regarde jamais les émissions dans lesquelles je suis passé. Je devrais, car cela me ferait progresser sans doute. Mais je n’ai pas envie de devenir une machine médiatique. En revanche, j’aime bien quand des camarades, ou des gens dans la rue, me disent qu’ils ont apprécié une de mes interventions. On me parle souvent de ma réplique à David Pujadas dans Des paroles et des actes, à qui j’avais expliqué que je n’étais pas très à l’aise sur le plateau, parce que j’étais seul, alors que d’habitude on faisait grève à plusieurs, et on séquestrait à plusieurs…»
Sa vie de famille
«Je vis avec ma compagne, militante également, et ses deux enfants, âgés de 8 et 11 ans. Ils comprennent mon combat, même si ce n’est pas toujours évident à gérer. Parfois, je les emmène avec moi dans mes déplacements politiques, comme à Montpellier récemment, cela permet de conserver une vie de famille. Et pendant les vacances, on part faire de la randonnée, dans les Pyrénées, ou du vélo sur le bassin d’Arcachon.»
Propos recueillis par Mickaël Bosredon