Assis sur sa chaise, Olivier Besancenot tremble de stress et se triture le biceps. A ses côtés, Philippe Poutou est seul, debout à la tribune. Son sourire figé tourne au rire nerveux. Le nouveau candidat du NPA s’apprête à faire son premier discours de meeting devant les militants, à Port-Leucate (Aude). Il avait avoué avoir «la trouille» de ce grand oral. Lundi 22 h 30, la peur ne semble pas dissipée.
Il se lance alors d’un coup, évacuant les comparaisons : «Ça ne sera pas le même style que Besancenot, mais je vais prouver au moins que je sais lire.» Premiers rires dans le public de l’université d’été. Il faut dire que le postier lui a bien savonné la planche en ouverture du meeting. Dans un discours bien troussé et percutant de vingt minutes, sans un coup d’œil à ses fiches, le candidat de 2002 et 2007 a mis la barre très haut. Trop haut ?
En tout cas le style Poutou tranche. Le nez collé à ses feuilles, il débite le texte qui doit lui permettre de passer du statut d’inconnu à celui de candidat du parti. Il peine à se libérer, ahane les chiffres, et gère mal les réactions du public, lançant à contre temps : «Vous pouvez applaudir si vous voulez !»
ADN. De temps en temps, on entraperçoit tout de même le naturel du syndicaliste goguenard qui pointe son nez pour dénoncer les grandes fortunes de France. Mais il a encore beaucoup de chemin à faire pour devenir un galvaniseur de foule. Comme la direction du parti, Philippe Poutou ne désespère pas de faire de sa différence une force dans la campagne. «Je suis un salarié, un ouvrier et ça va trancher avec les autres candidats qui sont des politiciens professionnels», lance-t-il à la tribune. Mais le parti avait surtout besoin d’un rassembleur. Les divisions le minent de l’intérieur entre ceux qui souhaitent ouvrir la discussion avec le Front de gauche pour 2012 et la majorité (parmi laquelle Poutou et Besancenot) qui refuse toute alliance.
Conscient lui-même de ses faiblesses, l’ouvrier devenu candidat a voulu au moins faire la preuve de son ADN anticapitaliste. Il a décliné lundi soir, en balayant très large, tous les mantras du parti : interdiction des licenciements, service public bancaire, gratuité des transports, de l’éducation et des soins, égalité de traitement entre hommes et femmes, et pour les minorités sexuelles.
Surtout, le parti a trouvé son nouveau fer de lance, l’annulation de la dette de la France. Philippe Poutou dénonce «l’illégitimité» de cette créance. Dans son discours, Besancenot avait lui raillé la politique de la règle d’or pour enrayer les déficits :«Sarkozy a dit aux autres : "Voilà on est dans la merde. Alors j’ai eu une idée, on va marquer dans la Constitution qu’on aura plus jamais le droit d’être dans la merde !"» Le postier devenu porte-parole de la candidature Poutou s’est même changé en agence de notation pour l’occasion, décernant au président de la république «un quadruple B pour Bye Bye Bling-Bling». Succès assuré dans l’assistance.
Mais même la campagne autour de l’annulation de la dette ne fait pas l’unanimité au sein du NPA. Un membre de la minorité déplorait avant le début du meeting le manque de pédagogie autour du sujet : «En annonçant ça comme ça, on fait dans l’incantatoire, on n’éduque pas. Il faut d’abord faire la démonstration auprès des gens que cette dette est illégitime.»
Passe-plat. Aucun représentant de la minorité du parti, qui a fait près de 40% à la dernière conférence nationale n’était d’ailleurs présent sur la scène du meeting. Pas même Myriam Martin, pourtant porte-parole du parti, et candidate un temps envisagée pour la présidentielle. A l’aube de la rentrée politique, l’air frais de Port-Leucate n’a pas cicatrisé les plaies du NPA. Beaucoup de militants en veulent à Besancenot de ne pas être allé au front une troisième fois, laissant Poutou désarmé en première ligne. Mais le facteur est encore très présent. Outre l’ouverture du meeting, Il a joué le rôle de passe-plat toute la soirée, avant de reprendre le micro après le discours de Poutou pour faire chanter l’Internationale à la foule. Le patron n’est pas parti. A la fin du meeting, certains militants ne comprenaient pas cette attitude. «Pourquoi est-ce qu’il a parlé vingt minutes comme ça. Soit il s’efface soit il y va !», s’exclamait l’un d’eux.
Besancenot ne voulait, lui, retenir que le positif : «Ça y est, c’est fait, maintenant Philippe est lancé. J’étais très tendu. Je lui avais dit que je lui prendrai une partie de son stress.» Mais ce dont Poutou aurait eu réellement besoin, c’est que Besancenot ne prenne pas toute la lumière.
Par NICOLAS CHAPUIS Envoyé spécial à Port-Leucate (Aude).