Le Nouveau Parti anticapitaliste vit sa première crise de croissance. Et Olivier Besancenot son premier trou d'air. La direction de l'organisation, réunie samedi 12 et dimanche 13 décembre à Paris, a réussi à sauver les apparences en retrouvant une majorité après un vote des adhérents qui l'en avait privé. Mais le signal d'alarme est tiré.
Voilà des semaines que le leader du NPA paraît moins sur les écrans. L'agenda politique, entre le sommet de Copenhague et le débat sur l'identité nationale, lui laisse peu d'espace médiatique. La situation sociale, depuis les échecs des journées d'action syndicale du printemps, semble plus morose. Olivier Besancenot continue à aller soutenir quelques conflits locaux, mais l'humeur des travailleurs n'est plus à la grève générale. "C'est devenu difficile pour la gauche radicale", note un responsable de la direction.
L'approche des régionales ne s'annonce guère plus riante. Les négociations avec le Front de gauche pour une alliance électorale ont tourné court. Le PCF a décidé de partir sans le PS dans une majorité de régions et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon suit. La tactique dite de "la démonstration" - démontrer que ce sont les autres qui sont responsables de la désunion - n'a pas fonctionné. Aux yeux de la gauche radicale, ce sont bien les amis de M. Besancenot qui n'ont pas voulu de listes communes.
Le NPA prépare donc seul sa campagne, essentiellement axée sur la confrontation contre la politique de Nicolas Sarkozy. "C'est le dernier rendez-vous électoral avant la présidentielle de 2012 ", explique-t-on un dirigeant. Les sondages ne s'annoncent guère prometteurs : 4 % contre 7 % au Front de gauche selon les études confidentielles commandées à l'IFOP. Les élections locales sont généralement moins porteuses pour l'organisation contestataire, il n'empêche. "C'est la seconde séquence consécutive où le NPA va se retrouver seul face au Front de gauche, en termes de dynamique, cela risque de peser comme lors des européennes", remarque Jérôme Fourquet, directeur de l'institut.
Olivier Besancenot continue cependant de collectionner les bons sondages. Selon le tableau de bord politique IFOP pour Paris Match (réalisé les 3 et 4 décembre auprès de 1 002 personnes), il atteint pour le troisième mois 57 % de bonnes opinions. Mais le dernier palmarès Ipsos pour Le Point lui fait perdre neuf points et cinq places. Sa popularité est encore forte, surtout comparée à d'autres à gauche, mais elle ne profite pas à son organisation. "Il se passe au NPA ce qui est arrivé au MoDem : il existe comme machine pour un leader, peu comme parti", note Vincent Tiberj, chercheur au Centre d'études européennes de Sciences Po.
En interne, les lendemains du congrès de fondation sont aussi moins prometteurs que prévu. Alors que l'organisation claironnait avoir eu 9 123 adhérents à son lancement en février, elle en compte 8 000 aujourd'hui. "Nous avons connu une petite contraction. On a moins le vent dans le dos qu'au printemps", avoue la direction. Construire une organisation "nouvelle" et "en rupture avec la vieille gauche" n'est pas si facile.
De nombreux militants venant du mouvement social ou de l'altermondialisme désireux d'unir la gauche radicale se sont lassés. Du coup, ce sont les "durs" issus de petits courants révolutionnaires, comme ceux venus de Lutte ouvrière, qui ont pris du poids et appuyé pour qu'une ligne plus identitaire encore soit affirmée. Le NPA a aussi du mal à imposer d'autres porte-parole. En dehors d'"Olivier ", personne n'a émergé.
Début décembre, c'est à une vraie crise de direction que le NPA a été confronté quand les adhérents ont refusé l'orientation pour les régionales proposée par leur leader. A la question faut-il ou non s'allier avec le PCF et le Parti de gauche, les militants ont répondu en se divisant en trois tiers : 36% pour la position défendue par le facteur - pas d'alliance nationale mais une possibilité dans certaines régions avec le PG là où le PCF part avec le PS au premier tour -, 28,5% sur une position de refus de toute alliance, et 31,5% pour des listes communes avec le Front de gauche.
Avec ce résultat, l'organisation n'avait plus de majorité. Après un appel à "l'unité de l'organisation" lancé par la direction, 70% des membres du conseil politique national se sont retrouvés, dimanche, pour sauver les meubles, en votant une résolution sur les régionales : le NPA part seul en campagne à l'exception de quelques tentatives d'union en Lorraine, en Basse-Normandie et en Bretagne. "Il n'y a pas de crise de direction. On a dépassé les divergences ouvertes par le vote", affirmait un proche de M. Besancenot. "La ligne sectaire de la direction n'est comprise ni à l'intérieur ni à l'extérieur", tacle Yann Cochin, chef de file de la minorité.
Deux jours avant, dans une petite salle de cinéma parisienne, la réalisatrice Camille de Casablanca projetait son film sur la naissance du NPA, C'est parti, qui doit sortir en février. On y voit des militants jeter des ouvrages de Lénine dans une benne et l'enthousiasme des militants à "créer du neuf à gauche". A la sortie, on se disait qu'on en est aujourd'hui bien loin.
Sylvia Zappi