En meeting à Villeurbanne, le candidat du NPA, qui n’a toujours pas atteint la barre des 500 parrainages pour se présenter à l’élection, a défendu mardi soir son programme visant à contrer le «système rapace du capitalisme» devant un public de jeunes militants.
Certes, Philippe Poutou plafonne à un score anecdotique dans les sondages. Mais il réalise un autre exploit : faire salle comble avec une espèce en voie de disparition dans les meetings politiques en 2022 : les jeunes. Des filles et des garçons enthousiastes, adolescents jusqu’à trentenaires, qui s’esclaffent face aux mimiques et bons mots du porte-parole du Nouveau Parti capitaliste (NPA), qui entonnent des chants révolutionnaires entre les interventions au micro. Et qui espèrent bien pouvoir glisser dans l’urne, le 10 avril, un bulletin en faveur de l’ouvrier bordelais, pour l’heure «candidat à la candidature». Ce mardi 1er mars, à Villeurbanne (métropole de Lyon), Philippe Poutou a réuni soutiens, sympathisants et curieux pour l’un des derniers raouts de son parti avant que ne soit clos le dépôt des parrainages pour l’élection présidentielle auprès du Conseil constitutionnel, vendredi soir.
«Petite barrière à franchir»
Le NPA arrivera-t-il à réunir les 500 signatures nécessaires pour passer à l’étape suivante ? Cette question est bien sa «grosse obsession actuelle», a reconnu l’homme politique sur la scène du Centre culturel et de la vie associative de Villeurbanne (ce mercredi, le Conseil constitutionnel lui recense 342 parrainages validés). «C’est une belle salle, on a l’impression d’être dans un vrai meeting de campagne. Le problème, c’est qu’il reste une petite barrière à franchir, a-t-il rappelé. On continue jusqu’au bout, on mendie un peu en appelant des élus. C’est pas tout le temps marrant mais c’est la loi, c’est un filtre qui ne pose de problème qu’aux petits partis comme nous.» Et de scruter l’assistance : «Je pense qu’il n’y a pas de maire dans la salle, hein ? Mais s’il y en a, n’hésitez pas, on a des stylos et tout ce qu’il faut.»
Lors des scrutins de 2012 et 2017, Philippe Poutou avait recueilli un peu plus de 1 % des voix. Pour sa troisième tentative, il ne vise guère plus haut : «Si on fait 1,5 %, on est super contents», lance-t-il avec un grand sourire. Car il n’y a pas de raison d’«avoir des complexes» : «On est tellement fragilisés au quotidien, pas que par l’arrogance de la bande de tocards qu’il peut y avoir au gouvernement, mais aussi par l’arrogance d’une classe sociale qui nous écrase, qui crée cette impuissance qu’on intègre depuis l’enfance.» Alors pour Poutou, qui loue la «colère de la rue» et les «occupations» d’entreprises, accéder à la ligne de départ de la présidentielle est une autre manière de «retrouver cette force», «notre confiance en nous-mêmes» et «changer nos vies».
Contrer le «système rapace du capitalisme»
Un smic à 1 800 euros net, la semaine de 32 heures de travail, la retraite à 60 ans, le sauvetage des services publics, notamment hospitalier, l’expropriation des grands groupes – industrie pharmaceutique, énergie, banques : l’enjeu de la répartition des richesses pour contrer le «système rapace du capitalisme» reste au cœur du programme du NPA. «Vous saviez que les ultras-riches se sont enrichis pendant cette crise sanitaire, alors que l’économie tournait au ralenti ?» interroge Poutou. «Les grandes entreprises ont réussi à capter la plupart des aides publiques. Cette richesse, on s’en foutrait s’il n’y avait pas la pauvreté à côté mais là, c’est tout simplement du vol.» Et cette «histoire de ruissellement» ? «Ça ne marche pas», tranche-t-il.
Assise dans les premiers rangs, Morgane, 24 ans, partage cet avis. Elle attend encore un «courant qui [lui] donne envie de voter» : «Pourquoi pas le NPA, tout le monde se souvient de Poutou en 2017, très cash, qui avait permis de faire bouger les débats», dit cette diplômée d’études de genre, en recherche d’emploi. Il y a cinq ans, elle avait donné sa voix à Benoît Hamon puis à Emmanuel Macron, «par dépit et pour faire barrage à Marine Le Pen». C’est fini : même si l’extrême droite revient au second tour en avril prochain, elle votera blanc. «Macron a fait sa politique comme il le voulait. On ne prend pas encore assez en compte les inégalités, j’ai beaucoup manifesté contre la réforme des retraites et c’est sûr qu’on y aura droit quand Macron sera réélu», redoute la jeune femme.
Jugeant «épuisante» et «usante» la place faite depuis des mois à Eric Zemmour dans l’espace politico-médiatique, elle regrette une primaire populaire «venue beaucoup trop tard» et qui, de toute façon, «n’allait nulle part». Une initiative dont l’«artificialité» et l’«absence de débouchés» consacrent l’immobilisme de la gauche face au «zemmourisme ambiant», estime en écho Jean-Claude, 78 ans, chevelure blanche qui détonne dans la salle. Après avoir procédé au contrôle courtois de notre carte de presse (parce qu’on pourrait «être des RG»), cet ancien prof de philo vitupère contre le «totalitarisme technocratique» et la «soumission générale». Ce mardi soir à Villeurbanne, il salue la «radicalité» des jeunes qui l’entourent, reconnaît que «ça fait du bien de ne pas se sentir seul». Mais il se fait peu d’illusions pour la suite, «cinq ans de Macron sous la tutelle idéologique de Zemmour».