Douzième candidat qualifié in extremis, Philippe Poutou se plaint des conditions dans lesquelles se déroule la campagne et se dit heureux de pouvoir porter un discours axé sur «l’égalité réelle» et le «partage des richesses».
Normalement, Philippe Poutou aurait dû commencer sa journée du 8 mars par une audition devant la police. Le 4 février, l’ancien salarié de Ford Blanquefort avait reçu une convocation de la police judiciaire lui demandant de se présenter en la qualité de «suspect» pour «injure publique envers une administration publique» après avoir dit en octobre sur France Info que «la police tue». Mais finalement, vendredi, à 11 h 08 très précisément, le candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a appris par un coup de fil que sa convocation est reportée sine die.
«On venait de dire qu’on avait réussi à recueillir nos 500 parrainages, ils m’ont dit qu’ils me laissaient faire campagne tranquillement. Ça aurait fait tache qu’un candidat soit auditionné dès le premier jour de la campagne», explique Poutou ce mardi matin face à la presse, dans un bar parisien du Xe arrondissement. «Ils m’ont même souhaité une bonne campagne», ajoute-t-il d’un sourire en coin.
«La symbolique est forte»
En ce mois de mars, Poutou se lance donc, après 2012 et 2017, dans sa troisième campagne présidentielle. Pourtant, le conseiller municipal de Bordeaux a eu chaud. Le 1er mars, à trois jours de la date limite, son compteur de signatures ne dépassait pas 342. Et pourtant, lundi, le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, a bien confirmé que le candidat du NPA était qualifié. Il a finalement rassemblé 596 parrainages. «C’est plus que la dernière fois», précise-t-il fièrement.
Pour fêter ça, Poutou a convié la presse pour commenter son entrée en campagne. Le rendez-vous est donné au Dellys, un bar-restaurant situé entre la gare du Nord et la gare de l’Est. Coïncidence, le lieu est un repaire des syndicalistes Sud Rail, auquel appartient Anasse Kazib, cet ancien du NPA parti mener campagne en solo mais qui ne sera finalement pas candidat, faute de parrainages.
A l’étage peu spacieux du bar, Philippe Poutou se fraye un chemin pour prendre place derrière une table sur laquelle trônent quelques micros. Comme souvent, l’ancien salarié de Ford Blanquefort a presque l’air gêné d’être là. «La symbolique est forte, pour nous, parce que notre premier acte de campagne officiel est de participer, en ce 8 mars, à la mobilisation pour le droit des femmes», souffle Poutou. Le candidat est accompagné d’Aurore Koechlin et de «Drass», respectivement membres des commissions féministe et LGBTI du NPA. Chacune leur tour, elles expliquent à quel point le parti est pleinement engagé dans la défense des droits des femmes et des personnes LGBTI. «Chez nous, c’est sincère, ce n’est pas un supplément d’âme», explique la première.
L’occasion aussi de présenter les principales mesures proposées par leur candidat sur les deux thématiques comme «l’égalité salariale réelle», la création de nombreuses places d’hébergement pour les femmes victimes de violences, le remboursement par la sécurité sociale des frais liés à la transition ou la reconnaissance des transféminicides. «Je n’ai rien à dire de plus. Je vais juste répéter ce qui a été dit mais en moins bien», glisse alors l’ancien de Ford.
«Faire entendre un message différent»
Philippe Poutou n’hésite pas, en revanche, à s’attaquer à Emmanuel Macron. «Encore une fois, on voit tout son mépris et toute l’arrogance du pouvoir, siffle-t-il, en réaction à la décision du président sortant de ne se plier à aucun débat avant le premier tour. C’est une attitude grossière et grotesque. C’est comme si le PSG décidait de ne pas faire les matchs de poule en Coupe d’Europe. Il emmerde tout le monde, c’est ça le message.»
A propos de la guerre en Ukraine, Poutou tacle un candidat «qui a tout raté devant Poutine mais qui fait comme si ce n’était pas le cas». Face à la violence des attaques russes sur les populations ukrainiennes, le candidat du NPA se dit favorable à l’idée d’envoyer des armes en Ukraine. Il assure, par contre, avoir de «gros doutes sur le succès des sanctions économiques» et surtout «les intentions réelles du monde occidental». «La saloperie de Poutine n’est pas toute neuve et pourtant, on a commercé pendant des années avec la Russie», grince-t-il.
Le Bordelais le sait très bien : il ne gagnera pas la présidentielle. Il n’empêche, le successeur d’Olivier Besancenot se dit très heureux de porter une nouvelle fois la voix de son camp dans cette campagne. «C’est important pour nous d’être dans la course pour faire entendre un message différent», lance-t-il. Il développe : «On espère que notre discours va redonner une certaine confiance à certains, parce que si personne n’est là pour dire : “Il faut exproprier, il faut l’égalité réelle, il faut un vrai partage des richesses”, il ne peut pas y avoir de déclic dans la population.»
Entre l’extrême droite haute dans les sondages et la différence de traitement entre gros et petit candidat, Poutou affirme ne pas être satisfait «de la façon dont se déroule l’élection». Interrogé sur sa non-invitation à l’émission de LCI lundi soir consacrée à la question des femmes, il répond : «Ah ça s’est fait finalement ? Je ne savais pas, on ne nous a rien dit.» Et de conclure : «Encore des conditions lamentables et ça va continuer…»