A 44 ans, le Bordelais Philippe Poutou est désormais plongé dans le grand bain de la politique nationale.
Candidat du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) à l'élection présidentielle, il s'étonne encore quand une chaîne de radio ou une agence le sollicite pour avoir sa réaction sur un sujet inattendu pour le militant trotskiste. En France, celui qui prétend à la candidature suprême doit avoir réponse à tout.
Ce n'est pas comme ça qu'il le voyait : « Au NPA, nous voulions une candidature collective. » Olivier Besancenot, avec son aplomb perpétuel, a donné de mauvaises habitudes aux médias : « Je ne veux pas être le nouveau Besancenot, ils devront apprendre que le NPA ce n'est pas seulement Poutou. »
Personnalisation
Il est vrai que la personnalisation de la politique française n'est pas la seule responsabilité des médias. Ouvrier chez Ford à Blanquefort, il l'a réalisé il y a une quinzaine de jours en signant des formulaires pour officialiser sa candidature : « Je ne suis pas le candidat d'un parti, le candidat c'est Philippe Poutou. C'est moi qui ai signé de mon nom pour désigner un mandataire financier pour la campagne, et c'est moi le seul responsable. »
Pourtant, il ne se voit pas comme un être exceptionnel, comme « Sarkozy qui y pensait en se rasant le matin », ou « Hollande qui prétend être un président normal. »
L'ancien militant de Lutte ouvrière, passé en 1997 à la Ligue communiste révolutionnaire à la suite d'une purge interne, ne se voyait pas un tel avenir. L'aventure a commencé en mai dernier, quand Olivier Besancenot a annoncé qu'il ne serait pas à nouveau candidat en 2012 : « Un copain de la CFTC m'a suggéré de me présenter et, en deux outrois jours, tout le monde en parlait à l'usine. Je l'ai pris comme une plaisanterie, mais les copains ne rigolaient pas. »
Rejet du front de gauche
La direction girondine du NPA a vite avalisé ce choix qui a été plébiscité par la Conférence nationale le 25 juin dernier : « Le parti qui se revendique de la classe ouvrière a choisi un ouvrier. » Qui plus est, un militant syndicaliste dont le combat pour le maintien de l'usine Ford en Gironde a été couronné de succès cette année, avec la décision de reprendre l'usine : tout un symbole. Au passage, il a contribué à défaire la tendance qui souhaitait poursuivre les pourparlers avec le Front de gauche : « Au NPA personne n'était dupe que cela servirait uniquement à Mélenchon et au PC, mais certains pensaient que nous n'avions plus les forces pour nous présenter seuls si Olivier n'était pas là.
Le symbole de l'ouvrier est au moins aussi fort que celui du facteur de Neuilly, et plus proche encore de la mythologie ouvrière. Cela ne va pas sans poser de problèmes à un homme qui ne veut pas être changé par cette expérience hors du commun. Pas question par exemple que sa nouvelle situation l'amène à « prendre des vacances » vis-à-vis de sa compagne et de ses enfants de 6 et 9 ans. « Quand je partirai à Paris pour des réunions, elle viendra avec moi, et je ne veux pas me dispenser des tâches ménagères. »
Aucun candidat ne peut en dire autant, même s'il s'impose ainsi à lui-même un lourd handicap dès le départ.
Lacunes
Philippe Poutou, qui n'a pour tout bagage scolaire qu'un bac techno auquel il a échoué, a conscience de ses lacunes, même s'il a acquis une solide formation politique et sociale sur le tas. Il envie par exemple Olivier Besancenot qui a fait des études supérieures d'histoire, complétées par cinq ans au Parlement européen, où il était attaché parlementaire d'Alain Krivine. Il commence par exemple à s'inquiéter pour ce week-end, où il va devoir faire le grand discours de rentrée devant l'université d'été du NPA, à Port-Leucate.
C'est désormais sur lui que le NPA doit compter pour faire au moins aussi bien qu'Olivier Besancenot à la présidentielle de 2007 quand il avait obtenu 4,06 % des voix. Pour mémoire, il rappelle que les sondages n'accordaient plus que 0,5 % au NPA « dès le départ d'Olivier ».
Jean Pierre Deroudille