Avec son clip et sa prestation sur France2, Philippe Poutou a réussi àremobiliser ses militants, venus assister à son meeting jeudi soir à Paris.
Pour le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et son candidat-débutant Philippe Poutou, la dernière ligne droite avant le scrutin s’annonce plus sympa à vivre. Un clip de campagne remarqué, maniant l’autodérision, un passage tout aussi singulier sur France2 mercredi se terminant, sur le gong, par des applaudissements du public…
Les meilleurs ingrédients pour que prenne la mayonnaise médiatique autour de cet ouvrier de 45ans, réparateur de machines-outils à l’usine Ford de Blanquefort (Gironde) et syndicaliste CGT.
Devant la demi-douzaine de journalistes venus jeudi soir au gymnase Carpentier pour le meeting parisien du NPA, Olivier Besancenot s’amuse du ballet de caméras autour de lui et Poutou : «On est fier de la prestation de Philippe, mais on n’est pas surpris, savoure le double candidat à la présidentielle. Le vécu, ça peut parler autant que n’importe quel argument d’une boîte de communication.»
«On dit aux gens "représentez-vous vous-même", explique Thibault Blondin, de la direction de campagne. On le fait avec Philippe, un simple militant. C’est très bien s’il crée un courant de sympathie autour de lui. On regrette juste que ça arrive si tard… Pour peser sur Hollande, les gens risquent plutôt de pousser Mélenchon. On dit simplement que l’abstention utile, c’est voter Philippe Poutou.»
Alain Krivine, s’amuse, lui, de la«popularité énorme qu’a Oliv… heu Poutou». Beau lapsus. Le cofondateur de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, l’ancêtre du NPA) reprend : «Les gens disent "il est comme tout le monde". Et quand lui dit "je sais pas", ça ne choque pas !»
A constater l’affluence jeudi soir, on est bien loin de la «Poutoumania». A peine un millier de sympathisants. Mais avec sa prestation, Poutou a redonné un peu d’espoir à ses partisans : «Après l’émission, on a échangé des mails et on s’est appelé avec d’autres militants», raconte Régine, une journaliste de 60ans. Cette sympathisante du NPA attend son candidat, le«bol d’air» de l’émission de France2 la veille. «Les autres candidats étaient lisses et prévisibles. On avait l’impression d’être à un spectacle et de connaître la fin, enchaîne Marcos, 37ans, technicien de maintenance. Poutou a fait bouger les choses. Il est plus chaleureux, il a capté les gens.»
A une semaine du premier tour, il pense que le score de son parti peut dépasser le 0,5% annoncé dans les sondages :«D’autres élections se sont jouées grâce à la télé, alors s’il pouvait faire 5%, ça serait pas mal.» Léa, 19 ans, participe à sa première campagne présidentielle avec le NPA :«C’était l’un des premiers sujets twittés aujourd’hui, se réjouit cette étudiante en langues étrangères. Il apparaît de plus en plus comme un candidat digne de ce nom !» Elle espère que la campagne de Poutou trouve un nouvel élan : «Au départ, on se réunissait dans les bars, on était 50 ou 100. Il a été étouffé par Mélenchon, mais il ne faut pas l’oublier.»
Jeudi, quelques indécis d’extrême gauche sont venus voir avant de décider. «Mélenchon est partout, mais Poutou est dans la pente ascendante»,dit Nina, 23ans.
Ascendante mais ardue. Car malgré cet emballement médiatique, le NPA reste une formation fragilisée. Une partie de son ancienne direction a appelé à voter pour Mélenchon. La minorité du parti, regroupée dans le courant Gauche anticapitaliste (GA), s’apprête à rejoindre le Front de gauche après les législatives. Personne n’imagine Poutou promis à un destin semblable à celui de Besancenot. En 2002, le postier de 27ans, benjamin de la présidentielle, avait explosé dans les dernières semaines de campagne pour finir à 4,25%. «Le contexte politique est très différent, fait valoir François Sabado, comparse d’Alain Krivine. A l’époque, on sortait du gouvernement Jospin, l’espace pour nous était plus important. Là, il y a le Front de gauche et Mélenchon, la crise est forte, les gens veulent se débarrasser de Sarkozy…»
«Poutou s’améliore sur la communication, mais je ne change pas d’avis sur le fond, s’attriste Anne Leclerc, de la Gauche anticapitaliste. Etre la voix des opprimés et des exploités, c’est bien, mais il faut aussi faire des propositions audibles ! Or, on n’est pas pris au sérieux dans cette campagne.» A la direction du NPA, on espère profiter de cette éclaircie médiatique pour reprendre la main à gauche du PS. Besancenot et Poutou ont lancé un«appel» au Front de gauche, à Lutte ouvrière et aux «militants du mouvement social»pour construire «dès le7mai»,«l’opposition la plus unitaire qui soit à la gauche» du PS. Il faut «faire tomber les barrières»,a insisté Poutou jeudi soir.
Le NPA pense déjà à la «deuxième manche».Et se prépare à une - énième - recomposition.