En s’en prenant à Besancenot, la droite tend un piège au camp adverse, qu’elle tente de diviser durablement.
Trouble tête-à-tête entre Nicolas Sarkozy et Olivier Besancenot. D’un côté, le président de la République érige de facto le leader du futur Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) comme le chef de file de la radicalité. De l’autre, le leader trotskiste en profite pour s’afficher comme le premier «résistant» à Nicolas Sarkozy.
Un duo «gagnant-gagnant» pour les deux intéressés ? En tout cas, un piège tendu par le chef de l’Etat afin de diviser durablement la gauche. «On va vous faire avec Besancenot ce que vous nous avez fait avec Le Pen», avait ainsi lancé Sarkozy, le 7 juin 2008, à François Hollande, alors premier secrétaire du PS, dans un avion de retour de Beyrouth. Le bras de fer en cours entre les deux hommes, sur fond de journée nationale d’action, le 29 janvier, est «une nouvelle preuve que l’Elysée est à la manœuvre», note un leader de la LCR.
Convoqué hier au commissariat de Nanterre (Hauts-de-Seine) avec deux camarades de SUD PTT après une algarade lors d’une action dans un centre de tri postal, Besancenot a expliqué à sa sortie que cet épisode ne faisait que «renforcer [leur] enthousiasme pour la mobilisation sociale».
«Agressif». C’est Sarkozy qui a ouvert les hostilités contre l’extrême gauche et fait monter la sauce. En déplacement jeudi à Vesoul (Haute-Saône), il avait qualifié «d’irresponsable» l’attitude du syndicat SUD à l’origine du blocage de la gare Saint-Lazare. «La loi s’applique à tout le monde, y compris à ceux qui appartiennent à SUD», avait-il lâché.
Dimanche, Jean-François Copé, chef de file des députés UMP, s’est chargé de faire le lien entre le syndicat et Besancenot, accusant celui-ci, sur Radio J, de «cautionner des mouvements qui sont, pour certains, illégaux» et «d’incarner l’extrême gauche dans ce qu’elle a en réalité de plus agressif, de plus violent». «Nous le condamnons et nous le combattons», a tonné Copé. De quoi cimenter la droite contre les «gauchistes». Et de renforcer Besancenot ? «Nicolas Sarkozy essaie de criminaliser le mouvement social», a dénoncé ce dernier dans le Parisien le même jour. Fidèle du Président, Brice Hortefeux, nouveau ministre du Travail, a entretenu les braises lundi, jugeant «outrancier» le «mot de criminalisation». Une véritable partie de ping-pong.
«Sarkozy calque sa stratégie sur celle de Mitterrand avec le FN et l’applique à Besancenot et au NPA pour diviser la gauche. Il s’agit de faire peur dans les chaumières avant d’interpeller le PS : "Vous n’allez pas vous allier avec des gens dangereux et radicaux"», décrypte Christian Picquet, chef de file de la minorité unitaire de la LCR. De fait, avant chaque élection, Mitterrand prenait soin d’agiter le chiffon du vote des étrangers aux élections locales pour regonfler l’extrême droite. Confronté à une crise économique et sociale sans précédent, l’actuel Président tente de faire d’une pierre deux coups : «Il s’agit pour lui de freiner la mobilisation sociale en brandissant une soi-disant menace extrémiste et radicale. Et de discréditer SUD en en faisant une simple émanation d’un courant politique», analyse Picquet.
«Danger».Alors que le PS connaissait les affres de la division, le postier était relativement épargné par la droite. Le voilà infréquentable depuis l’affaire Jean-Marc Rouillan, cet ex-d’Action directe adhérent du comité NPA de Marseille. «C’était bien de mettre en avant Olivier pour emmerder le PS, explique Alain Krivine. Maintenant, il y a une offensive en règle contre SUD et contre lui. Le gouvernement a peur que ça pète. Et Olivier est devenu un danger. Plus que jamais il faut résister.» Pour Picquet, qui milite pour une ouverture du NPA aux autres forces de la gauche radicale, ce «face-à-face entre Sarkozy et Besancenot par-dessus tout le reste de la gauche et le mouvement social est un piège tendu par l’Elysée au NPA et à son leader. En le valorisant et en le criminalisant, on peut isoler un courant politique».
Si la riposte à Sarkozy dans la rue ne fait pas débat, sur le plan politique, la balle est donc dans le camp de Besancenot et des militants du NPA. Avec une échéance qui sera débattue au congrès fondateur du NPA début février : participer ou non au front commun de la gauche radicale aux européennes avec le PCF et Jean-Luc Mélenchon. Hier, Besancenot a indiqué qu’il n’était «pas d’accord» pour participer à un «bon coup électoral». Difficile d’abandonner un tête-à-tête si grisant avec le Président…
Matthieu Ecoiffier