Coût des déplacements, peur d'un autre 21 Avril, élus sans étiquette... A moins de deux mois de la date limite, le NPA de Philippe Poutou peine avec les parrainages.
« Nous avons deux voitures qui sont tombées en rade hier. » Ce texto envoyé par des militants du NPA un samedi de janvier signifie qu'ils n'iront pas à la chasse aux signatures ce week-end. Nous non plus.
La recherche de ces signatures repose principalement sur eux, confirme Thibault Blondin, chargé des élections au NPA, qui passent leurs journées libres et leurs week-end sur les routes pour convaincre des élus.
Comme près de 500 militants du Parti, ces deux bénévoles d'Ile-de-France parcourent la France depuis des mois (quand ils ont une voiture) pour recueillir les 500 parrainages indispensables à la candidature de Philippe Poutou à la présidentielle.
100 000 euros d'essence et de péages
Une recherche qui a un coût : 100 000 euros pour rembourser les frais d'essence et de péages de ces quêteurs, soit 1/9e du budget du NPA pour l'élection. Une « injustice par rapport aux grands partis qui n'ont pas besoin de dépenser autant pour leurs signatures », relève Thibault Blondin.
Les militants socialistes n'ont en effet pas besoin de se lever aux aurores le samedi pour taper à la porte des maires de petites communes. Les grands partis disposent d'un nombre suffisamment élevé d'élus pour ne pas avoir à courir les signatures.
La tâche est plus ardue pour les petits. Pour le NPA, la course a débuté en juin dernier, après la désignation du candidat, un inconnu, Philippe Poutou.
Qui est Poutou ? Lisez la brochure
Il a d'abord fallu recontacter les maires qui avaient parrainé Olivier Besancenot en 2007 – il a continué, depuis, de leur envoyer des cartes de vœux – ou José Bové et Gérard Schivardi. Beaucoup ont refusé, ont évoqué des problèmes et des subventions suspendues. Ils disent craindre d'entendre à nouveau « la gauche a perdu » à cause de leur choix.
D'autres ont hésité, préféré se prononcer après la primaire socialiste. Certains ne savaient pas alors qui était Philippe Poutou. Le NPA a dû produire une nouvelle brochure, présentant le candidat, un quatre pages sur l'« ouvrier dans l'automobile, candidat anticapitaliste ».
Sept mois après, le NPA dispose de 380 signatures. En 2007, à la même période, la LCR en avait 385. Pour se rassurer, le chargé des élections rappelle qu'en janvier 2007, José Bové déclarait en avoir 242 :
« Du point de vue d'un parti qui fonctionne sur les forces militantes, c'est bien mais on ne dira jamais “ on est contents ”. Ce qui est certain, c'est qu'on ira jusqu'au bout, on déposera nos signatures. »
Certaines arriveront directement au Conseil constitutionnel, comme en 2007, lorsque Olivier Besancenot s'était entendu dire que son ultime dépôt était inutile puisque des signatures « surprises » avaient largement complété les précédentes.
Petit guide du militant NPA
Le plus déterminant pour arracher un parrainage demeure le « bagout des militants ». Certains comptent à eux seuls une vingtaine de signatures. Des consignes sont donc distribuées avant les départs en tournée, par e-mail via une feuille intitulée « La Cible » (en 2007, ça s'appelait « Le Sésame ») et une réunion hebdomadaire au siège du NPA. Parmi ces conseils :
1 La patience
Il faut en moyenne avoir vu vingt maires pour obtenir un parrainage et la plupart du temps, sur un canton, la traversée de douze communes ne permet d'en croiser que trois ou quatre... ou personne.
2 La méthode
Inutile de se présenter en meute. Le NPA recommande d'être « au maximum deux à frapper à la porte d'un maire ». Le « frapper à la porte » est littéral : les déplacements du week-end visent à aller retrouver le maire à son domicile.
3 La diplomatie
« S'il ou elle hésite, ne pas paraître déçu et au contraire, indiquer qu'on comprend et que nous en reparlerons au prochain passage » et « si c'est un non ferme et définitif, on part poliment [...] les maires discutent beaucoup entre eux et un mauvais échange et une fausse note peuvent nous coûter cher plus tard ».
4 L'argumentaire
Le Parti a fourni des réponses aux questions les plus fréquentes. Ainsi, à ceux qui hésitent à cause des pressions, les militants devront se montrer rassurants, rappeler que « 17 000 élus ont parrainé en 2002 », qu'il s'agit d'« un acte banal d'élu ».
A ceux qui craignent un nouveau 21 Avril, rappeler que la LCR avait appelé à voter contre Le Pen en 2002, que « si on prive les électeurs de choix au premier tour », ils n'iront pas au second ou qu'en se présentant, le Parti peut « booster les débats comme ceux sur la défense des services publics en milieu rural ».
Un « matelas confortable » de... promesses
Lorsque le le maire accepte enfin, il signe un pré-formulaire remis au militant. Un document qui n'a aucune autre valeur que celle de la promesse. Car c'est à partir du 23 février que les vrais bulletins de parrainage seront envoyés aux élus. Jusqu'au 16 mars, les militants devront retourner auprès de chaque élu ayant fait une promesse pour récupérer le parrainage définitif et le porter au Conseil constitutionnel. En voiture.
Pour être tout à fait tranquille, un parti doit avoir l'assurance que 800 à 1 000 maires donneront les signatures nécessaires. Un « matelas confortable » jamais obtenu par le NPA.
En 2007, une seule signature en Alsace !
Pour obtenir un engagement des élus, les militants se concentrent essentiellement sur ceux des petites communes, « un nouveau terrain pour le NPA qui est plus urbain que rural ». Si l'argumentaire démocratique l'emporte souvent, les édiles sans étiquette sont souvent les plus difficiles à conquérir :
« Leur argument est justement de dire qu'ils ne font pas de politique, qu'ils ont été élus sans parti. Certains ont parfois recours à leur conseil municipal ; là on sait qu'on n'aura pas notre signature. Le plus dur c'est de déconstruire l'idée qu'un parrainage est un soutien politique.
En 2007, on avait récupéré la lettre d'une maire à ses administrés expliquant que son parrainage, ce n'était pas de la politique. C'est le genre de document qu'on essaye de leur donner. Ou le communiqué de l'[Association des maires de France, AMF] rappelant que le parrainage n'est pas un soutien politique. »
Les régions les plus difficiles restent celles qui sont majoritairement à droite. En 2007, le NPA n'a recueilli qu'une signature en Alsace. Cette année, la mobilisation y est faible comme en Paca ou dans les Pays de la Loire. A l'inverse, c'est en Picardie, où beaucoup d'équipes sont mobilisées, dans le Sud-Ouest et la Haute Normandie que les militants font le plein de signatures.
En Gironde, la région d'origine de Philippe Poutou, les signatures sont sensiblement plus nombreuses qu'en 2007 :
« Deux ou trois maires sont reconnaissants à Philippe Poutou pour son combat à l'usine de Blanquefort. »
Plusieurs maires ont déjà promis leur soutien à Lutte ouvrière « en campagne depuis un an » ou plus exceptionnellement au... groupuscule de Jacques Cheminade. Thibault Blondin explique :
« Il a un habillage de gauche qui peut tromper. »
Zineb Drief