Le ton est plutôt sec. La CGT a répondu par la négative à l'invitation du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) de participer à son université d'été, qui se tiendra du 23 au 26 août à Port-Leucate (Aude).
Selon Alain Guinot, secrétaire confédéral, qui signe la lettre envoyée au NPA le 10 juillet, la CGT ne peut participer à un débat intitulé "quelles stratégies pour les luttes ?", qui conforte la CGT "dans l'idée qu'il y a entre nos organisations une divergence de conception sur nos prérogatives respectives".
Confrontée à des mouvements durs dans certaines entreprises et à la difficulté d'offrir des perspectives à l'ensemble des salariés victimes de la crise, la CGT, comme les autres confédérations, a peu apprécié les interventions du NPA sur le champ des conflits sociaux. Les visites répétées du porte-parole du parti, Olivier Besancenot, aux entreprises en lutte ont achevé d'irriter les dirigeants syndicaux.
La CGT se dit, dans son courrier, "disponible pour des rapports d'organisation à organisation avec les partis politiques démocratiques, fondés sur le respect mutuel des prérogatives de chacun". Elle attend d'eux "qu'ils respectent son autonomie d'analyse, de propositions et d'actions". Or, à quelques mois de son 49e congrès confédéral, qui se tiendra en décembre, le syndicat de Bernard Thibault doit discuter de son orientation. Et d'aucuns, à l'intérieur de la CGT, comme des syndicats de la métallurgie et de la chimie sont très critiques, dénonçant un "tournant réformiste".
Pour justifier son refus, alors qu'à plusieurs reprises des représentants de la CGT ont participé aux universités d'été de ce qui était alors la LCR, la direction du syndicat fait le tri. "Nous avons pu distinguer au moins deux attitudes chez les partis s'affirmant aux côtés des salariés", écrit M. Guinot. La première reconnaîtrait "la mission et les responsabilités particulières des organisations syndicales". La seconde, et le NPA comme Lutte ouvrière en font partie, "prétend donner des leçons aux responsables syndicaux, voire même de se substituer aux syndicats dans leurs responsabilités d'assumer la défense des salariés et la conduite des luttes". Et selon la CGT, "un certain nombre de déclarations du NPA et de son premier responsable ont, à l'évidence, emprunté cette voie".
"ATTITUDES AGRESSIVES"
"Il existe un contexte particulier dans lequel nous avons constaté un certain nombre d'attitudes agressives", explique Alain Guinot. Selon lui, cela remet en cause l'indépendance syndicale. M. Guinot ne veut cependant pas que le refus de la CGT vaille rupture. "Nous sommes dans un moment particulier et nous répondons négativement à cette sollicitation", dit-il encore, rappelant que la CGT a déjà rencontré la LCR. Il espère aussi que ce refus puisse "interpeller le NPA sur la conception des rapports qu'il entretient avec le mouvement syndical". Du côté du NPA, on ne veut pas dramatiser. Sandra Demarcq, membre du conseil politique national du NPA, se dit "désolée". "Nous avons invité la CGT, la CFDT, FO, la FSU et Solidaires, précise-t-elle. La CGT a refusé, CFDT et FO n'ont pas répondu et Gérard Aschiéri (FSU) et Annick Coupé (Solidaires) ont accepté."
Surtout, les dirigeants du NPA pointent ce qu'ils appellent les "contradictions" de la CGT. "La CGT a déjà participé à des universités d'été de la LCR, au niveau confédéral avec Jean-Christophe Le Duigou, Bernard Thibault participe à des débats avec le PS, sera présent à la Fête de l'Humanité en septembre, dit Mme Demarcq, on ne voit pas pourquoi cet ostracisme." Elle note aussi que Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, a participé début juillet à un forum du Front de gauche intitulé "Trois heures pour une alternative de gauche".
Autant d'éléments qui font dire à François Sabado, dirigeant historique de la LCR et membre du CPN du NPA que "l'histoire montre que les partis politiques, PCF et PS compris, ont pu s'interroger sur les stratégies de la CGT sans que cela signifie une remise en cause de l'indépendance syndicale". De fait, dans les dernières semaines, les militants du NPA, mais aussi du PCF, ont critiqué l'absence de perspectives offertes par l'intersyndicale. "On pense que la réponse n'était pas à la hauteur des enjeux et des possibilités, et le NPA, comme l'ensemble des partis politiques, peut avoir son avis", fait valoir Sandra Demarcq.
Le NPA doit répondre à la CGT en proposant une rencontre à la rentrée. "Nous voulons discuter avec elle des perspectives pour la rentrée, de l'unité large qu'il faut construire entre les syndicats et les organisations politiques", explique la dirigeante du NPA. Tout en affirmant la nécessaire "confrontation des points de vue, des analyses des partis politiques".
Rémi Barroux