L’intitulé de l’atelier sur les sextoys, marchandisation ou épanouissement du plaisir féminin, s’est trouvé largement dépassé tant le débat a été riche. Rassemblant environ 80 militantEs, les interventions variées ont permis d’aller plus loin que l’introduction qui s’était déjà distancée de cette question de départ, notamment en cherchant à comprendre comment se construisent les pratiques sexuelles et comment se forment et se déplacent les frontières de la légitimité et de l’illégitimité sociale entre ces pratiques.
Des interventions ont questionné le phénomène sextoys en exprimant des craintes sur la signification sociale de son développement, par exemple en considérant qu’il renvoyait au développement de la solitude dans la société libérale et que l’usage des objets ne pouvait constituer qu’un ersatz moins intéressant que la sexualité dans le cadre d’une construction sentimentale de couple. D’autres ont expliqué qu’il ne s’agissait pas de hiérarchiser les pratiques sexuelles mais de chercher à mesurer ce que les sextoys pouvaient permettre aujourd’hui, bien qu’ils soient proposés dans un contexte marchand dont l’objet n’est pas l’émancipation.
Dans le débat, le contexte des injonctions à jouir, à la performance, est revenu plusieurs fois avec des références faites aux magasines féminins, par exemple. Dans le même temps, il est ressorti de la discussion que les sextoys permettaient une véritable libération de la parole autour des sexualités et nous avons cherché à comprendre comment cela avait été rendu possible. Le « jeu » est apparu alors comme un élément d’explication de ce phénomène, car il a permis de banaliser le sexe, de le mettre à distance tout en l’évoquant finalement. Un camarade, infirmier en HP, est intervenu pour expliquer que les relations sexuelles y étaient interdites et que l’arrivée des sextoys, il y a deux ans environ, a été un élément très positif pour les patientEs. Le plaisir masculin et son renouvellement, qui avait été peu évoqué dans l’introduction, se sont invités dans la discussion. Il est apparu que les sextoys pouvaient permettre de lever le tabou de la sodomie masculine, des toys étant crées pour stimuler la prostate.
Au fond, c’est la question de la sacralisation du sexe qui se pose. Peut-on « faire du sexe » comme on boirait le verre d’eau (ou de bière) métaphorique qui a traversé tout le débat ? Cette question posée ici par le prisme des sextoys a, en réalité, des implications nombreuses pour les luttes féministes et LGBTI aujourd’hui.
Si les publicités autour des sextoys tendent à les inscrire dans le cadre du couple hétérosexuel monogame, ils peuvent aussi favoriser toutes sortes de subversions, permettre un renouvellement des pratiques à une échelle de masse et, surtout, posent la question de la naturalité du sexe. Les perspectives de luttes sont donc nombreuses et des revendications ont émergé : remboursement des sextoys, réquisition des entreprises et contrôle ouvrier dans les boîtes productrices de sextoys ! Homo, hétéro, à un, à deux ou à plusieurs, sextoys addicts ou non, unissons-nous !
Pascal Levy, Lisbeth Sal