Faire entrer la politique dans les quartiers populaires, alors que les partis traditionnels y sont pour la plupart discrédités, est une tâche que s’est fixé le NPA, dès sa fondation.
La première Université d’été du NPA a été l’occasion de souligner l’importance que commence à prendre l’intervention de notre organisation dans les quartiers populaires (QP).
En interne, tout d’abord, puisqu’après en avoir fait un des trois axes centraux, avec la jeunesse et les entreprises, lors du dernier CPN, de nombreux ateliers et débats avaient été organisés et animés par les membres de la commission QP, créée un an plus tôt, autour de thèmes aussi variés que les violences policières, le logement, les jeunes, la crise dans les QP…
En externe, ensuite, marquée par la présence, lors d’un débat avec Oliver Besancenot et Omar Slaouti, des militants associatifs du MIB, d’AC-le Feu, du MQJS et des Motivé(e)s. Une rencontre qui prouve que le travail effectué par les militants du NPA, que ce soit par leur présence régulière, la campagne européenne, qui a eu un écho significatif dans les QP, et surtout par leur action pendant, et après, la mobilisation pour Gaza, force le respect et fait de notre parti un interlocuteur privilégié pour ces associations. Une présence d’autant plus remarquable que, comme l’a précisé Sala Amokrhane des Motivé(e)s, l’activité politique dans les QP brille trop souvent par son absence et sa dispersion ou par les pratiques clientélistes, paternalistes et méprisantes des partis institutionnels dont l’influence est particulièrement néfaste.
Ce sont d’ailleurs ces pratiques clientélistes qui ont été le plus souvent condamnées lors des débats et des discussions informelles soulignant, à la fois, la difficulté pour le NPA d’expliquer et de prouver que l’on peut faire de la politique autrement, et la difficulté pour les habitants et les travailleurs sociaux d’assumer une activité militante et professionnelle conformes à leurs convictions tout en étant directement dépendants des subventions institutionnelles distribuées par des élus, dont les seuls intérêts sont d’éviter tout débordement et de récupérer des voix.
Combattre ces pratiques constituera un des enjeux centraux de l’activité du NPA dans les QP. Ainsi, c’est à la suite du licenciement injuste d’une directrice de centre social des quartiers nord de Marseille, que le NPA a pris l’initiative d’inviter plusieurs associations, centres sociaux, médias alternatifs, habitants à créer un Réseau social des quartiers populaires (RSQP) dont le but est l’éducation et l’action populaire et qui réclame ouvertement la gestion par la population des subventions publiques. Créé en juin dernier, ce RSQP se développe et se renforce avec l’arrivée prochaine de nouvelles associations de quartier, de locataires ou communautaires, de Marseille, mais aussi d’Istres, Martigues, Marignane, Vitrolles, Aix… ainsi que d’autres forces politiques (PC, Alternatifs, Rouge vif, Fédération). Une expérience qui prouve qu’en ces périodes de crises, face à un gouvernement violent, méprisant et fidèle aux intérêts des pires délinquants capitalistes, l’action des militants du NPA est un levier essentiel pour refonder, par le bas, un mouvement ouvrier solide, large, uni et indépendant.
Nico Johsua
Après l’atelier, Omar Slaouti a poursuivi le débat avec Tarek Kawyari du MIB et Mohamed Mechmache d’AC le Feu !
Omar : Le débat portait sur les suites politiques à donner à l’intervention des associations dans les quartiers populaires. Qu’en pensez-vous ?
Mohamed : Il faut une continuité politique dans les banlieues. Nous voulons choisir la politique qui est appliquée et non la subir. Par exemple pourquoi détruire des tours, alors que tant de logements manquent ? On parle de décrochage scolaire, mais le gouvernement ferme des classes, retire des moyens aux écoles… Pareil pour les transports : les banlieues sont enclavées, et diminuer les transports revient à ghettoïser des jeunes, qui ne peuvent plus sortir de chez eux, se déplacer pour aller travailler.
Tarek : Dans les quartiers, c’est comme ailleurs, il faut arrêter avec le « nous » et le « vous ». J’ai le sentiment de combattre pour l’humanité, pas pour une catégorie de la population, même s’il se trouve que dans nos quartiers, il y a beaucoup d’Arabes et de noirs. Par exemple, on a défendu un habitant menacé d’expulsion et on s’est rendu compte qu’il avait une photo de Le Pen chez lui. Mais on ne regrette pas de l’avoir défendu. Depuis les années 1980, à la suite des discours de Le Pen, on a construit le concept d’ « ennemi intérieur ». On n’est pas en-dehors de la République, on essaie d’aller vers les gens. Le NPA nous a invités, on est venu même si on ne va pas devenir des révolutionnaires, du jour au lendemain. On peut aider le NPA à faire entrer la politique dans les quartiers, mais il sera jugé comme tous les autres.
Omar : On n’arrive pas à mettre en place des réseaux pour répondre aux violences scolaires. Où sont les blocages pour créer un contre-pouvoir ?
Tarek : Des réseaux existent, mais surtout localement. A l’époque des bidonvilles, il y avait plus de solidarité. L’individualisme est arrivé dans les quartiers beaucoup plus vite qu’ailleurs. L’espoir a été tué par la gauche et le PS. Aujourd’hui, on ne pourrait pas imaginer une Marche pour l’égalité, il y a trop peu d’espoir. Mais il y a du potentiel dans ces quartiers.
Mohamed : Aujourd’hui, on est obligé de créer des espaces de parole, de solidarité.
Omar : Que représentent pour vous les Forums sociaux des quartiers populaires (FSQP) ?
Mohamed : C’est un outil pour rassembler des forces. Par exemple, il n’est pas normal que la police utilise des méthodes condamnées par tous, y compris la Cour européenne des droits de l’Homme. On veut amener ça sur le champ politique.
Omar : Vous êtes en train d’opérer un tournant. Etes-vous prêts à investir le champ politique institutionnel, et sur quelles bases ? Pour les régionales, peut-on imaginer de se retrouver avec les partis à la gauche du PS et les associations autour d’un programme, pour avoir des élus ?
Mohammed : Avec AC le Feu, on l’a déjà fait en 2005. Mais, quand on va dans une mairie, c’est pour faire de la politique autrement. Nous voulons garder notre autonomie par rapport aux partis, nous ne sommes pas des porte-drapeaux, ni le noir ou l’Arabe de service. Mais on peut faire un bout de chemin avec certains qui partagent nos objectifs. Au FSQP à Montpellier (Héraut), nous aurons la discussion sur les régionales. On veut apporter nos idées, mais pas servir de tremplin ni être instrumentalisés.
Tarek : Avant nous étions réfractaires vis-à-vis des politiques. Aujourd’hui, on veut essayer. Si on se trompe, tant pis. On veut refonder une éducation populaire, à notre façon, avec un objectif d’émancipation. L’histoire des quartiers fait partie de l’histoire du pays. On a un projet de centre de documentation sur la mémoire des quartiers populaires. Je ne peux pas parler d’un autre projet de société, mais de projets pour ces quartiers. Dans certaines situations, l’état d’esprit change. Les gens parlent plus de politique, ils s’ouvrent vers l’extérieur. Nous voulons leur dire « vous pouvez le faire, vous pouvez vous battre et obtenir des choses ».
Par exemple, où est passé l’argent de la politique de la ville ? Les gens croient que les banlieues ont touché 2 milliards d’euros, alors que les trois quarts n’y sont jamais arrivés. En ce qui concerne les régionales, on s’est posé la question. Mais pas en termes de diversité. Je suis contre la diversité…