Résolution sur la situation internationale et la répression adoptée lors du Conseil Politique National du NPA - L'Anticapitaliste des 18 et 19 novembre 2023
L’offensive inattendue du Hamas a changé la situation
Cet automne est essentiellement marqué par la séquence initiée par l’attaque des forces palestiniennes, notamment le Hamas, depuis la bande de Gaza. Cette attaque surprise a suscité une large émotion. L’offensive médiatique des soutiens à Israël et les multiples interdictions étatiques de manifester ont étouffé les soutiens aux droits des PalestinienEs, empêchant ainsi de faire comprendre le contexte. Le blocus et le statu quo de cette prison à ciel ouvert pour 2 millions de palestinien.nes, allié à un contexte international de normalisation (ou projet de normalisation) des relations de plusieurs pays arabes avec Israël ont sûrement été le déclic de cette offensive palestinienne, qui par ailleurs coincide avec le cinquantième anniversaire de la guerre du Kippour.
Même si la réponse de l'État d’Israël était attendue et prévisible, son ampleur et les mots utilisés pour définir l’intervention à Gaza font froid dans le dos : “enfants des ténèbres”, “animaux humains”, “ouvrir les portes de l’enfer” ainsi que des références explicites à des massacres. Ces propos sont à l’image de la domination de l’extrême droite sur la politique israélienne, et de la fuite en avant d’un pouvoir instable. Ils sont également à la mesure de la sidération d’une partie de la société israélienne.
En effet, l’ampleur de l’attaque dirigée par le Hamas est inédite : près de 1400 victimes civiles et militaires sont à déplorer. Le projet politique et idéologique, la stratégie et les moyens de lutte du Hamas ne sont évidemment pas les nôtres. Et nous dénonçons les tueries de civils sous l’égide du Hamas menées lors des attaques du 7 octobre, tueries que nous condamnons et que nous avons découvertes après la publication de notre premier communiqué. Nous déplorons toutes les victimes civiles, qu'elles soient israéliennes ou palestiniennes, et nous dénonçons tous les crimes de guerre.
Plusieurs rapports ont souligné la surprise et l’impréparation de l’armée Israélienne ainsi que la surprise de leur succès initial du côté des forces de la résistance palestinienne. Les nouvelles de Gaza - outre le blocus - étaient surtout liées à la routine de quelques roquettes lancées sur Israël qui étaient suivies d’un bombardement sur des civils - communément appelé “tondre la pelouse” par l’armée Israélienne. Ce cycle a été bouleversé et la sécurité d'Israël a été mise à mal.
Mais nous devons aussi inscrire cette offensive dans une compréhension plus globale de la situation mondiale. Pour reprendre la récente déclaration du Comité international de la IVe Internationale : « Des situations de guerre se développent dans différentes parties du monde où des puissances oppressives nient les droits des peuples et des minorités nationales. Par exemple, la récente offensive militaire du régime azerbaïdjanais a entraîné l’expulsion de plus de 100 000 Arméniens du Haut-Karabakh. Cette offensive a été menée en collaboration avec le régime turc d’Erdogan, qui continue de mener sa propre guerre contre les Kurdes en Turquie et en Syrie, tout en muselant constamment toute opposition progressiste en Turquie. Parmi les autres cas, le Cachemire qui continue d’être victime de l’oppression coloniale de l’Inde et du Pakistan, et l’Arabie saoudite qui a mené une guerre atroce au Yémen ces dernières années, avec le soutien des armes occidentales, notamment françaises.»
On pourrait citer aussi la guerre interminable au Congo (RDC), sur fond de courses des multinationales aux métaux rares. Et évidemment, la situation internationale reste marquée par la guerre d’invasion de Poutine contre l’Ukraine, avec une résistance légitime du peuple ukrainien, qui reçoit maintenant plus d’armes des puissances occidentales, mais sans que cela ne suffise à empêcher de nouveaux bombardements et de nouvelles offensives de forces russes supérieures en nombre d’engins militaires et de soldats, encore moins à reprendre plus de territoires envahis que ceux qui ont été libérés il y a un an. Cette situation renforce la confusion des forces qui se proclament progressistes dans le monde.
La guerre en Palestine n’est donc pas un cas isolé, qui serait le produit de forces politiques incontrôlables, mais un point fortement visible, du fait du poids historique et géostratégique de ce conflit, du durcissement des conflits impérialistes et inter-impérialistes, avec des gouvernements de plus en plus autoritaires, antidémocratiques, voire fascisants, dans de nombreux pays du monde. De ce point de vue, la question de la normalisation des relations entre l’Etat israélien, érigé comme “pointe avancée” de l’Occident au Moyen-Orient, et les Etats arabes est aussi un produit de ce tournant autoritaire mondial et du durcissement des relations inter-impérialistes.
Un statut quo qui ne pouvait durer
B. Netanyahu, soit-disant l’homme de la “sécurité”, a été déconsidéré et déstabilisé par cette offensive. Revenu au pouvoir par le biais d’une coalition avec les pires éléments religieux et d’extrême droite, il semblait pouvoir éviter les menaces judiciaires le concernant. Son gouvernement ouvertement raciste et fasciste appelait sous différentes formes et façons à la morts des arabes et à l’établissement d’un grand Israël. Par ailleurs, il avait été mis à mal par des manifestations de masse contre sa politique autoritaire et ses réformes antidémocratiques. Malheureusement, les mobilisations liées à la crise de la “démocratie” Israélienne n’avaient pas réellement abordé la question de la colonisation (ou alors marginalement) et le sort des Palestinien.nes était relégué à l'arrière-plan.
Se sentant à l’abri en ayant soit disant “domestiqué” les forces palestiniennes, la classe dirigeante israélienne avait déserté le front du côté de Gaza pour accélérer encore davantage l’expansion de ses colonies en Cisjordanie. L’attaque du Hamas a donc pris réellement la société Israélienne par surprise et leur a rappelé de manière macabre l’existence d’une population colonisée, sous blocus, réprimée et humiliée quotidiennement.
Nous écrivions en septembre pour le 30ème anniversaire des accords d’Oslo que la stratégie d’Israël n’avait jamais été de faire ni la paix ni le partage de la terre. Ces accords étaient un moyen de reléguer les Palestinien.nes en sous-citoyens dans de futures villes entourées de routes et de murs et de les expulser des autres zones contrôlées par Israël : des mini-gaza dans une Cisjordanie morcelée. Ce projet est toujours à l’ordre du jour et un État palestinien sur les demis confettis de ce qu’il leur reste de territoire ressemble plus à une farce grotesque qu’à un plan de paix réaliste.
Le droit au retour des PalestinienEs n’a jamais été vraiment pris en compte, y compris du temps où les travaillistes gouvernaient, comme au moment des accord d’Oslo imposés par les États-Unis. Il est plus que jamais vrai qu’avec la dégradation généralisée du rapport des forces ces dernières années, ce droit s’efface. Le paroxysme de la négation du droit au retour est atteint : le nettoyage ethnique.
Une nouvelle situation de guerre ouverte
L’offensive du Hamas a donc mis fin au projet colonial à bas bruit d’Israël. Maintenant la politique de l’État israélien est discutée au grand jour : il s’agit de poursuivre son expansion, d’évacuer les Gazaouis en Égypte et les Cisjordanien·nes ailleurs.
La campagne de bombardements de Gaza ainsi que l’offensive terrestre ont provoqué une indignation internationale tant l’asymétrie des moyens et des victimes est flagrante. La riposte israélienne apparaît pour une vengeance sanglante, une punition collective et, de plus en plus, pour ce qu’elle est : une politique de nettoyage ethnique à l’image de ce qui s’est passé avec les Tutsis au Rwanda, au Darfour ou en ex-Yougoslavie. Et cela avec une disproportion et une débauche de moyens hallucinante pour détruire et anéantir une zone de 2 millions d’habitant.es composées à moitié de personnes de moins de 18 ans. En 3 semaines de bombardements, Israël a lancé l’équivalent en tonnage de Hiroshima et a tué plus d’enfants que toutes les guerres depuis 2019. La plupart des pays qui soutiennent ces massacres - c’est-à-dire la plupart des pays capitalistes européens et occidentaux - le font contre leur opinion publique.
Israël affirme que son objectif est d’éradiquer le Hamas et de libérer les otages. En dépit des affirmations selon lesquelles l’armée israélienne est « morale », il est de plus en plus clair qu’il s’agit de faire disparaître toute la population de Gaza d’une façon ou d’une autre. Une ébauche de plan d’évacuation de Gaza pour un transfert forcé vers le Sinaï (dans un camp de réfugié géant dans le désert) a fait surface côté israélien. Même si un tel plan semble difficilement réalisable, il n’en reste pas moins que cela s’inscrit dans le rêve du Grand Israël.. A l’heure où nous écrivons, l’offensive Israélienne est en cours et il est trop tôt pour savoir dans quel sens la balance va pencher mais il est certain que l’équilibre (relatif) de la zone a été profondément modifié.
Extension du conflit, conséquences internationales
Mis à part les États-Unis, cette soi-disant “riposte” israélienne commence pour le monde entier à être un problème. La Présidente de l’Union européenne a défendu un soutien inconditionnel à Israël, alors même que les gouvernements des États européens sont partagés. Les votes unanimes (même timidement) sur les résolutions de l’ONU ont poussé Israël à être encore plus arrogant en demandant la démission du secrétaire général de l’ONU par exemple. La solidarité entre les puissances impérialistes tient pour l’instant, mais au prix de contorsions et il n’est pas certain que les États-Unis soutiennent longtemps une offensive qui risquerait de déstabiliser plus fortement la région, les rapports construits avec les puissances arabes, sans parler du coût politique pour les gouvernements occidentaux.
Le soutien aux PalestinienNEs est planétaire : plusieurs centaines de milliers de manifestants défilent chaque week-end dans tous les pays du monde (avec comme exception notable la France et l’Allemagne), des dizaines de milliers aux États-Unis et au Canada, en Angleterre mais aussi évidement dans tout le monde arabe et musulman. Cela a entraîné une recrudescence des discussions sur Israël et sur la mise en avant du projet colonial.
Les réactions en Israël sont actuellement limitées et ambiguës : elles mêlent diverses orientations, appelant au retour des otages, parfois à l’arrêt des bombardements et à des négociations, les points communs étant le rejet de Netanyahu, identifié comme le responsable des attaques du 7 octobre. Cet élément de fragilisation du pouvoir israélien est cependant un élément de rapport de forces important.
La guerre en Palestine aura aussi un impact international plus large avec la possibilité de l’extension du conflit au Liban et à l’Iran. Le refus de la normalisation des relations avec l'Arabie saoudite et l’offensive du Hamas ont eu pour effet de freiner le lent abandon de la question palestinienne et de Gaza en particulier.
La guerre est aussi une donnée plus globale, tant pour les impérialistes que pour les peuples. La Palestine est révélatrice de l’impossibilité de stabiliser la situation dans la région. Les Emirats Arabes, l’Arabie Saoudite et le Maroc, entre autres, en partie sous la pression des occidentaux, ont “normalisé” leurs relations avec Israël, mais leurs populations ne l’acceptent pas. De plus, la guerre pourrait, selon la Banque mondiale, pousser le prix du baril de pétrole à 150 euros.
La guerre en Ukraine est un autre exemple des guerres visant à redéfinir les rapports de forces entre les grandes puissances, comme les coups d’État, interventions militaires et renégociations contractuelles en Afrique. Les impérialismes de second plan n'échappent pas à cette dynamique.
Toutes ces guerres sont des symptômes d’un monde de plus en plus instable, où chaque puissance impérialiste se bat pour ses sphères d’influence, de plus en plus par les moyens armés.
Et, pour les peuples, il est légitime et inévitable de résister les armes à la main à ces offensives, que ce soit en Ukraine, en Palestine ou ailleurs. Les positionnements des États occidentaux vis-à-vis des différents conflits sont complètement déterminés par leurs intérêts politiques et économiques. Ces positionnements et le traitement médiatique qui y est lié induisent un profond sentiment d’injustice pour les victimes et les populations dans les pays occidentaux qui leur sont solidaires.
La répression part du racisme et s’insère dans toutes les sphères
La classe dirigeante française a décidé d'empêcher les expressions du soutien au peuple palestinien et de les criminaliser. Entamée en 2021 (après un précédent en 2014), l’interdiction des manifestations était circonscrite à Paris mais s’est généralisée sur tout le territoire. Les justifications données dans les arrêtés d’interdictions conjuguent le soutien au Hamas, l’apologie du terrorisme, l’antisémitisme et la présence d’organisations qui “soutiennent le terrorisme” en faisant référence directement à notre organisation. Même si visiblement les directives d’interdiction sont ordonnées de manière nationale, les rédactions des attendus ont l’air d’être plus sujets à des déclinaisons locales.
Soumis à des pressions nationales et internationales, l’Etat français a multiplié les allers-retours d’autorisation et interdiction des rassemblements. L’étau semble se desserrer récemment et les manifestations du 4 novembre ont été un immense succès modifiant le rapport de force. Cela est dû essentiellement à la pression exercée par en bas, dans les classes populaires, qui ont pesé sur les directions des organisations du mouvement ouvrier, lesquelles ont en retour appelé à des manifestations que le pouvoir n’a pas osé interdire. C’est une démonstration de plus de la nécessité d’une politique de front unique, de la base au sommet, pour peser sur les rapports de forces. Mais il n’est pas impossible que les interdictions reviennent à l’ordre du jour.
L’utilisation des législations anti-terroristes pour mettre la pression sur les organisations politiques (NPA, LFI, CGT et différents individus) confirme bien l’usage qui peut en être fait pour permettre la répression politique comme nous l’avions dénoncé à l’époque.
Les motivations de la France dans ce conflit sont de plusieurs ordres. Sur le plan international, elle s’inscrit, depuis Sarkozy, complètement dans le sillage de la politique des États-Unis, contrairement à la tradition gaulliste. Cela est dû à la combinaison de la dégradation pour elle du rapport de forces avec les États-Unis au Proche-Orient, aux rapprochements entre les pays arabes et Israël et à la pression politique exercée par l’extrême droite en Israël.
Sur le plan interne, l’État et la bourgeoisie se saisissent de la crise actuelle pour approfondir leur pouvoir autoritaire et raciste. Il s’agit de se montrer aussi efficaces que l’extrême droite sur ce terrain. L’islamophobie et le racisme vont continuer à se développer. Le 2 poids 2 mesures concernant les morts arabes et israéliennes, la minimisation des morts gazaouis (et le silence total de ceux en Cisjordanie) découle de la position de soutien inconditionnel à Israël.
La montée du racisme et la gestion de la crise actuelle par l’appareil d’État a pour conséquence une augmentation des actes antisémites dénombrés. On ne sait pas quelle part de ces actes dénombrés sont réellement antisémites ou sont des actions antisionistes assimilées, mais nous dénonçons tous les actes antisémites, à la fois parce qu’ils sont racistes et parce qu’ils sont le signe d’une incompréhension complète des rapports sociaux, de qui sont nos adversaires, de la nécessité de faire la distinction entre les peuples d’un part et leurs États et leurs dirigeants d’autre part.
Mais de manière générale ce sont les arabes et les musulman.es de France qui sont visé.es par la classe dirigeante française. La mobilisation en solidarité avec le peuple palestinien est l’occasion pour le gouvernement de développer dans le silence le plus total une séries de mesures anti-banlieue qui viennent en réponse aux révoltes urbaines du début de l’été dernier : augmentation des amendes/peines, expulsions renforcées et extension de la double-peine et aussi retour du caractère obligatoire du SNU. Tout cela en lien avec la préparation des Jeux olympiques, qui servent de prétextes à une série de mesures antisociales et anti-pauvres, par exemple la suppression des cantines populaires.
De la même manière, la situation globale permet également de faire passer des lois racistes comme celle de Darmanin qui fait l’objet d’un chantage de la droite pour en accentuer les aspects répressifs.
Globalement, la politique du gouvernement utilise la situation actuelle pour accélérer son tournant réactionnaire. Elle écrase la contestation sociale, interdit les manifestations, encourage les discours réacs avec par exemple les déclarations sur l’écriture inclusive, les menaces contre Guillaume Meurice, LFI, le NPA et d’autres structures. Cette séquence se place totalement dans la continuité de la campagne contre l’abaya, la tentative d’interdiction des soulèvements de la Terre, etc.
L’extrême-droite devient centrale dans le champ politique institutionnel
Nous devons prendre toute la mesure de ce qui s’est passé autour de la marche du 12 novembre qui révèle la place structurante de l’antisémitisme et de l’islamophobie, qui se renforcent mutuellement. Les juif.ves ne sont actuellement plus sous la menace directe d'un racisme d'Etat, mais subissent toujours les retombées des théories complotistes. La place de ces deux formes de racismes ne sont pas les mêmes dans l’agenda politique des partis de droite (macronistes compris) et extrême droite qui développent sur tous les terrains une offensive islamophobe pour justifier leur autoritarisme et les attaques contre notre camp. Mais la crise politique qui se noue autour de la solidarité avec le peuple palestinien nous rappelle qu’on ne pourra pas combattre la place devenue centrale de l’extrême droite sans combattre ces deux formes de racisme, et plus largement tous les racismes.
La journée du 12 novembre a marqué une cristallisation des tendances néfastes de la situation. Ainsi, l’extrême droite, RN, a pu parader dans une manifestation contre l’antisémitisme sans en être virée par les premier.e.s concerné.e.s. Celleux, ultra-minoritaires, qui contestaient leur présence l'ont fait en mettant en miroir les organisations de gauche qui n'ont pas appelée à la marche, à commencer par LFI, les soupçonnant de complaisance avec l'antisémitisme... Cela n'a pas empêché ces militantEs organisés de confession ou de culture juive de se faire bloquer par la police et d'être attaqué par l'extrême droite sioniste. Enfin, une majeure partie de la gauche institutionnelle a de facto accepté cette union sacrée avec la droite gouvernementale et l’extrême droite. Cela trace l’ampleur de la défaite politique du lien entre combat anti-raciste et combat contre l’oppression de classe. C’est de ce point de départ qu’il nous faut repartir avec l’enjeu de déconstruire le caractère systémique de ces deux racismes de plus en plus constitutifs du maintien de la domination d’un système complètement délégitimé.
Les premiers enseignements de cette journée sont multiples, même si les effets et interactions ne sont pas encore totalement mesurables. La reconfiguration du prétendu “arc républicain”, dans lequel le RN prend la,place de la LFI, est une victoire pour la politique de Marine Le Pen, et rapproche l’extrême droite de l’accès au pouvoir. Le renoncement total du PS, EELV et du PCF à affirmer un combat indépendant contre l’antisémitisme les a rangés derrière les macronistes, LR et les extrêmes droites. Si l’opération politique est une victoire indéniable pour ces dernières, en particulier pour Le Pen et le RN, l’écho en termes de mobilisation de cette union sacrée est très relatif. 182 000 personnes à l’échelle du pays, c’est loin d’être un succès. Ce n'est pas un problème pour l’extrême droite, dont ce n’est pas le terrain, mais ça en est pour partie un pour le pouvoir et la droite, dont l’objectif était aussi de renforcer l’éclatement de la NUPES et corneriser un peu plus LFI.
Une fois de plus, les militant.e.s et sympathisant.e.s de gauche, ont été orphelins de leur propre voix, à l’exception de quelques initiatives locales qui ont eu toutes les peines du monde à être audibles dimanche 12 novembre dans ce grand barnum médiatique entièrement au service de la construction de cette marche des droites et extrême-droites. Cette difficulté se nourrit de la prise en charge lacunaire par les organisations du mouvement social de la lutte contre tous les racismes, dont l’antisémitisme.
Le mouvement social, le mouvement ouvrier, l'ensemble de la gauche sociale et politique devrait prendre ses responsabilités. Il y a un enjeu dans les jours et les semaines qui viennent à proposer à toutes les organisations associatives, syndicales et politiques se réclamant des combats antiracistes, aux mouvements internationalistes de solidarité avec les peuples opprimés, aux cadres de mobilisations contre la loi Darmanin, la construction d’une grande initiative unitaire contre l’antisémitisme, l’islamophobie, et toutes les formes de racisme.
Parallèlement, le NPA renforce ses moyens de lutter contre l’antisémitisme, et d’élaborer sur le sujet. Pour ce faire, il lance un groupe de travail sur le sujet et mandate le CE pour en fixer les modalités précises.
La France et la gauche
Salah H à notre université d’été en août 2023 a bien expliqué que soutenir les Palestinien.nes allait être plus dur dans les temps à venir et de fait les divisions au sein de la gauche n’ont pas tardé. Elles ont mis en lumière les reculs idéologiques au sein des organisations concernant la question palestinienne. Le discours de Salah était en quelque sorte avant-coureur : le PS, EÉLV et le PCF ont révélées très vite leur tropisme colonial et ont plutôt accompagné la dynamique raciste et islamophobe sitôt l’attaque du Hamas et son ampleur révélée. La violence des massacres a polarisé très fortement leurs positions ne laissant plus place à une discussion rationnelle, isolant les attaques du 7/10 du contexte général de la colonisation et de fait essentialisant la violence arabe.
La position du PS, du PCF et des Verts est liée à leur degré d’intégration au système. Leur soutien à Israël a été la combinaison d’une adhésion avec les accords d’Oslo, qui légitiment la colonisation, de l’intégration d’une idéologie raciste identifiant victimes israéliennes et civils occidentaux et amalgamant la résistance armée des classes populaires, notamment des personnes raciséEs, dans un terrorisme.
La position du PS/PC et les pressions sur la LFI et sur le NPA montrent à quel point la situation est dégradée. Le PCF notamment, a, plus ou moins, abdiqué le soutien réel aux Palestiniens même si la continuation du massacre à Gaza commence à peser sur lui et les organisations qui étaient jusque-là réticentes.
Au sein du NPA aussi, les discussions continuent notamment en lien avec notre communiqué du 7 octobre et sur la tactique employée. Les débats portent moins sur le colonialisme que sur la nature du Hamas et sur les stratégies de luttes de libération nationale. Ces débats doivent continuer et le NPA doit pouvoir organiser des discussions/formations larges sur ces questions.
Une chose est sûre c’est que le soutien aux Palestinien.nes doit continuer à se développer avec l'implication des mouvements palestiniens et des quartiers mais aussi les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier.
Le cadre général de notre intervention
La situation est difficile. Nous somme directement visés par la répression avec la plainte pour apologie de terrorisme. De manière plus large et générale, la répression qui s’exerce contre le mouvement de solidarité avec la Palestine a dans un premier temps cantonné celui-ci à des rassemblements certes réussis mais qui auraient pu être beaucoup plus importants. Il y a eu beaucoup d’amendes et un refus des appareils de se confronter à ces interdictions, la plupart des organisations préférant ne pas appeler et laissant les gens se débrouiller sur place face à la police.
Le NPA doit mobiliser ses forces car les enjeux de cette mobilisation sont considérables : d’une part par solidarité internationale avec le peuple palestinien et aussi contre l’État autoritaire, les violences policières et contre le racisme et l’islamophobie. Qu’on le veuille ou non, la situation en Israël/Palestine est structurante localement et nationalement.
Cette intervention doit allier différentes dimensions :
1) construire le rapport de force pour le soutien à la résistance (en particulier aux forces progressistes), la mise au ban de l’État d’Israël en vue de la victoire des Palestinien.nes (droit au retour, à un Etat…), ce qui passe notamment par le fait d’amplifier la voix des Palestinien.nes ici - autour de personnalités comme Salah H, Musna, etc. et aussi autour de campagnes dirigées par ceux-ci comme BDS, Urgence Palestine, en lien avec les syndicats, etc..
2) trouver les moyens pour aider à l’organisation et la représentation des quartiers populaires dans cette lutte.
3) combattre la répression et toucher plus de monde par une politique de front unique large en intervenant dans le contexte des collectifs Palestine traditionnels - en général plus blanc et dont les appels peuvent être plus modérés, voire parfois carrément faux en termes d’orientation (solution à deux États, renvois dos à dos dans le discours…).
Il est important de faire le lien entre ces trois milieux pour développer le mouvement. Evidemment les déclinaisons locales varient mais il faut avoir conscience que les populations susceptibles de se mobiliser en solidarité avec la Palestine sont peu atteintes par les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier.
Au-delà des différents cadres qui ont chacun leur spécificité, le mouvement de solidarité en France, en Europe et aux Etats-Unis s’est largement organisé autour de l’exigence du cessez-le-feu. Ce mot d’ordre fédérateur est au cœur de la bataille politique menée contre les classes dirigeantes, gouvernements et organisations internationales, qui soutiennent ou laissent le pouvoir israélien écraser les PalestinienNEs par tous les moyens. Dans ce rapport de forces actuellement très dégradé, l’obtention d’un cessez-le-feu serait une première victoire contre l’Etat d’Israël et ses soutiens.
Au sein de ce mouvement, nous défendons aussi ces revendications :
- L’arrêt immédiat des bombardements
- L’arrêt du blocus maritime et aérien de Gaza et la mise en place d’une aide internationale indépendante de l’état Israélien
- La libération des milliers de prisonnier.es palestinien.nes détenus dans les prisons Israéliennes
- L’arrêt de la colonisation et du harcèlement/expulsion en Cisjordanie et à Jérusalem Est.
Des explications en profondeur sont nécessaires sur ces questions, liées au recul des traditions de mobilisation. Comme le dit encore la déclaration du 25 octobre de la Quatrième Internationale, “nous savons que le Hamas ou d’autres forces religieuses fondamentalistes ne seront pas des alliés dans la recherche d’une solution palestinienne progressiste. L’idée que le peuple palestinien puisse parvenir à son émancipation nationale par une défaite militaire de l’État israélien, un État doté d’une supériorité militaire écrasante, est une illusion. Dans un contexte moyen-oriental caractérisé par une mosaïque de peuples et de minorités, la paix n’est possible que par l’émancipation démocratique de tou.tes.”
La résistance, y compris armée, du peuple palestinien doit donc se combiner avec une pression internationale, pas seulement des institutions internationales mais des Etats, dont l’aide matérielle et le soutien politique permet à l’Etat israélien de mener sa guerre coloniale. Dans ce cadre, nous devons agir sur notre propre impérialisme. C’est cette pression internationale qui pourrait également être un point d’appui pour dégager en Israël une opposition aux politiques sionistes.
Le retour des réfugié·es et la restitution de leurs terres, dans une colonie de peuplement, impliquent nécessairement un partage des richesses et des moyens de production au détriment des colons. Mais, comme pour la revendication de démantèlement des colonies, cela ne signifie pas du tout “jeter les juifs à la mer”. Sur le long terme, nous revendiquons la fin de l’apartheid et le droit de retour des réfugiés et soutiendrons toute solution qui permettrait l’égalité et les mêmes droits pour toutes les populations. Notamment une solution qui mette fin la domination d’un groupe sur autre et permet la libre expression culturelle et religieuse de tous ses citoyen.nes. Cela pourrait prendre la forme d’un État unique, laïc et démocratique, où chacun pourrait vivre avec sa culture, sa religion ou d’un État binational.
Seul un tel changement peut à la fois garantir les droits des Palestinien·nes, mais aussi, à plus long terme, la possibilité pour les Juifs.ves de vivre dignement, librement, sans oppression, dans une région où ils sont très minoritaires.
Mais nous savons que seul un rapport de forces profondément modifié pourrait tirer dans cette direction, et que cela dépendra de la mobilisation des classes populaires du monde entier, et de la capacité des Palestinien·nes à se doter d’organisations défendant une telle politique. Nous travaillons par conséquent en priorité, chaque fois que c’est possible la campagne BDS qui regroupe 170 organisations de la société civile palestinienne, et des syndicats palestiniens, comme nous mettons en avant les positions anticolonialistes en Israël, même les plus modérées.
Nous expliquons aussi les ressemblances entre la situation en Palestine et la situation en Ukraine, ce qui permet à la fois de discuter de la légitimité de la résistance armée et de faire comprendre que nous allons vers un monde de plus en plus violent, dans le cadre aussi de la crise écologique, et qu’il n’y a pas de solution sans révolution sociale mondiale.
Par ailleurs, nous expliquons que l’offensive sur la question palestinienne par le gouvernement est en cohérence avec sa politique raciste dans les quartiers populaires, qui est la cible privilégiée des mobilisations sur la Palestine. Une politique raciste dont les dimensions actuelles sont les attaques contre les migrants (via la nouvelle loi Darmanin), l’islamophobie systémique (abaya, etc.), et qui se combine avec une politique d'attaques antisociales violentes. La question palestinienne est une question coloniale qui se structure également en lien avec le passif colonial de la France. Ainsi il n’y a pas de hasard si la gauche réformiste s’est fracturée sur la question de la Palestine. Même les positions modérées de la France Insoumise sont inacceptables pour la classe dominante. La FI reste, malgré ses contradictions, plus indépendante de l’appareil d’État que les autres forces impliquées depuis 70 ans, y compris le PCF. Il est important pour nous de discuter de cet élément avec les militant·es de gauche, car cela montre aussi de quelle gauche nous avons besoin sur la longue durée. Nous essayons de faire en sorte que les forums anticapitalistes prennent en charge toutes ces dimensions, dans l’espoir de construire des expériences militantes communes.
L’action concrète
Les remontées de régions et de Paris montrent que la plupart du temps, le NPA a joué son rôle de transmission et a participer au fait qu’une expression de soutien aux Palestinien.nes puisse se faire. Nous devons amplifier cette dynamique. L'attaque en cours sur Gaza va durer et aura des conséquences sur la longue durée. Il faut donc continuer à amplifier le mouvement et développer la solidarité. Il faut aussi poursuivre les discussions tactiques et les formations sur le colonialisme, le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme.
La campagne BDS est aussi localement un moyen d’intervenir et de préparer les temps plus longs sur la question palestinienne.
Là où c’est possible, nous cherchons à créer/impulser des comités Palestine, militants, pour y organiser des gens, qui peuvent dépasser les cartels d’organisation, dans les universités, dans les quartiers populaires à partir des lycées, en lien avec les Jeunesses Anticapitalistes. Il faut multiplier les réunions publiques (ou semi publiques selon la répression) sur ces sujets, en mettant en avant des figures du cette lutte, et nos porte-paroles Pauline et Christine. Tous les exemples montrent que cela attire les gens qui veulent des analyses et des clés politiques et que cela contribue à accélérer la construction d’une lutte auto-organisée.
Nous nous attachons à construire les cadres unitaires et nous intervenons pour qu’ils se mettent au service de l’amplification et de la structuration de la solidarité pour peser réellement sur le positionnement de l’Etat français. Il faut travailler à organiser concrètement tou.tes celleux qui veulent affirmer leur solidarité : organiser des réunions, distribuer des tracts dans les lieux publics, les marchés, les lycées, les facs, organiser des collectes…
Nous testons la possibilité d’une manifestation nationale à Paris avec l’organisation de cars des régions.
Les structures syndicales doivent jouer un rôle en répondant à l’appel à la solidarité des syndicalistes palestiniens. Partout où nous le pouvons, nous proposons que les structures syndicales envoient des messages de solidarité à workersinpalestine@gmail.com ou sur twitter ou instagram. Et lorsque cela est possible, nous proposons des déclarations ou des motions des structures ou des instances se prononçant sur des revendications en lien avec celles des syndicalistes palestiniens : refuser de fabriquer des armes destinées à Israël, refuser de transporter des armes vers Israël, refuser la collaboration avec des entreprises israéliennes. Dans chaque champ professionnel et donc syndical, une dimension de la campagne BDS peut être mise en œuvre: dans l’industrie, dans l’éducation et les universités, dans la culture…
Nous devons aussi défendre l’idée d’actions visant au désenclavement politique de Gaza et de la Palestine sur le modèle des missions civiles ou des bateaux qui avaient tenté de rejoindre Gaza en 2010-2011.
La question palestinienne et ses déclinaisons en politique française vont être à l’ordre du jour des prochaines semaines il faut tenir contre le courant et intervenir partout où c’est possible.